Petit gamin au sourire facile. Il sourit beaucoup et bien. Sa mère l'encadre de caresse, de cajoleries, l'étouffe sous ses étreintes aisées auxquelles elle s'adonne lorsque l'occasion se présente. Nikolai, c'était avant tout un môme aimé, entourée et gâté. Il venait d'une famille modeste, possédant un verger qui nourrissait les bouches des environs. Les Romansky avaient pourtant l'opulence et la folie des grandeurs des riches familles russes. Nikolai était l'enfant du milieu, celui qui rétablissait l'ordre et était le juste milieu des choses. Deux grands frères, deux petites sœurs. Les deux grands frères partit au front avec le père, trop tôt, trop vite. Un dernier fils et deux filles, Pietra avait pour ainsi dire favoriser son fils. Cours de piano et d'écriture, elle voyait un meilleur avenir que la guerre pour Nikolai. Ses mains creuses, usées par le temps et l'effort, parcouraient le visage du jeune garçon avec une douceur équivoque. « Tu resteras mon p'tit Niko. Tu me quitteras pas toi, hein ? » L'enfant ne répondait guère, alors qu'elle l’inondait d'embrassades salées. Tous les hommes l'avaient quittés, disait-elle, il ne lui restait plus que son Niko, rien que son Niko. Alors la rustre le prenait dans ses bras osseux, le serrait de toute la force que la vie lui avait pourvu, et le souleva ostensiblement. Son enfant, son trophée, sa bataille, sa victoire. Le seul homme que la vie lui avait laissé. Bercé dans des membres décharnés chauds, le petit Nikolai ne manqua pas d'amour ou de nourriture. Alors le môme aux yeux azurés évolua dans une constante quiétude. Il ne craignait pas la guerre qui menaçait de s'éterniser en siècle, il ne craignait pas les allemands, il ne craignant pas la vie. Il ne craignait rien et mûrissait dans un esprit calme et posé, réfléchi et rêveur. Influencé par les femmes de sa vie, il n'était pas brutal et acceptait, en rechignant cependant, le travail aux champs.

L'an 1946. La guerre s'était achevée depuis quelques mois, les russes avaient gagné et la bonne nouvelle déferla à travers toute l'URSS. La bourgade natale de Nikolai reçu tardivement l'annonce de la victoire et de grandes festivités s'en suivirent. Le village prônait la collectivisation des terres, ainsi chaque famille mettait en commun quelques bribes de récoltes pour pouvoir organiser les célébrations comme elles se devaient. Les hommes fermentaient de la vodka dans les caves tandis que les femmes cuisinaient durant des heures durant. Les enfants martelaient le sol de leurs sabots joyeux et dansaient gaiement à travers les courtes avenues. Nikolai, lui, s'était enfermé dans son bureau, il jouait, encore et encore, jusqu'à ce que ses doigts en soient écorchés vifs. Il n'était pas expressif et voyait en la musique un moyen d'exprimer ses sentiments. Ses deux sœurs virevoltaient dans la pièce adjacente au rythme des mélodies heureuses qui s'évaporaient dans les airs. La mère Romansky, coupait méticuleusement, au tempo qu'imposait le jeune garçon, des légumes, un grand sourire pendu à ses lèvres sèches. La famille s'était jointe aux festivités et partout dans le village, les airs symphoniques se répandaient comme une traînée de poudre dans les cœurs et les oreilles. Des jeunes filles et des jeunes garçons se mirent à chanter des chants traditionnels russes créant un aria agréable qui envoûtait les âmes présentes. Nikolai avait joué pendant des heures et des heures, ne se lassant aucunement, son public non plus. Il ne s'arrêtait que pour danser ou partager des bons verres de vodka avec quelques compatriotes, sous le regard inquiet et fier de sa marâtre.

La nuit était profonde, noire et intense. Quelques étoiles venaient percés le ciel obscur. Les Romansky étaient rentrés sagement dans leur maison située en haut des collines. Nikolai était resté à l'extérieur, trouvant un certain intérêt aux astres, il prétendait que les étoiles influençaient sa musique. Il lui arrivait de veiller tard le soir, la tête penchée vers la voûte céleste ténébreuse. La lune, ronde, belle et voluptueuse le surveillait avec un sourire dédaigneux. La guerre était terminée. Son père et ses frères étaient morts au front. On leur avait décerné des médailles du courage ou autre actes héroïques, comme à tant d'autres hommes. Nikolai ne ressentait rien en ce jour symbolique. Pas de soulagement, du fait que la guerre se soit achevée, pas plus de joie à l'idée que son peuple sort vainqueur de ce périlleux combat. Non, rien du tout, rien du tout. Il n'était qu'un môme égoïste qui ne pensait qu'à lui et rien qu'à lui. L'évidence que son existence comptait plus que celle de ses pairs s'était imposée à lui sous les cajoleries échaudées de sa mère.

