✤ Traits de caractères Quand on grandit élevé dans la religion catholique il y a des choses qui vous semble normale et même vitale, comme prier à chaque fois que quelque chose ne va pas, ou parler à Dieu comme quelqu’un de normal parlerait à haute voix, mais vous avez l’excuse de causer à Dieu, ou à un ange ou bien à rien du tout… Il y a bien sûr l’histoire du pardon, et de gagner le Paradis à la fin, mais il y a surtout la notion de culpabilité. Et Narcissa est bourrée de culpabilité pour tout, et plus que tout, elle partage sa culpabilité avec tout le monde. Elle juge d’ailleurs un peu facilement tout le monde.  Parce que tout est perçu par elle à travers le voile opaque de la religion qui a toujours rythmé sa vie. Quand les choses lui échappent, elle prie, à genoux, quand elle fait quelque chose de mal, comme le sexe, comme le meurtre, comme les mauvaises pensées, elle se punie aussi bien physiquement que moralement, développant un peu plus son côté masochiste. Elle joint ses mains, ploie ses genoux, va à l’Eglise, à la messe, répète inlassablement les prières, vit le jour et la nuit, dort peu, et s’impose un certain niveau d’inconfort. Plus que tout, elle s’impose une certaine morale qu’elle aimerait imposer à tous.
Le plus drôle dans tout cela c’est qu’elle est au fond très en contradiction avec elle-même. Son côté démoniaque agissant sans doute, elle a des pulsions de mort, de violence, une colère qui la démange, l’envie de casser des bouches, et en même temps des pulsions de vie très présente, pulsions sexuelles dévorantes, des tendances à l’homosexualité qu’elle réprime, au sado-masochisme qu’elle déteste. Il y a ce qu’elle appelle la bête en elle, et à chaque fois qu’elle y cède, à ce démon, à Satan, elle se punie après coup, s’impose un jeûne, se flagelle elle-même à l’aide d’outils digne de l’inquisition qu’elle garde précieusement caché. Névrosée à l’extrême sur ces points, elle en devient très susceptible sur ce point. Evoquer ses pulsions c’est s’exposer à sa colère qu’elle estime juste et surtout à sa mauvaise foi. Menteuse, elle peut nier tout en bloc et ce avec une certaine audace. Tout plutôt qu’admettre être une mauvaise chrétienne ! Bien sûr le comble de tout cela est la marque, quelque chose qu’elle voudrait omettre, oublier, une tâche qui ne peut être enlevée, une malédiction sans nom.
Et puis il y a aussi ce monde qu’elle ne connaît pas bien. Sachant à peine lire, encore moins écrire, elle n’a jamais vu certaines choses comme les ordinateurs ou encore les téléphones portables et toutes ces aberrations sont pour elle des objets du diable qu’elle observe comme s’ils lui voulaient du mal. Technophobe au plus haut point, elle préfère de loin s’éclairer avec de bonnes vieilles bougies. D’ailleurs elle a une certaine fascination pour les flammes, selon elle, le feu purifie tout. Sans doute est-ce une manière de transformer une tendance assez net pour la pyromanie en une juste réponse aux viles tentations du diable. Ne vous étonnez donc pas si soudainement elle jette votre téléphone portable au feu, cette attitude est tout à fait normale de sa part.

✤ Occupations Pas évident de vivre dans le monde civilisé quand on a passé la majeure partie de sa vie dans une secte. Sans un sou en poche, complètement ignorante des us et coutumes et plus encore de comment remplir un formulaire, elle est par conséquent complètement dépendante de sa maîtresse vampire qui forte heureusement a de quoi l’occuper. Travailler comme secrétaire est quelque chsoe qui lui plait, c’est un travail plutôt honnête à ses yeux. En revanche vendre son sang dans les bars tenus par sa maîtresse lui plait moins mais étant nourrie, blanchie et logée elle n’a pas vraiment son mot à dire sur la question. Le reste de son temps est occupé donc ses multiples allées et venues à l’église qui est le seul endroit où elle se sente vraiment bien, ça et la forêt, et puis les longues balades qu’elle fait dans le bayou, poussant parfois carrément à longer la route, l’envie lui prend souvent de continuer tout droit, de ne pas retourner en arrière, de ne pas s’arrêter.

