DATE & LIEU DE NAISSANCE ☞ D'aussi loin que je me souvienne, je suis née un automne 1869, si mes souvenirs sont bons. Vous ne m'en voudrez pas d'avoir quelque peu oublié la date précise, je ne suis plus toute jeune, après tout. Ma mémoire, peut me faire défaut, quand je le veux. ; AGE ☞ En apparence, je suis restée très jeune et j'ai été marquée avant que les affres du temps aient un effet sur mon corps. J'allais atteindre mes vingt cinq ans, quand je fus marquée et cela fait 124 ans que j'erre à travers les époques. ; ORIGINE ☞ C'est la belle Russie qui me vit naître. Par la suite, j'ai acquis la nationalité américaine.  ; CAMP ☞ Je suis une marquée parmi les vampires, il est évident que j'ai intégré l'Essaim. ; NOM DE VOTRE VAMPIRE ☞ Lyssandre Feuerhart est le vampire qui m'a donnée ce don. Je lui suis totalement dévouée. ; DATE DE MARQUE ☞ Mon vampire m'a marquée en 1893 soit vingt quatre ans après ma naissance.; DISCIPLINE ☞ Aliénation ; ETAT CIVIL ☞ Je suis célibataire, mais dans le fond, ma situation est très complexe qu'il m'arrive de m'y perdre dans tout cela.  METIER ☞ Gérante de la communication médiatique au sein de l'Essaim..  ETIQUETTE ☞ C'est marrant le potentiel dont use les autres afin de salir votre réputation. Alors, oui ma réputation n'est plus à faire, je suis cataloguée de tous les mots misérables qui peuvent ternir une réputation, mais moi ? Moi ça me plait et gare à ceux qui oseront se dresser sur ma route ! Souillez-moi, je saurai vous le faire payer !  

"On a probablement tort de penser qu'il peut y avoir une limite à l'horreur que peut éprouver l'esprit humain. Au contraire, il semble qu'à mesure que l'on s'enfonce plus profondément dans les ténèbres de l'épouvante, une espèce d'effet exponentiel entre en jeu. Si déplaisant qu'il soit de le constater, l'expérience humaine tendrait plutôt à valider l'idée suivant laquelle l'horreur suscite l'horreur, une calamité accidentelle engendrant d'autres calamités - parfois voulues celles-là - jusqu'à ce que les ténèbres finissent par tout recouvrir à la façon d'une tache d'encre qui s'étale progressivement sur un buvard. Et de toutes les questions que l'on peut se poser à ce sujet, la plus terrifiante est sans doute celle de savoir la quantité d'horreur qu'un esprit humain peut endurer en demeurant intégralement lucide."-Stephen King

Il y a un adage qui dit qu' à l'automne des saisons, ce sont les feuilles qui meurent. A l'automne de la vie, ce sont nos souvenirs. Pourtant, mes souvenirs sont intacts. Il y a quelques bribes qui me reviennent parfois, teintées d'une certaine nostalgie. Je n'aime pas vraiment ressentir ce sentiment, car il peut me rendre faible. La faiblesse c'est pour les nuls ! Je leur laisse volontiers. Alors oui, je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche, je n'ai jamais connu le besoin, je vivais une vie de rêve. Quand vous n'avez aucune emprise sur votre vie que celle de vous laisser dicter par les diktats d'une société, sans rechigner, sans même hausser un soupçon de voix, il est difficile de dire que ma vie était des plus enviées. A peine huit ans et me voila fiancée à mon cousin. Il était normal et il était inconcevable que cela finisse autrement. Déjà,  à ce moment, j'avais envie de hurler. Comment on pouvait m'imposer cela ? Le problème était mon sexe. J'étais une femme et je devais me comporter comme telle. Je devais encaisser en silence, je devais les laisser mener ma vie comme ils l'entendaient. Je n'avais aucune prise sur celle-ci. Je devais sourire, me tenir droite, être aimable et savoir séduire tout en étant une parfaite soumise. J'étais bien trop jeune pour comprendre toutes ces subtilités. Alors oui, je grandissais alors que ma vie était déjà toute tracée. J'allais grandir auprès de quelqu'un que je n'aimerais probablement jamais, car oui, l'amour n'était qu'un jeu de dupe. Il n'y avait aucun sentiment qui m'habitais. J'étais leur marionnette et ils tiraient un à un les fils invisibles afin de me donner fière allure. Oh tiens, elle ne sourit pas ! Tirez le