Il eut un bruit. Derrière lui. Un craquement de branche, presque inaudible et discret. Nikolai acquérait au fil des années une certaine sensibilité auditive, la musique s'étant imprégnée dans ses tympans, il entendait mieux que la normale et un simple craquement tombait facilement dans son oreille. « Il y a quelqu'un ? » Sa voix était agacée, elle ne trahissait nullement la crainte ou l'appréhension. Nikolai n'aimait tout simplement pas être interrompu dans ses moments de réflexions et de cogitations nerveuses. Un timbre s'éleva dans le silence angoissant des lieux, une voix féminine, douce et forte à la fois. « Bonsoir, monsieur le pianiste. » Une silhouette se dessina derrière lui, à travers les arbustes qui bordaient la solide maison des Romansky. Un visage apparut suivi d'un corps orné d'une robe rose pâle, dont les dorures se reflétaient à la lumière de la Lune. Nikolai haussa les sourcils à la vue de cette jeune fille, ou femme, il n'arrivait pas à déterminer son âge. Une face enfantine, exempt de toutes marques de l'adolescence et encore perdue dans les rivages indolents et charmants de l'aurore de la vie. Elle ressemblait de ce fait à Nikolai. Néanmoins, sa posture, la façon dont ses mains blanches s'entrelaçaient ou encore sa coiffure vieillissant ses traits, indiqué un âge beaucoup plus avancé. Et, afin de troubler une fois de plus le jeune homme, sa robe féodale rubescent au contact des halos lunaires, la rendait presque engageante. « Qui êtes-vous ? » Sous la clarté étincelant de l'astre nocturne, des ombres se formèrent sur les lèvres de son interlocuteur, Nikolai crut voir un sourire sur son visage. « Un esprit égaré. Ni plus ni moins. » Un nouveau sourcil du môme s'éleva. « Un esprit égaré ? » Il releva la tête, une stupeur s'éprit de lui. Son interlocutrice, qui était jusqu'alors derrière lui, s'était retrouvée instantanément devant lui. « Une revenante, un ectoplasme, un spectre, un vampire.. on me donne tous les noms, lequel choisissez-vous, pour moi ? » Le cœur de Nikolai eut un raté. Il avait levé les yeux et ce ne fut que lorsqu'elle commença à répliquer, qu'il l'eut vu vraiment. Il était littéralement subjugué, émerveillé, captivé par le faciès de la jeune femme. C'était comme s'il découvrait la beauté véritable. Mais ce n'était pas tant sa joliesse qui l'envoûtait, non, c'était cette forte aura qui se dégageait d'elle. Un halo incandescent et aveuglant qui épousait ses formes. Il n'avait jamais vu une femme comme ça. Qui, dès qu'il eut posé les yeux sur elle, parvenait à le fasciner au point où il en oublie tout, lui, sa famille, son nom, la date. Ses yeux n'étaient plus que des aimants magnétisés par l'être surnaturel qui se dressait devant lui. « Tous... Votre apparence.. ne peut être humaine. Je.. je veux dire.. enfin, je ne veux pas dire que vous n'êtes pas humaine ou que vous êtes un monstre.. c'est juste que.. de tous les visage que j'eus vu, votre visage.. est le seul à m'avoir ébloui au point où j'en deviens aveugle. » A ces mots, l'illustre demoiselle rit, d'un rire qu'il assimilait au chant claironnant des oiseaux. « J'avais presque oublié l'effet que je pouvais produire sur vous autres. C'est toujours plaisant d'être flattée. Continue, je te prie. » Puis, comme hypnotisé, Nikolai poursuivit l'éloge sur la magnificence et le charisme écrasant qui émanait d'elle. Il épuisa l'ensemble du vocabulaire qu'il avait sur la beauté et l'attrait, il avait exprimé tout ce qu'il ressentait en cet instant. « Est-ce tout ? Je ne t'ai pas dit de t'arrêter, continue jusqu'à ce que ta langue en tombe. » « Je suis navré, mademoiselle, mais je n'ai plus rien à ajouter. » L'astre personnifié l'observa avec une drôle expression, une expression indéchiffrable. Une seule question lui parvint à l'esprit. « Qu'êtes-vous donc, mademoiselle, si je puis me permettre de demander ? » La jeune femme prit place à ses côtés