Pourquoi est-elle là, déjà ? Ah, oui. Parce qu’on la trouve casanière, à la limite de l’asociabilité. Qu’on se le dise, en temps normal, elle n’en aurait rien eu à secouer. Mais ce soir étant Halloween, et mademoiselle ne s’étant pas vraiment amusée depuis son départ de l’armée, elle a été facile à convaincre. Moins facile en revanche de trouver une nounou pour garder Louis, après la petite session de « trick or treat » qu’ils avaient partagé. Heureusement, il y a toujours des loups solitaires peu enclins à fêter halloween, pour une raison ou une autre, Morgane le sait, elle en a été un.

C’est donc déguisée en momie qu’elle pointe le bout de son museau au cirque, dont elle a vu les prospectus toute la semaine. Son costume est relativement cheap, mais pour un costume cheap, il se défend. Qu’importe. Suivant la foule, elle pénètre le châpiteau, luttant contre les frissons qui courent de bas en haut le long de son échine et, plutôt que d’observer l’orateur dont le physique la rebute, elle préfère observer tout autour, jusqu’au moment où un choix est imposé au public. Haussant les épaules, la vétérinaire passe la porte la plus proche et, après que ses yeux se soient habitués à la douloureuse lumière, repère les rideaux de la pièce suivante, qu’elle tire sèchement.

Son scepticisme est palpable, face aux bocaux contenant morceaux de chair humaine et autres joyeusetés du même type. La vue du sang ne l’a jamais paniquée, d’avantage blasée. Acculée, elle est du genre à répliquer de façon agressive… Toutefois, elle doit reconnaître que le tout est bien fait et a l’air réel. Un sourire se hissant sur ses lippes, elle s’approche des bocaux pour les observer de plus près, tapant doucement sur la paroi de verre comme un enfant taperait à la vitre d’un aquarium.

« C’est plutôt bien fait. » Fait une voix dans son dos. Morgane se retourne pour opiner doucement du chef, avant de répondre un « Oui, forcément. » franc, sans condescendance, juste profondément convaincu. Quoi d’autre si ce n’est du faux ? Entendant des bruits de pas dans son dos, la vétérinaire se retourne et… Eclate de rire en voyant débarquer des « extraterrestres ». « Incroyable ! Vos costumes sont fantas…Hé ! » Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase qu’elle se fait empoigner, et avec fermeté ! Revêche, elle cherche à récupérer son bras, s’agaçant dans la seconde. « Lâchez-moi tout de suite, vous n’avez pas le droit de me toucher, c’est illégal, je connais la loi ! » En vain. Malgré sa véhémence, les comédiens (c’en sont, n’est-ce pas ?) ont raison d’elle et parviennent à l’entraver, l’attachant à un lit. Madame se sachant bonne soldat et apte à se défendre contre de multiples assaillants en règle générale, l’impuissance face à ces « hommes » accroît son malaise de façon exponentielle. Il s’en faut de peu que Morgane ne cède à la panique. En place et lieu, elle laisse son cerveau tourner comme une toupie, à la recherche d’un moyen de couper ou défaire ses liens. Son cœur, au bord de la rupture, manque plusieurs battements en entendant une voix derrière elle. « Attraction ou pas j’en ai rien à foutre ! Détachez-moi immédiatement ! » Au bord de la panique totale, oppressée, elle en oublie d’être aimable. L’idée de perdre le contrôle, d’être dans un état de soumission aussi extrême lui est intolérable… A un âge avancé, elle frôlerait l’infarctus…