fil qui ouvrira sa bouche. C'était quasiment ça ! Je n'étais plus maître de mon corps, ni de mes pensées. J'avais douze ans quand je fus mariée à mon cousin. Vous dire que ce fut le plus beau jour de ma vie, ce serait vous mentir, et pourtant... Alors que les autres jeunes filles aspirent à ce genre de vie, moi je n'aspirais qu'à être libre. Pouvoir faire les choses que je convoitais ! Pouvoir aller où bon me semble ! Pouvoir me laisser dicter par ma propre conscience. Laisser mes pas me mener dans la direction qui leur convenait. Mais non, cela m'était impossible ! Je vivais entourée de gens qui ne savaient pas probablement que j'étais en souffrance. Ce sourire était là, oui, je savais les amadouer avec mon sourire, avec ma beauté froide, mais qu'en était-il de mon propre moi ? Il n'existait plus, il s'était éteint, et je voyais ma vie défiler devant mes yeux sans pouvoir être l'actrice principale. Alors oui, j'aurais pu me rebeller, j'aurais pu devenir ce que je tenais tant à être, mais comment ? A mon âge, bien que j'avais toute la jeunesse la richesse, je pensais qu'un jour, je finirai morte à cause d'une maladie et cela était insoutenable. J'avais déjà vu quelques personnes mourir dans mon entourage, des enfants morts en couche car ils étaient trop fragiles pour supporter les affres de toute une vie. La pauvreté aussi me faisait peur, car oui, je menais une vie de princesse dans mon château, pour le moment j'étais en sécurité, mais si la pauvreté venait m'atteindre de plein fouet, je finirais comme tous ces mendiants ? Je finirais seule, et malade. La saleté serait mon linceul ? Cela était inconcevable pour une femme de ma trempe. Qu'ils aillent tous au Diable ! Je voulais être seule maître de mon destin. Je n'avais aucun plaisir, et même mon mari ne me donnait aucune satisfaction. Quand ce porc me touchait, j'avais l'intime conviction qu'il me salissait d'avantage avec son corps devenu hideux. Il ne me plaisait pas, il ne me foudroyait pas de plein cœur. Il n'y avait aucune étincelle quand il me regardait. Tout se brouillait. Je ne voyais plus que la fin du tunnel et parfois, il me semblait que j'allais m'éteindre à mon tour, parce que cette vision de moi, m'était insupportable. Il m'arrivait de pleurer tellement j'avais peur. Personne ne pouvait comprendre, car pour eux, ma vie était la plus belle. Je ne me plaignais pas de la vie que je menais, quelle ironie ! Si j'avais eu le malheur de l'ouvrir pour exprimer toute cette rage qui bouillonnait en moi, pour sûre que le prix de mon indignation me marquerait la peau. Pourtant, si je ne voulais pas finir comme je le redoutais tant, il fallait que j'agisse. Il me semble qu'il était évident que je n'étais pas faite pour ce genre de vie. Mon corps se battait bien plus que je le pensais, il fallait que je tire moi-même les fils de la poupée que j'étais. Après tout, je devais reprendre le dessus et mener l'existence qui me plaisait. J'étais prédestinée à faire de grandes choses. Je ne le savais pas encore, mais j'étais intiment convaincue que quelque chose m'attendait. Que j'étais celle qu'on attendait. Qu'il fallait que je mette tout mon potentiel en avant. Qu'il fallait que je me batte pour ma propre existence. J'avais échappée à une fièvre mortelle qui s'était abattue sur ma prison de verre. J'avais eu de la chance ou peut-être la bénédiction du Saint Esprit, mais une chose était sûre, c'est que mon heure n'était pas encore arrivée. Le souci, c'est de ne pas savoir combien de temps il me restait. Le plus terrible, c'est de vivre dans l'ignorance, se demandant chaque jour et chaque nuit quand la faucheuse viendra m'emmener dans son monde. A quel moment précisément. C'était un tel enfer, mais je ne devais en aucun cas, laisser cette peur me hanter. C'était plus facile à dire qu'à faire. Mon mari ne me regardait plus déjà occupée à s'amouracher d'une autre jeunette. Elle n'était pas très belle, mais au moins sa richesse l'était suffisamment pour oublier ce détail. Plusieurs fois, j'eus envie de lui dire de fuir, que ce n'était