sur la balancelle sur laquelle il était assis depuis des heures. « Une scientifique. Je voyage de pays en pays, de villes en villes, de villages en villages dans le seul but de tester de nouvelles expériences. » Son esprit, jusque là embrouillé par des mélodies et des complaintes, fut piqué à vif à la simple idée de savoir sa compagne de discussion scientifique, et mieux encore, la savoir voyageuse. Intrigué, il s'autorisa une nouvelle fois à la questionner. « Et, quel est votre actuel sujet d'étude ? » Un geste de la main et une mèche brune de ses cheveux se retrouva derrière son oreille, elle se tourna vers lui, l'obligeant à faire de même. Leurs regards se croisèrent et un sourire naquit sur les lèvres du spectre. « Toi. » Dérouté, troublé, désorienté, interloqué. Nikolai ne savait pas quoi répliquer, rétorquer, demander. Il se demandait s'il avait bien entendu. Il souhaitait savoir ce qu'elle voulait dire par là. Il n'était pas un sujet d'étude ? Et qu'importe s'il en était un, il n'y avait strictement rien d'intéressant pour être étudier. Mais avant qu'il ait pu ouvrir la bouche, la jeune femme avait disparu.

Combien d'années maintenant ? Une cinquantaine ? Il a arrêté de compter. Il était allongé sur un lit, le regard dans le vide, le corps vénal. Marionnette de sa Sire. Un corps ondulant sur lui. Il a l'esprit embrouillé, embrumé. Il ne sait pas qui le chevauche en ce moment même. Il ne veut pas le savoir. Il se demande simplement pourquoi et surtout comment il en est arrivé là. Un prostitué, voilà ce qu'il était. Fini les grandes ambitions, la carrière rêvé de Chopin. Il n'était plus qu'une vulgaire monnaie d'échange. Il se souvient maintenant. Lorsqu'il avait accepté de suivre la jeune femme, qui s'était présentée comme Oksana Obolensky. Il aimait sa famille bien sûr, mais son ambition, son envie, sa curiosité l'avait poussé à abandonner sa mère et ses sœurs. Être le sujet d'étude d'une femme qui semblait si forte, si puissante, si magnétique. Naturellement, qu'il voulait l'être. Elle était revenue vers tous les soirs, jusqu'à ce qu'il accepte. Les premières années à sa solde furent les plus heureuses, si on pouvait qualifier sa misérable existence de rat de laboratoire comme heureuse. Attaché, ficelé, maintenu contre un siège peu confortable, la Lady expérimentait maintes choses sur lui. Au début, elle récoltait son sang tous les jours, pour un but peu scientifique. Il avait mal, il se sentait faible, était surpris parfois par des évanouissements. Puis, il était devenu son marqué. Son sang, il s'en délectait dès qu'elle sentait que leur lien commençait à se rompre. Alors, il buvait, buvait encore et encore. Drogué, allaité. Il n'était plus qu'un louveteau se nourrissant allègrement de sa génitrice à la moindre autorisation. Il faut admettre qu'elle le traitait bien, enfin mieux que maintenant. Parce que avant elle le voyait comme un animal, un petit rat qui subissait des tests, des expérimentations. Puis au bout d'une dizaine d'années de bons et loyaux services, et voyant surtout que les traitements qu'elle donnait à Nikolai ne fonctionnaient pas, elle l'avait alors dénigré. Et il n'était plus un petit rongeur à ses yeux. Non.. Il était devenu un simple objet. Un meuble décoratif, encore un, dont on se sait ni l'utilité ni où se trouve sa place. Alors elle le déposait ici et là, avec ses autres objets. Femmes, hommes. Il ne servait qu'à une chose, rendre l'intérieur de l'habitation agréable à l’œil. Alors elle le transforma en vampire, comme elle. Pas par envie, ou par besoin. Non. Juste « parce qu'il avait été son marqué, et que ses marqués devenaient toujours des vampires. ». Il n'allait pas commencé à déroger à la règle. Nikolai pensait qu'une fois vampire il pourrait recommencer à zéro, convaincre sa Sire de quitter Moscou pour partir tous les deux. Car oui, Nikolai avait déjà sillonné quelques endroits du globe