✤ Manies, habitudes & goûts Elle aime :
- prier, ce geste la rassure.
- boire du café, cette boisson noble est celle de ses excès
- manger du chocolat, son pêché mignon.
- le sexe surtout quand il est violent mais elle ne l’admettra jamais.
- voir quelqu’un mourir, il y a quelque chose d’excitant là dedans.
- réciter des prières.
- donner aux plus pauvres qu’elle.
- parler à Dieu, cela lui donne l’impression que tout a un sens.
- les punitions, souffrir, c’est son côté maso.
- le feu, ça purifie tout.
- l’Amérique.
- le sud des Etats-Unis.
- faire le ménage ça la calme et l’apaise.
- s’enfermer toute seule dans un endroit aussi neutre qu’une cellule monacale.
- lire de vieux bouquins poussiéreux.

Elle n’aime pas :
- admettre qu’elle aime faire le mal.
- parler des vampires ni de la marque.
- la vue du sang la rend mal à l’aise car ça l’excite.
- parler de sexe ou entendre les gens en parler.
- la télévision, c’est vulgaire.
- la technologie, c’est hérétique.
- les gens qui renie Dieu.
- le sexe dans les films.
- la drogue ni l’alcool.
- la violence.
- la vulgarité.
- les gens qui mettent les enfants devant la télé.
- les avortements.

✤ Influence Niveau résistance, elle fait tout ce qu’elle peut. Trois ou quatre je vous salue marie, et un nombre incalculable de notre père mais qu’importe ce qu’elle tentera, l’influence néfaste du démon est chez elle aussi profondément encrée que la religion. La folie se manifestant avant tout chez elle, son caractère en dent de scie, sa propension à la paranoïa, ses blocages plus ou moins fort, ses accès de colère. Mais elle se manifeste aussi chez les autres. Disons que pour le moment l’influence étant minime c’est surtout qu’elle attire les fous. Mine de rien elle arrive toujours à se retrouver entre cinglés. Il est vraisemblable que sa présence exarherbe leur folie. Mais c’est surtout la sienne qui est en pleine ébullition. Des crises surviennent parfois quand les contradictions sont trop forte, crises durant les quelles elle se tape la tête contre les murs chose qui n’arrange évidemment pas du tout la situation.

✤ Lien avec le vampire Il est difficile d’établir clairement les choses puisque tout cela est relativement neuf pour elle. Hier encore elle ignorait ce qu’était une hérésie, une marque, un vampire, et voilà qu’elle doit tout digérer d’un seul coup. On ne l’avait pas prévenue la moins du monde de ce que ça serait, la marque, avoir quelqu’un d’autre dans sa tête, et que cet autre ne soit pas spécialement sain d’esprit, que cet autre soit capable d’autant de barbarisme et d’acte sanguinaire, de choses aussi impies et hérétiques. La raison de la pauvre Narcissa risque de ne pas résister longtemps à cette nouvelle collaboration qui lui fait déjà s’arracher régulièrement les cheveux.

✤ Convictions Pour répondre à la question que pensez-vous de la révélation encore faut-il savoir ce que c’est exactement. Ayant vécu une majeure partie de son existence coupée du monde, elle ignore évidemment pas mal de choses. Tout ce qu’elle voit au fond, ce sont les conséquences. Le fait qu’on trouve une quantité folle d’informations sur tout et n’importe quoi sur internet la fascine autant que ça l’effraie. Ne touchant un ordinateur que du bout des doigts et encore avec une aide extérieure, elle trouve tout cela assez effrayant en somme. La vérité c’est qu’elle n’a pas un avis objectif là dessus. Elle pense qu’il vaut mieux que le mal évolue à visage caché et en même temps, son catholicisme ne comprend pas qu’on accepte aussi facilement l’existence des vampires, qu’on accepte les sorciers, les loups-garous aussi, tout cela n’est-il pas à l’encontre des préceptes de l’Eglise ? Pour elle c’est indubitablement le signe d’un certain déclin des Etats-Unis chose qui lui fend le cœur.

✤ Signes particuliers La croix qu’elle porte constamment autour de son cou devient brûlante quand un vampire l’approche d’un peu trop prêt, et cette croix la brûle à chaque fois car elle est marquée et diabolique, laissant ainsi une cicatrice s’approfondissant à chaque fois un peu plus. Il y a aussi des marques sur sa peau, son visage, quand elle était adolescente son geste nerveux était de se gratter compulsivement ce qui a laissé des marques sur sa peau.