pas la vie dont rêvent toutes les jeunes filles, qu'une fille ne devait pas vivre de la sorte, mais rien. Je la laissais après tout vivre ce qu'elle pensait être d'une beauté exquise. Je ne pouvais pas lui retirer cette chance qu'elle avait. Mon mari et sa nouvelle fiancée, s'absentèrent pour une soirée donnée en l'honneur de leur mariage. Il fallait qu'il expose fièrement son nouveau trophée, bien qu'il ne trouverait jamais plus un aussi bel écrin que je l'avais été. Je l'étais toujours, d'ailleurs, je crois qu'en grandissant j'animais la jalousie des femmes de même rang. Les hommes quant à eux, me dévoraient de leur regard lubrique. J'étais aussi inaccessible que l'astre de la nuit, j'étais comme un rêve qu'on ne pouvait pas oublier. Je passais devant leurs yeux admiratifs, éblouis, envieux et je leur laissais apercevoir la beauté sous son plus simple appareil. Je savais précisément ce qu'il se passait dans leur tête quand je passais et qu'une discrète effluve leur chatouillait les narines. Ils auraient aimé que je sois moi aussi leur trophée, leur objet qu'ils montreraient avec fierté pour alimenter la jalousie des autres prétendants. J'aurais tout aussi bien fait de m'entourer de nombreux amants, leur laisser parcourir mon corps avec leur langue taquine et désireuse, leurs mains baladeuses qui s’insinueraient jusqu'à l'objet de leur convoitise, mais non. Je valais mieux que ça !

Ce soir-là, je ne sais pas ce qui m'a poussée à franchir les portes de la ville de la belle Moscou. Il faisait sombre et l'on pouvait aisément apercevoir les ombres fantomatiques qui parcouraient les murs en pierre des petites maisons. Mes talons claquaient sur le pavé humide tandis que je déambulais à travers ces ombres sans véritablement savoir où j'allais. Elles me suivaient en silence ou c'était moi qui les suivaient, pourtant elles faisaient corps avec moi, comme si elles cherchaient à m'indiquer le chemin. Je les suivais finalement, puisque moi-même, je ne savais pas où j'allais. J'errais sans aucun but précis, tout ce que je voulais, c'était fuir le château et cette vie qui commençait à m'ennuyer. Tout me pesait, aussi bien la présence des gens, la solitude qui pourtant me réconfortait comme elle le pouvait. Cette vie où j'étais condamnée à attendre que la mort frappe. Alors que j'étais profondément en proie à des sentiments nocifs, quelque chose me sortit de mes pensées. J'essayais de m’approcher sans faire de bruit tandis que l'horreur se dessinait pleinement devant mes yeux ébahis. Je ne pense pas avoir eu peur, non, j'étais même fascinée. J'aurais pu prendre mes jambes à mon cou quand l'assassin s'en alla, mais il fallait que je vienne constater de mes propres yeux, savoir si je n'avais pas halluciné. Peut-être que mon esprit me jouait des tours, allez savoir ? Je regardais dans tous les recoins voir s'il n'y avait personne d'autre qui avait assisté à la scène. Il n'y avait que moi. Je soupire de soulagement. Je me demandais si l'autre m'avait aperçue, peut-être qu'il me réservait le même sort ? Alors oui, mon petit cœur me rappela que la peur était présente à cet instant, et quand bien même que je ne voulais pas la ressentir, je ne pouvais pas m'en défaire. J'étais humaine, et il était normal pour le commun des mortels, de ressentir ce sentiment. Il ne fallait juste pas le laisser s'alimenter de notre âme, on devait le combattre coûte que coûte ! J'approchais de l'endroit où le massacre avait eu lieu. Cela avait été rapide, sans douleur, sans cri. Je fixais avec dégoût la dépouille de ce malheureux. La pitié ne traversa pas mon esprit. La mort l'avait frappé et il l'avait reconnu, il n'avait pas cherché à se battre. Il avait encaissé sa peine avec dignité. La nausée me rattrapa bien assez vite... Il fallait que je suive cette silhouette et si c'était la mort elle-même ? Peut-être que je pourrais l'affronter ? Lui dire qu'elle devait cesser de m’obséder. Qu'elle me laisse en paix, qu'elle aille se dégoter quelqu'un d'autre à tourmenter. Elle restait tapie dans l'ombre, épiant chacun de