La sorcière enrage, comme souvent dernièrement.
Elle a pourtant l'habitude de filer les gens, même à travers une foule dense. Cela rend même la chose plus aisée, plus simple de se dissimuler dans la masse, tout en traquant à distance sans que la proie ne puisse vous voir ou deviner vos intentions. Le sang qu'elle aurait pu tirer de ce vampire serait tombé à point nommé, et plus encore sa mort, comblant l'envie de trouver un exutoire où exprimer gratuitement sa colère. Un moyen de chasser l'image de Yago de son esprit, autrement elle allait finir par débarquer chez lui et l'y emprisonner une fois de plus. Sauf que cette fois, il n'y aura qu'une seule ombre qui sortirait des combles sous lesquels vit ce dernier.

Le mouvement de la foule l'a fait dévié malgré elle, et voilà qu'elle se retrouve perdue dans ce foutu labyrinthe, loin de sa proie et en compagnie de deux inconnues qu'elle snobe tout simplement. Désintérêt certain, seul le ventre rond de l'une des deux femmes attire rapidement son attention. Puis la masse grouillante à ses pieds attire son attention. Pour le coup, elle se félicite d'avoir mit des chaussures fermées, puis les dégage du pied, en écrasant au passage.

« Saletés... » crache-t-elle d'un ton méprisant.

A côté d'elle, les deux femmes semblent se connaître. Mais elle n'y prête réellement attention qu'à l'exclamation de l'une d'elle, et regarde en alerte derrière sa comparse. Une immonde et géante araignée. Encore une fois, elle se félicite intérieurement du choix de ses pompes : plates pour une fois, idéales pour prendre la fuite, pendant que celle qui est engrossée occupera la bestiole. Mais est-elle seulement bien réelle ?

« Oui, je voulais le dire, mais vous sembliez tellement occupée à bavasser entre vous que cela aurait fait une parfaite diversion pour que je puisse passer de l'autre côté de la pièce. Oh, et cela aurait coupé votre conversation aussi, bien entendu. »

Négligence et piquante à souhait de sarcasme, ça et la perte de vue du vampire ne peuvent arranger son humeur.

« Une brillante idée pour échapper à cette saleté ? Courir, peut-être ? »

Un fin sourire moqueur s'adresse à la jeune femme enceinte. Avec son ballon, elle risquait bien de ne pas échapper à l'immense araignée sans un peu d'aide pour faire diversion.

Nop nop nop.
Alors les filles, ça va pas le faire si vous pensez pouvoir mener la barque et déballer vos grands airs. Sous un sourire cynique et dérangeant, elle ne dit rien, mais ce n'est pas pour autant qu'elle se laissera faire. Elle sait guetter le bon moment, et là, celui-ci sera de se débarrasser des deux nanas entre ses pattes et qu'elle ne peut déjà clairement pas saquer. Comme dieu sait quel instinct féminin qui te met en garde contre une potentielle rivale, une personnalité clairement en opposition.

La petite maline veut faire son intéressante face à la grosse bestiole ? Qu'elle fasse donc, cela sied parfaitement à Quinn. Et si le beau brun sorti de nulle part derrière elle est aussi tenté, pourquoi le leur refuser ? « Faites donc, si vous pensez pouvoir lui échapper après. »

Son regard dévie vers celle qui est enceinte. Qu'elle ne comte pas sur son aide s'il lui arrive malheur en chemin parce que les deux autres n'auront pas su capter l'attention de l'araignée assez longtemps. Au regard qu'elle lui lance, il est clair qu'elle n'a aucune intention de l'aider. Chacun pour soi, et Quinn d'abord. C'est ainsi qu'elle fonctionne.

« Quoique vous décidiez, je vous conseille de le faire vite... » En effet, l'araignée commence à se rapprocher d'eux, ses longs crochets s'agitant, ses pattes poilues se dépliant dans une rythmique repoussante.

Je jette un regard à la femme à la langue si bien pendue. Elle, elle ne fera rien pour nous aider c’est certain. Dans son attitude comme dans ses paroles, son arrogance transparait. Un pour tous, tous pour elle. Je croise son regard l’espace d’une seconde juste avant que  la main aux fesses que me met la femme au couteau me sorte de mes pensées. Je tourne mon attention sur elle, alors que la phrase qu’elle a prononcé juste avant arrive à mon cerveau. Le dessus ? Je lève la tête pour voir l’énorme araignée pendue au plafond et réprime un frisson. Comment faire pour l’atteindre sans force surnaturelle ?

J’ai à peine le temps de maudire le coup du sort qui m’a fait arriver ici, que la femme s’élance pour transpercer l’immonde bestiole de sa petite lame. L’araignée agite frénétiquement ses pattes velues et manque écraser la courageuse jeune femme. Je lève les yeux au ciel. Les femmes sont si impatientes. Je pars en courant, fonçant sur l’araignée. Elle n’est qu’à un petit mètre du sol, si je m’y prends bien, je peux l’avoir.

A peu près sûr de mon coup à 3%, je saute sur le monstre et arrive cahin-caha à m’accrocher à son dos non sans avoir manqué perdre une jambe entre ses mandibules - ou peu importe le nom de ces choses – dans l’aventure. Je prends le temps de stabiliser mon appui et enfonce mes deux couteaux dans son abdomen. D’un coup sec, je les tire chacun d’un côté déchirant la peau étonnement fragile de l’insecte qui s’écroule sur le sol avec un bruit mat. Je vacille et me rattrape de justesse, effectuant une autre révérence après avoir sorti mes couteaux du corps apparemment sans vie de l’araignée. Je saute à terre, mes bottes produisant un bruit sec sur le sol.

« C’était pas si dur finalement. »

Je regarde la femme au couteau se saisir de celle enceinte malgré ses protestations puis la suis hors de cette antichambre de l’enfer. Depuis que l’énorme araignée est morte quelque chose cloche et me met encore plus mal à l’aise qu’avant mais il m’est impossible de mettre le doigt dessus. Ce n’est que lorsque la porte se referme derrière nous que je me rends compte que toutes les minuscules araignées se sont figées en plein mouvement. Je réprime un frisson et me tourne face au reste de la pièce. Manquait plus que ça.

Nous faisons face à un long couloir séparé en deux par une cloison horizontale. La seule façon de le traverser c’est de ramper dans l’espace étroit entre le sol et la cloison. Je cligne plusieurs fois des yeux en fixant ce minuscule passage où je vais devoir m’introduire, juste assez grand pour que mes épaules puissent y passer de front. La femme enceinte râle sur l’étroitesse du passage et sur ce coup je suis d’accord avec elle. Une bouffée de chaleur me monte à la tête alors que les prémices de la panique font se dresser les cheveux sur ma nuque. Je ne suis pas sûr de pouvoir le faire. C’est trop étroit. Vraiment trop étroit.

Cependant mon attention est vite détournée sur mes mains qui commencent à me brûler. En baissant la tête, je vois que le sang de la grosse bestiole ronge ma peau et y laisse des cloques qui prennent de l’ampleur à vue d’oeil. Avec une grimace j’essuie prestement mes mains sur mon jean tout en jetant un coup d’œil à la fille qui m’a aidée à tuer la bête.

« Essuie vite le sang de l’araignée que tu as sur toi, ce truc est corrosif. »

Je regarde mes mains cloquées avec une moue dégoûtée. C’est vraiment pas mon jour.