Je te haïrais comme je t’ai aimé ...

Elle le regardait s’en aller, fuir comme un lâche, comme un traitre, comme un voleur … il emportait avec lui un précieux dont il n’était même pas en mesure d’estimer la valeur tant cette dernière dépassait de loin tout ce qu’il avait pu connaître dans sa misérable existence. Oui elle le détestait. Mais Dieu qu’elle aimait. Un paradoxe inestimable. Comment tant de haine et d’amour pouvait être présents en un même corps, en une même personne, en une même âme ? Un combat sanglant se livrait en elle. Une guerre sans merci qui s’amplifiait au fil des secondes tandis qu’elle n’entendait plus le son de ses pas venir s’échouer au creux de ses oreilles … il était donc parti … parti. Immobile tel une statue de marbre dont la grâce et la prestance ne pouvaient être comparables à aucune autre, Camille ne détachait guère son regard de l’horizon, comme si au plus profond d’elle, il y avait encore une lueur d’espoir … l’espoir qu’il revienne, qu’il s’excuse, qu’il l’embrasse, qu’il l’aime … mais tout ceci n’était qu’une illusion, qu’un rêve, qu’un idéal qui n’aurait jamais lieu, non jamais.

Lorsqu’un léger souffle de vent vint caresser avec délicatesse son visage, elle sortit de son état de torpeur, de léthargie pour enfin se rendre compte de la réalité : Peut-être qu’il était le seul qu’elle avait autant aimé, mais aussi loin qu’elle se souvenait, aucun homme ni même aucune personne n’avait le droit qu’importe son identité et sa puissance, de se jouer ainsi de sa fierté et de sa dignité. Alessandro … si elle l’aimait d’une façon démentielle, elle allait le haïr au point de mettre un terme aux sentiments passionnels qu’elle avait à son égard et de cette manière elle ne ressentirait qu’une indifférence glaciale en pensant à lui, telle fut sa décision. Qu’il ne souhaite guère la retrouver, car celle dont il avait pu s’enticher venait de disparaitre, c’était le prix de sa trahison, car oui il l’avait trahie et malheureusement pour lui c’était bien l’une des seules choses qu’elle ne pardonnait pas.

Ce fut sur cette pensée qu’elle se releva du sol, et qu’elle fit quelques pas en avant comme si c’était le début d’un nouveau chemin à emprunter, d’une nouvelle voix à prendre, d’une nouvelle personne à devenir. Camille savait que l’amour était un domaine désastreux pour elle, d’abord avec son sire Charles qui avait su la décevoir au point de provoquer sa colère, ensuite avec son infant Lorenzo qui l’avait étouffée de par sa possessivité, sa jalousie et son attachement et pour finir Alessandro qui l’avait trahie tout simplement. La seule différence avec ce dernier cas, c’était qu’elle n’avait jamais aimé un autre de cette manière, même si elle en avait aimé d’autres que lui. Cependant, elle se savait capable de mettre un terme à cet amour dérisoire et à sens unique, et le simple fait de savoir que jamais elle ne connaîtrait à nouveau une peine si profonde et intense -car jamais personne ne pourrait de près ou de loin ressembler autant à Alessandro- suffisait à lui apportait un lot de consolation.