mes faits et gestes, préférant frapper au moment où je serai faible. Non, jamais elle n'aura la satisfaction de pouvoir m'atteindre si facilement. Je ne voulais pas faire partie de ces faibles, qu'on oublie au détour d'une ruelle sombre. Personne ne se soucierait de la vie qu'avait mené ce manant, ni même les circonstances de sa mort. Comme un appel, alors que j'observais la pénombre, la silhouette tant convoitée, m'apparue. Elle semblait m'attendre en silence. J'eus la volonté de fuir, de courir sans jamais me retourner, mais étais-je frappée d'une pulsion suicidaire ? Étais-je devenue un brin folle ? Pourtant je l'ai suivi, sans jamais oser la déranger. Elle avait réussi à attiser ma curiosité ou bien ma folie, peu importe je la suivais telle une ombre. Elle s'arrête à un taudis. Cette vision me fit grimacer, encore un pauvre qui allait succomber de la main de la mort. L'ombre continua encore sa route, sans s'arrêter. J'étais bien loin de la ville, trop loin encore de mon château. Ma route s'acheva enfin, tandis que l'ombre retrouva quelqu'un, et disparut après coup. Poussée par l'envie d'en savoir un peu plus, je rejoignis l'autre. A mesure que je m'approchais, une peur panique s'empara de moi. Je n'avais jamais approché quelqu'un, quelque chose qui me paraisse d'une beauté à couper le souffle. Je me trouvais très belle, mais alors là, cette vision me brûlait presque les rétines. C'était peu de le dire. Il y avait tant de prestance dans cet être, qu'il m'était difficile de savoir à qui je m'adressais. Était-ce une femme, un homme ? Après tout je m'en fichais.

-Qui que vous soyez, je veux être comme vous. Avoir cette prestance, cette beauté, cette aura qui brille au-dessus qui vous confère l’apparence d'un ange. Faites-de moi à votre entière image. Je ne veux plus à avoir peur de la mort elle-même, ni même craindre de mourir, ni même d'être malade. Qu'est-ce qui vous anime ? Vous n'êtes pas le commun des mortels. J'ai vu comme je vous vois, ce que cette ombre a fait. Enfin, j'imagine que ce n'était pas une ombre puisqu'elle vous a parlé. Vous étiez en pleine conversation. Je veux connaître votre secret...

Il avait du me prendre pour une marginale, pour une fanatique ou je-ne-sais-quoi. Il resta de marbre sans ciller. En silence et sans que je ne me rende compte, il m'attrapa le bras. Il avait une certaine fougue et une certaine délicatesse malgré tout et je le suivais sans bruit. Seule ma respiration broyait le silence qui s'était interposé. Mon cœur battait la chamade car malgré tout, j'allais tout droit vers l'inconnu. Même si, je voulais me donner bonne contenance, un peu comme si on m'avait injectée du sang de belette, je n'étais pas totalement rassurée. Il m'emmena jusqu'à ce qui semblait être un manoir, aucun doute, il était riche au moins. Les gens biens, au statut plus démesuré que leur ego, avaient le don d'attirer les personnes les plus fortunées. Lui et moi, nous étions fait pour nous entendre. Il relâcha mon bras, et il m'invita à le suivre. Il n'avait rien dit, et moi non plus d'ailleurs. J'étais complètement à deux mille lieues de toute réalité. C'était comme un rêve qui allait prendre enfin vie. Je pouvais à peine le palper tant il m'était encore inaccessible, mais tout commençait à devenir clair et net devant mes grands yeux bleus. Je n'avais plus peur et même mes tempes ne me faisaient plus mal. Mon cœur s'était apaisé comme s'il savait lui aussi que toutes mes craintes, le monde dans lequel je vivais, allaient enfin me laisser en paix. Pourtant, les choses ne se passeraient pas aussi facilement que je l'espérais. Je ne le savais pas encore, car j'étais obstinée à vouloir à tout prix quelque chose qu'on n'allait pas m’apporter sur un plateau d'argent. C'était comme si on décidait de me mettre à l'épreuve. Et quand ces créatures me détaillaient de long en large, faisant comprendre à l'étranger qui m'avait emmenée ici, qu'ils n'étaient pas du tout intéressés, ce fut comme si on me plantait un poignard dans la dos. Je pouvais sentir la lame glaciale prendre