avec Lady Oksana. Ils étaient partis en Ukraine, à Paris, à Vienne, à Prague, quelques fois à New York. Toujours pour des rendez-vous d'affaires. Oksana restait quelques jours pour discuter avec des alliés avant de repartir à Moscou. Et Nikolai, en bonne décoration murale, s'était contenté de la suivre telle une ombre et de proposer « de sa propre initiative » des services lubriques aux hôtes de sa Sire. Et lorsqu'il ne servait pas à améliorer ses relations d'affaires, il servait à régler quelques dettes. Oksana avait une forte folie dépensière. L'argent, elle le flambait à son contact même. Elle ne connaissait pas le mot « économiser » et passer le plus clair de son temps à emprunter à ses amis. Elle avait beau être une ancienne, son irresponsabilité était souvent comparée à celle des nouveaux-nés. Ainsi, elle le vendait à quelques bons amis pour régler la note. Et parfois même sans avoir une quelconque dette envers l'acquéreur, c'était à titre préventif disait-elle. Nikolai était apprécié par la cour de Moscou, pour son corps torturé et les sévices qu'on pouvait y ajouter. Chacun se vantait d'être à l'origine de telles ou telles cicatrices, sachant très bien que sa peau guérissait à chaque nouvelle marque. Il ne gardait que de profondes contusions, provenant de la nuit où Lady Obolensky l'avait transformé. C'était sa coutume, la tradition de sa lignée. Apposer sa marque de fabrique sur chacun de ses vampires. Nikolai avait souffert cette nuit-là, et encore le mot est faible. La douleur était si profonde, qu'il en cauchemardait, de peur de revivre ça. Nikolai ne s'était jamais rebellé contre sa Sire. Pourquoi ? Parce qu'un simple regard vers elle et toute motivation, toute pensée négative, toute colère disparaissait instantanément. Il était fou d'elle. Elle l'avait rendu fou en tout point. Ce petit gamin au sourire facile, à la candeur innocente. Elle avait réveillé une part sombre en lui, en jouant avec ses sentiments. Oksana fut la première et la dernière femme qu'il eut aimé. Il était complètement, absolument, irrémédiablement, conquis, absorbé, écrasé par elle et par son charisme dingue. Il était inerte. Sa peau glacé, ses yeux clos, son souffle inexistant. Il avait beau être un vampire, il passait aussi bien pour un mort. Éteint, immobile, apathique. Il n'était plus qu'un simple corps étendu dans des draps de soie. Et lorsque la vampire qui le griffait depuis des heures présentement se retira de lui, il resta de marbre, dans la position exact qu'il occupait dès qu'il fut jeté sur ce lit. La vampire sourit avant de se rhabiller. « Lady Oksana a toujours su choisir ses jouets. » Nikolai ne cilla même pas, il conservait cette expression insondable.


Sa situation empira. Enfin, elle s'améliora dans un certain sens. Il obtint une sorte de " promotion " à l'avènement d'Alexeï. Il est passé de vulgaire objet sexuel et torturé à un animal domestique. Il y avait du progrès. Si autrefois, il restait rigide comme un lampe, il aboyait maintenant comme un chien sous les sévices pénibles et lancinants d'Alexeï. Il endurait simplement. La douleur. La torture. Les humiliations. Creusant un gouffre profond et infini dans son cœur, son amour pour sa Sire se détériorait de jours en jours, d'années en années. Il ne ressentait plus l'extase des premières décennies. Il ne ressentait plus cette ascendance qu'elle avait sur lui. Et lorsqu'un jour, prit de questionnements, Nikolai lui demanda pourquoi elle l'avait choisi, lui, et pas un autre, elle sourit avant de lui révéler sa nature antérieure. Il était un médium jadis, un médium inavoué, certes, mais un médium quand même. Elle le voulait pour mener à bien ses recherches, et maintenant il ne servait plus qu'à financer ses mêmes recherches à l'aide de son corps. Nikolai
demeurait assis sur un divan, les yeux rivés sur un vieux livre en anglais, langue qu'il maîtrisait depuis quelques années.