La gifle retentie. Tu la ressens comme une insulte. L’homme qui te l’a donné, ton père, celui qui dans quelques mois deviendra ton amant, celui qui espère que tu lui donneras des enfants comme ta mère l’a fait avant toi avant de sombrer dans la folie et de mourir stupidement en tentant de rejoindre le monde hostile dehors, une mort abominable que père avec un malin plaisir limite sadique t’a raconté encore et encore, celui là même que tu détestes, cet homme là te contemple comme si tu venais de lui cracher au visage. En même temps, c’est presque cela. Tu viens de lui dire qu’il n’était qu’un vieillard stupide utilisant l’image de dieu pour masquer ses propres pêchés, forçant de pauvres innocents illuminés par ses paroles à suivre ses préceptes si éloignés de dieu. Celui là, tu le renie point, ton cœur se serre à l’idée qu’il pourrait trouver tes paroles infâmes. Ne le sont-elles pas ? Insulter l’homme qui t’a donné la vie, l’homme qui t’a éduqué en dépit de la trahison de ta génitrice ? Elle n’a jamais été rien d’autre à tes yeux, une simple génitrice, celle qu’il appelle ta mère. Quand elle s’est barré d’ici en te laissant, elle a prouvé sa trahison et son manque de valeur. Lui au moins t’a gardé en dépit de ta laideur, en dépit des signes qui démontrait ta monstruosité, en dépit de ce qu’il sentait grouiller en toi. Tu le regardes et pourtant, tu ne parviens à l’aimer. Tu devrais, c’est ton père, et il t’aime, à sa manière, mais tu n’y réussit pas. Cet homme te laisse au mieux indifférente, au pire, il réveille en toi colère et haine. Celui qui est ton père est aussi ton bourreau et tu l’as en horreur.

Tu es une sale gamine, une mioche qu’on aurait dû abandonner au bord de la route. Il regrette de t’avoir laissé vivre. Ce n’est pas parce qu’il le dit maintenant que tu le sais, mais parce que tu lis ça dans ses yeux depuis toujours. Ce doute toujours présent quand il te regarde, ce frisson qu’il a quand il te touche, tu n’es pas normale et tu le sais. Les fidèles te regardent bizarrement depuis que t’es toute petite, et maintenant que tu n’as plus ta bouille enfantine et tes grands yeux étincelants, ils se méfient encore plus. Les femmes jalousent ta poitrine provoquante et tes joues roses, les hommes sentent le feu à l’intérieur de tes entrailles mais te laisse tranquille, tu es destinée au chef de ce troupeau, au berger qui guide ces brebis, tu es son agneau préféré, celle qu’il destine à être la mère de ses enfants, la chair de sa chair, il n’arrête pas de le répéter et pourtant à chaque fois ça n’a pas le moindre sens. Tu ne comprends pas, pourquoi il voudrait que tu sois sa femme en même temps que tu es sa fille. Une partie de toi comprend, une autre sait que la bible n’a rien dit de tel, et sans doute même a affirmé le contraire. C’est mal, quand il te touche, ce père impie, c’est hérétique quand tu frémis sous ses caresses, et la haine que tu portes en ton sein envers lui, envers toi, envers elle, la mère absente, envers ce microcosme, cette incompréhension que tu as, envers ce que tu es, tout ça t’a poussé à cet instant, du haut de tes 12ans, à l’insulter.

Il t’a giflé. Cela est normal. Réponse tout à fait adaptée. Pourtant ça te révolte. Tu les sens tous là, t’entourant, prêt à se jeter sur toi au moindre ordre sortant de sa bouche. Il est le maître ici. Il se dit le pasteur de cette communauté, le berger de ce troupeau, le prêtre guidant ces fidèles mais c’est faux. Tu as fini par le comprendre. Il ment comme il respire. Les prêtres ne touchent pas aux enfants comme il le fait. Et le désir est mauvais tout autant que ce qu’il provoque. Le sexe. Vilain mot que tu crache pourtant. Il y a du venin qui sort de ta bouche. Tu le traite de Judas, de traître, tu l’insulte sous des noms biblique. Ils te regardent horrifiés alors qu’une douleur soudaine irradie toute ta colonne vertébrale. Tu t’effondres par terre. La douleur est insurmontable. Tu sais ce que c’est, ce qui pousse derrière ton dos, tu l’as toujours senti, ces bosses dans ton dos, ton père disait que tu étais un ange, mais tu penses qu’il se trompe. Il a enlevé ces cornes de ton front, t’as lavé de tout soupçon auprès des fidèles mais les deux ailes noirs jaillissant hors de ton dos montrent bien que tu es le démon qu’ils voient depuis tout ce temps.