un malin plaisir à déchirer la chair tendre de mon corps. Comme si elle voulait graver cet instant pour me faire comprendre que je ne servirais à rien. Mon heure n'était pas venue. Pourtant, bien que je ne savais pas précisément ce qu'ils étaient tous, j'étais certaine de vouloir les accompagner dans leur lutte. Je voulais qu'ils m'emmènent avec eux dans leur monde aussi effrayant que la mort elle-même. J'étais décidée à ne plus devenir cette femme qui n'avait que le choix que de sourire quand cela s'imposait ou bien de rester immobile comme un vulgaire meuble qu'on posait ci et là. Ah, bien que ce monde m'avait enfantée, il était hors de question que je continue à mener cette vie. Je quittais cet endroit promettant qu'ils me reverraient tous et qu'ils regretteraient amèrement leur choix. J'étais en colère, mais ce n'était pas le genre de sentiment qui m'aurait fait sortir de mes gonds, qui m'aurait poussé à soulever des montagnes non. C'était un sentiment qui me donnerait l'occasion de n'emprunter que l'unique chemin que je convoitais. Je ne parlais à personne de cette rencontre, seuls mon esprit et moi, revivions cet instant. C'était un peu ironique, car même si cela me faisait mal, au point de me ronger de l'intérieur, il me faisait du bien, car grâce à lui, je ne perdais pas de vue mon ambition.

Quelques jours s'écoulèrent, quand je le revis au détour d'une ruelle sombre en bordure de Moscou. Il faisait assez frais en cette saison, et j'avais été étonnée malgré tout du peu de vêtements qu'il portait. Il avait fière allure et il était toujours aussi incroyablement beau, même un peu plus que lors de mes souvenirs. Il prit sagement la décision de venir m'importuner tandis que je sortais d'une soirée mondaine. Au moins, malgré le goût amer que je ressentais  depuis cette rencontre, à ce moment-là quand nos regards se sont croisés, une délicieuse sensation de bien-être m'envahit. Je n'en oubliais pas pour autant la déception d'avoir été rembarrée. Même si la soirée manquait cruellement de divertissement, j’avais la sensation que cette deuxième rencontre promettait des choses qui me feraient oublier complètement ce quotidien devenu norme et sans intérêt. Mon mari, dont j'avais complètement oublié la présence, m'interpella afin de rentrer, mais je n'en avais pas envie, enfin pas maintenant. J'attendais beaucoup de cet illustre étranger. Je les congédiais d'un signe de main et reportais toute mon attention sur l'homme. Il m'emmena à l'écart, dans un coin reculé de toute civilisation, peut-être était-ce par peur qu'on soit dérangés, ou bien, comme un amant qui voulait revoir sa dulcinée, mais qu'il ne pouvait pas avoir de son plein gré. Cette pensée me fit rire. Il commença à parler de lui, à évoquer son quotidien, sa condition vampirique. A ce mot, j'aurai pu détaler comme un petit lapin poursuivi par des chasseurs qui voulaient sa peau, mais non. Je ne savais pas s'il se foutait de moi, ou bien, s'il avait toute sa tête, pourtant, dans sa voix, il n'y avait aucune marque de raillerie. Il semblait sincère. Je l'écoutais sans même l'interrompre. J'étais adossée contre le mur comme si je cherchais à me retenir, car cette effrayante vérité, m'avait chamboulée malgré moi. Je ne décelais plus du vrai du faux, est-ce que mon existence était encore réelle ? certainement que oui, mais je n'étais plus sûre du tout.

-Vous avez changé d'avis ? Vous allez me transformer ?

Mes paroles ont été plus rapides que ma pensée, à mesure qu'il me racontait des bribes de sa vie, moi, je n'avais que cette obsession en tête. Il me regarda, semblant chercher une réponse qui pourrait me satisfaire.

-J'ai bien autre chose à te proposer que de te faire devenir une nouvelle-née, reprit-il tout en affichant un visage emprunt à de la tendresse. Tu ne serais pas obligée de fuir les rayons diurnes, tu pourras voir certains de tes sens se décupler. Tu n'auras aucune crainte à avoir au sujet de la mort, finit-il avec un petit rire, se rappelant à quel point j'avais été troublée en lui évoquant la vue de la mort.