Dans le brouhaha constant qui animait la cour, Nikolai perçut un cri. Un hurlement. Ce n'était une vocifération de plaisir, de souffrance ou autres cris communs à la cour. Non, c'était un glapissement d'agonie, profonde et intense. C'était le cri de sa créatrice. Le cri se perdait, se mêlait à d'autres complaintes de douleur, de torpeur. Une fumée entrait dans ses narines et très vite Nikolai comprit : un feu venait de s'embraser, détruisant tout sur son passage, vampires y compris. L'appel du sang fut fort et Nikolai se leva d'un seul geste, prêt à secourir son Sire qui l'intimait. L'appel ne fut pas plus fort que les anciens qu'elle lui avait lancé. Il ne ressentit pas une impérieuse envie de se jeter dans les flammes ardentes pour en sortir la Lady. Il ne ressentait que faiblement son ascendant. Il ne fallut pas longtemps pour qu'une idée germe dans son esprit : il pouvait fuir, quitter cette vie, cette existence de serpillère, il pouvait s'évader, sentir la joie de la liberté. Nikolai était avant tout un loyal sujet, mais son égoïsme dépassait l'entendement. Ni une ni deux, il passait par des sorties sous le point d'être ravagées par le brasier qui s’élevait dans la demeure. Il ne laissait rien derrière lui. Tous ses souvenirs, ses affaires. Rien du tout. Il n'emporta rien. Pas la moindre affaire. Il n'avait ni l'envie ni le temps. Il s'était enfui. Mais alors, que devait-il faire maintenant ? Il devait quitter Moscou, la Russie, la planète s'il le fallait. Il ne pensait pas pouvoir continuer sa fuite bien longtemps. Lady Oksana avait des amis haut placés, parfois des princes, dans de nombreux pays et il pourrait trouver refuge auprès d'eux. Il réfléchit alors. Lady Oksana ne manquerait pas de s'appuyer sur l'aide d'Alexeï pour le retrouver si la tâche s'avérait plus ardue qu'il ne le pensait. Alexeï restait craint par beaucoup de vampires, il ne pouvait échapper à la cour de Moscou aussi facilement. C'est alors qu'un éclair de génie jaillit dans son esprit. Alexeï n'était pas un chef aimé de tous, il se souvenait encore de ce vampire qui avait quitté la cour après la prise de pouvoir d'Alexeï. S'il se souvenait bien, on racontait qu'il avait migré aux Etats-Unis. Où exactement, son esprit l'a oublié, la ville, l'état, rien de tout cela n'était en son savoir. Mais une chose était sûre, il n'avait plus vraiment le choix.



« Un True Blood, A négatif. » Nikolai relevait la tête vers le client qui venait de passer la commande. Un vampire. Pas très vieux. Il lui donnait une vingtaine d'années tout au plus. Le septuagénaire acquiesça avant de faire apparaître sur le comptoir l'objet de désir du jeune vampire. Néanmoins, sa requête ne manqua pas de lui faire hausser les sourcils. Peu de vampires qui traînaient dans un trou glauque comme les 7 péchés capitaux ne se risquaient à commander du True Blood, ils se nourrissaient à la vue de tous sur un des humains venus tester leurs limites dans l'antre de la dépravation. Mais puisque c'était une requête, il n'allait pas commencer à se poser des questions. La musique sombre et criard emplissait les murs, crevaient les tympans de ses auditeurs. Nikolai regrettait ses doucereuses mélodies de salon de thé et devait s’accommoder de ses cris d'agonie diffusés dans toutes les pièces. Ainsi était devenu son existence. Regarder des humains se faire tuer, boire, mutiler, ou bien d'autres choses qui parvenaient à ébranler ses nerfs de jeunes filles. Servir des verres à des clients pour le moins particuliers. Depuis qu'il avait quitté Moscou pour être à la solde d'Aleksandr, son existence s'était nettement améliorer. Il connaissait enfin le sentiment d'appartenir vraiment à un groupe, d'être réellement un vampire et pas un objet ou un animal. Il connaissait l'agréable sensation de la liberté. C'est dans ce nouveau milieu que Nikolai développa quelque chose qui avait disparu en lui il y a bien des décennies : de l'ambition. Il voyait en Aleksandr l'avenir. Bien plus impressionnant et magnétique que sa Sire, il avait un regard neuf, brillant sur le chef des Vrais. Un messie, un futur Prince, s'il ne l'est déjà, son sauveur. Il voulait plus qu'un simple emploi de barman dans son domaine, il voulait une place dorée, la place qu'il l'attendait, qu'il avait tant cherché. Une place de premier choix. Et même s'il n'était considéré comme un simple membre de Vrais, il savait que prochainement son ambition portera ses fruits. Bien sûr, il omettait un fait important de l'histoire : Nikolai s'était retrouvé empêtrer dans une situation que seule la mort pouvait l'en sortir. La mort d'un nécromant. Et il pensait alors qu'à une chose : se délivrer d'une servitude certaine et être enfin libre de vivre sa non-vie.