Je le dévisageais ne comprenant pas toutes les subtilités. J'étais intelligente, j'apprenais dans les livres, j'avais acquis quelques connaissances, mais cet univers n'était pas des plus courants. Il y avait quelque chose de malsain dans ses propos, quelque chose d'effrayant. Ne plus à craindre la mort ? Cela voulait-il dire que je mourais ? Que je ne serais pas un vampire ? Je serais un fantôme alors ? Comme s'il avait deviné pourquoi mon front s'était plissé, il continua à éteindre mes doutes. Il me proposa d'être sa marquée et il m'expliqua avec soin ce que cela signifiait. Je buvais ses mots, je fixais ses lèvres aux contours réguliers. Je me demandais même quel effet cela me ferait de les embrasser. Chose que je ne cherchais pas à accomplir. S'il me faisait peur ? Une partie de moi le redoutait, il était comme un prédateur redoutable, mais une autre part de moi, était bien trop curieuse pour le laisser revenir sur sa proposition. Alors oui j'acceptais sans vraiment penser à tout ce que cela engendrerait. Il fallait qu'il lie son existence à la mienne via son sang. Je devais boire son sang. Il fallait que je boive une quantité suffisante, m'avait-il dit. Quand il s'entailla son poignet, une sensation d’écœurement m'envahit. Je ne pouvais pas faire ça ! Non, et pourtant, je ne sais pas si ce sont ses prunelles ou bien son sourire ou bien sa voix qui résonnait dans ma tête, qui m'ont convaincue. Je bus à même la source, en fermant les yeux et en laissant ce liquide s'insinuer en moi, coulant dans mes entrailles tel un poison. Le goût âpre m'arracha un soupir plaintif. Mais alors que je voulais me libérer de son étreinte, il pressa légèrement au niveau de ma tête afin que je continue. Il avait jugé que ce n'était pas encore le moment et qu'il fallait que je prenne encore quelques gouttes. Je déglutis difficilement tellement c'était dégueulasse ! Je devais recracher, mais il fallait que je m'y fasse. Il me promettait ce que jamais je n'osais espérer obtenir. Je ne vieillirais plus, c'est ce qu'il m'avait promis et je lui faisais entièrement confiance. Il fallait pour que la marque fonctionne, que l’on se revoit rapidement. Nous avions convenu de nous revoir deux nuits plus tard. Il tenait à ce que cette discussion reste entre lui et moi. Pour une fois, le besoin de mentir ne s'imposa pas. Je lui promis de garder cela secret et pour une fois, je me surpris à ne pas mentir. Il faut dire, que toute ma vie, je mentais. A ces gens, à mon mari, à moi-même. Le mensonge faisait partie intégrante de mon existence. Nous nous revîmes comme promis, et cette fois, il devait aussi boire de mon sang. Un échange mutuel de nos vitae. La sensation de devoir boire de nouveau son sang ne manqua pas de me faire grimacer. Il me regarda avec tendresse, caressant mon visage de son doigt et s'ouvrit le poignet. J'étais complètement subjuguée. Il m'était impossible de me débattre. Je bus tout en n'échappant pas à cette sensation de dégoût profond. La nausée me revenait plus vite que je ne le pensais et alors que j'avais quelques hauts-de-cœur, il me repoussa. Cela irait, c'était suffisant. Avec le temps, je n'arriverais jamais à m'y faire au sang. C'était insupportable. Quand vint son tour de boire mon sang, le dégoût avait laissé place à une sensation orgasmique. Tout en moi était en proie à une sensation jusque là refoulée. C'était donc cela le plaisir ? Je ne voulais pour rien au monde qu'il arrête. C'était tellement agréable que mon corps lui même réagit en frissonnant et ma bouche laissa s'extirper quelques gémissement inaudibles. J'avais le souffle court tout comme ma respiration. Il finit enfin prenant soin de lécher quelques gouttes de sang. Il me regarda tout en me détaillant. J'avais eu honte de ressentir un tel plaisir, mais il ne s'en formalisa pas. Il me révéla par la suite que cette deuxième marque permettrait à Lyssandre (c'était ainsi qu'il s'était présenté à moi, lors de notre deuxième entrevue) de pouvoir s'incruster dans mes rêves et vice versa pour moi. Il pouvait aussi sentir où je me trouvais s'il éprouvait le besoin de me retrouver. C'était une révélation malsaine, mais cela me faisait du bien. Si cela pouvait me permettre de ressentir une telle plénitude, pourquoi la refouler ? Si j'étais en danger, il le ressentirait, mais comment pouvais-je être en danger après ça ? Plus tard, ce lien me servirait pour me sortir d'un mauvais pas, et c’est peut-être pour cela, que je ne le remercierais jamais, pour ce don qu'il m'avait offert.

Il me restait encore du temps avant de pouvoir bénéficier de l'immortalité. Je restais cependant patiente. Est-ce que cela me posait problème d'être différente ? Non, bien au contraire, j'étais heureuse. Je le savais au fond de moi que j'étais prédestinée à devenir une autre. Ma condition m'avait façonnée à l'image d'une marionnette, mais je le savais que je méritais autre chose. D'ailleurs, plus tard, Lyssandre m'avouera que ce fut mon audace en premier lieu qui l'avait touché. Ma beauté, vint par la suite. Il y avait aussi cette détermination qu'il avait pu percer juste en sondant mon regard bleuté. Notre relation fut basée dans la plus totale complicité. Jamais personne n'avait su égayer comme lui le faisait mon quotidien. Il pouvait se passer des jours sans qu'on ai besoin de se voir et pourtant, dès l'instant où l'on se retrouvait, notre complicité était indemne. On pouvait rester des heures dans un lit, à se raconter nos désirs, nos vies qui défilaient devant nos yeux, nos espoirs, notre ambition dévorante et grandissante. Il m'écoutait avec une douceur sans fin. Quand il parlait, je me perdais complètement, comme si je voulais m'abandonner à lui. Chose que j'avais fait en acceptant ma nouvelle condition. Il était comme l'amie que je refusais d'avoir, le confident que mon mari ne pourrait être, il était mon âme-sœur. Un lien fort nous unissait. Il n'avait pas besoin de sonder mes plus sombres souvenirs pour me comprendre, j'étais entière avec lui, je le suis encore. Il avait réussit à dompter cette partie de moi qui restait parfois incontrôlable. Je me laissais dicter parfois par la rage ou bien la haine ou bien mon ambition. Lui, il aimait bien. D'ailleurs, je dis "lui", mais je ne sais toujours pas qui il est réellement. Ça m'est égal ! Tout ce que je sais, c'est que je serais prête à tout pour lui. Il le sait. Il a totalement confiance en moi, et il me semble même qu'il n'y a qu'à moi qu'il accorde sa confiance. On pourrait penser que je peux lui être néfaste vu mon comportement dévastateur, le désir de séduire sans cesse... Pourtant non, il n'a jamais douté un seul instant de moi. Il sait tout ce qu'il a besoin de savoir, ni plus ni moins. Je le respecte d'une façon, qu'il m'est impossible de décrire. Nous avons été très clairs l'un envers l'autre : pas d'amour entre nous. J'ai le droit à certaines distractions mine de rien. J'ai le droit de m'amuser, de papillonner auprès d'autres. Il me laisse quartier libre tant que je ne lui fais aucun coup-bas. Il ne manquera pas de me punir ni même de me tuer si je venais à le trahir. A-t-il déjà éprouvé de la jalousie auprès des autres mâles ou femelles qui me touchaient ? Non, moi à l'inverse, il m'est arrivé d'être jalouse. D'envier ceux avec qui il passait la nuit. Mais, c'est parce que je tiens à lui, rien à avoir avec la jalousie en elle-même. Je suis jalouse et très envieuse, cela fait partie des traits qui me rappellent que fut un temps, je n'étais qu'une simple mortelle. Je suis restée sous la coupe de Lyssandre et bien que le Conseil lors de notre première rencontre, refusa de me transformer, il commençait à apprécier la personne que j'étais. Ils m'appréciaient à peu près tous, car je sais que dans le fond, certains étaient jaloux de cette certaine notoriété qui m'accompagnait. Ce n'est pas de ma faute si j'ai ce talent inné pour séduire et communiquer avec autrui. Si bien, que des personnes mal intentionnées, m'ont enfermées dans un cercueil sans que je ne puisse me défendre. De toute façon, je n'aime pas ça la violence. C'est con à dire, mais même si je vis aux côtés des immortels, même si certains sont violents, sont des prédateurs assoiffés de sang, je ne supporte pas la violence, tant qu'elle ne me touche pas. Etre spectatrice ne me dérange nullement c'est comme quand j'ai vu ce pauvre mendiant se faire découper, ça ne m'avait rien fait. J'étais juste curieuse. Je ne me souviens plus vraiment ce qu'il s'était passé, j'étais enfermée, pensant que je ne pourrais plus respirer. J'avais vraiment peur à cet instant de la mort. Pourtant, j'avais foi en Lyssandre, il m'avait promis que je n'aurais plus à la craindre et pourtant... Je n'arrivais pas à l'enlever de ma tête, elle était là à m'épier, tapie dans l'ombre et je pouvais déjà sentir son souffle sur ma nuque. Bien sûr que je ne la voyais pas. C'étaient juste des images que mon esprit me forçait à imaginer empruntes à la peur qui m'envahissait. Le lien qui nous unissait me permettait de me rappeler que Lyssandre pouvait sentir le danger qui me guettait. Je fermais les yeux tout en l'implorant. Je ne sais pas, je n'avais pas besoin de le supplier, il devait déjà ressentir ma souffrance enfermée dans cette boite. Je devais garder mon calme afin de ne pas suffoquer. Plus tard, mon vampire m'expliqua que c'était le conseil lui même qui refusait de me savoir morte. Après tout, il n'y avait aucune raison à ne pas me donner ma chance. On me sauva donc, on me nourrit et on m'éduqua afin de servir leurs intérêts ainsi que les miens. Bien que j'avais atteint une ascension fulgurante auprès de Lyssandre, je continuais à gravir ces échelons. Lyssandre, c'était le bras droit du Maître, comme ils l'appelaient au sein de l'Essaim. Donc oui, c'était avec fierté que je me dressais à ses côtés. J'avais même endossé un rôle, celui de communicante de l'Essaim. Oui, bon, je ne suis pas une abeille, je ne vais pas butiner les fleurs pour rapporter mon butin, avant que le soleil ne se couche. C'était ainsi, une hiérarchie s'était installée. Tout le monde suivait le chemin qu'on lui indiquait. Chacun avait son rôle. Bien sûr, il y avait certaines tensions, surtout que certains vampires ne m'apprécient pas vraiment. Je ne sais pas, pourtant je ne suis pas si horrible que ça. C'est peut-être cette complicité avec mon vampire qui les pousse à me haïr. Ils me jalousent ou bien, est-ce parce que je n'ai jamais succombé à leurs charmes ? Peut-être sont-ils simplement déçus de n'être pas passés sur mon corps. Je ne prends pas n'importe qui, même pour coucher. Je suis une femme de goût. Pourquoi, irais-je baiser avec ceux qui en veulent à Lyssandre ? Je ne suis pas idiote non plus. C'est bien de coucher avec un vampire, c'est même extatique. Mais j'ai moi aussi des principes, et je ne tiens pas à faire du tort à celui qui m'a offert ce don.

J'ai tellement été d'une grande aide pour Lyssandre, que celui-ci m'a marquée quatre fois. J'avais donc obtenu l'immortalité après la toute dernière marque. Alors oui, ça n'a pas toujours été facile. Boire le sang c'est infecte ! Mais, c'était le prix à payer. Pourquoi suis-je sur le sol américain ? Car Lyssandre opérait là bas bien avant ma rencontre. C'est tout naturel qu'on me trouva une belle baraque dans Coven Garden. Je menais une vie différente de celle que je menais jusqu'à présent. J'obtins la nationalité américaine, bien qu'il m'arrive parfois de parler encore russe. J'ai l'avantage grâce à l'Essaim d'avoir pu étudier plusieurs langues étrangères. Mais quand je me retrouve seule avec Lyssandre, il nous arrive de parler dans ma langue maternelle, cela me permet de retrouver un peu de celle que j'ai perdue au fil de ces années. N'allez pas croire que sous mes allures angéliques, vous y découvrirez une femme tout aussi bonne. Il n'en est rien, je suis à l'image de mon sire. Une personne diabolique, sans scrupules, perverse, abominable, dangereuse... Je pourrais même trahir mon cousin si cela m'était encore possible. Enfin, c'est une condition qui me plait. Rares sont ceux qui ont souhaité se frotter à moi, certains ont perdu la vie même, mais que voulez-vous ? Il faut parfois se faire une place dans cette société au prix de quelques sacrifices, encore que je ne les vois pas comme des sacrifices... Cachez-vous mes agneaux, je ne suis pas une enfant de la nuit, mais je me considère comme telle. La garce arrive pour vous jouer de vilains tours !

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