La suite est inévitable.
Ils te jettent au fond du trou. Dans cette espèce de prison bricolée, celle où l’on a mit ta mère avant, et tous ceux devenus fous ici. Chacun est mort, d’une manière ou d’une autre, et c’était particulièrement atroce. Tu te demandes si tu vas connaître le même destin que ta mère. Il t’a toujours raconté qu’elle s’était enfuie, et que dehors elle était morte, violée et tuée par ces impies, mais à bien y réfléchir, tu te demandes s’il ne t’a pas menti, si ta mère n’est pas morte de ses mains, si elle aussi avait des ailes dans le dos et des cornes sur le front.
Il vient te voir, le soir même. Il dit qu’il te pardonne, que c’est le démon en toi qui parlait, que ça ne change rien à ce qu’il ressent. La manière dont il te touche, ça te révulse mais tu ne le repousse pas. C’est la main qui te nourrie après tout. Il te caresse comme si tu étais un petit animal qu’on pouvait apaiser et cajoler d’un geste. Tu le laisse te toucher. Tu le laisse caresser tes ailes. Tu sens la honte te couvrir. Toi, la fille de dieu, tu es marquée par le démon. Tu voudrais crever. Tu lui demandes s’il va te tuer. Il te répond que non, qu’il ne fera jamais rien de tel, qu’il t’aime trop pour te laisser partir. Tu sens les larmes venir. Combien de temps vas-tu rester ici, prostrée dans ce lit sale, enfermée dans cette cage, sentant leur regard sur toi, mélange de pitié et de terreur ? Tu n’es qu’un monstre à leurs yeux. Tu mérites qu’il te touche, n’est-ce pas toi qui l’appelle à le faire ?
Ce soir là, tu le laisse te baiser, tu détournes le regard, tu espères que cet accès de gentillesse de ta part va réchauffer ton cœur, mais quand il part, te laisse seule, tu te sent à nouveau terriblement seule et froide. Tu as peur qu’ils te voient, qu’ils sachent ce que tu as fait, mais ils savent déjà. Tout le monde l’a toujours su.
Plus tard, dans la nuit, Clarisse vient dans ta piaule, elle dit qu’elle a toujours su que tu n’étais pas normale, que ta mère ne l’était déjà pas tellement. Elle dit que ce n’est pas grave. Que Dieu t’as faite ainsi, pour que je sois une épreuve pour la communauté. Que tout cela a un sens. Tu n’oses pas lui demander quel sens. Elle te terrifie pour être honnête. Elle te laisse un couteau. Si tu es pas trop bête, tue toi, c’est la meilleure chose que tu puisses faire. Quand elle part, tu te dis qu’elle n’a pas tord. Tu observes la lame. Et puis tu finis par décider de la cacher.

Les jours s’écoulent.
Il te rend toujours visite vers la fin de l’après midi. Il te donne à manger en échange tu le laisse te baiser. Au bout de deux trois jours, il ne cherches même plus à te consoler. Tous les deux vous savez pertinemment ce qu’il en est. Quand il en aura assez de toi, que tu lui auras donné un petit ou une petite, il te jettera dehors et tu mourras seule comme ta mère.
Les autres ne te rendent même pas visite. A quoi bon ? Ils t’ont déjà dit tout ce qu’ils avaient à te dire. Tu n’as jamais été des leurs. Depuis que tu es gamine tu le sais. Tu es différente. Ton père a tenté de te faire entrer dans la communauté mais c’était lutter contre l’inéluctable. C’est vrai que ton père a fondé cette communauté, qu’il est leur guide, mais son influence n’a jamais réussit à vaincre la peur que tu provoques chez eux, cette haine foudroyante qu’il te voue, tu es le signe même de tout ce qui ne va pas ici, ta présence, ton existence prouve que leur communauté n’est pas aussi bonne et aussi dévouée à Dieu qu’ils le voudraient. S’ils l’étaient, ils auraient dû te mettre sur un bûcher et y mettre ton père avec toi.
Mais ils ne le font pas. Ils ont trop peur de lui. Et de toi.

Le sixième jour, tu te décides à le faire. Continuer n’aurait pas de sens à tes yeux, alors tu sors la lame étincelante, tu la fixe d’un œil rempli de défi et de courage, et tu la plante dans tes ailes pratiquement au niveau de ton dos, juste à la racine ou presque. Tu découpes malgré la douleur et les hurlements que cela t’arrache. Tu tranches dans le vif. Pliée en deux sous l’effet de la douleur, tu continue en te tortillant de douleur, tu le fais jusqu’à t’évanouir du fait de la douleur et de la perte de sang.
Quand ils te trouvent, tu es à peine vivante. Ils ne disent pas un mot. C’est lui qui parle. Il dit que tu n’es pas totalement perdue. Une partie de toi, encore humaine, se débat. Il dit qu’on doit t’aider. Il parvient à les convaincre. De justesse. Il leur ordonne d’apporter des instruments et des serviettes chaudes. Il va achever la tâche. Pas de médecin. Tu le savais, qu’ils n’appelleraient pas de médecin. Jamais. Il te découpe comme un morceau de viande. Mais sans son intervention, tu serais morte. Tu n’as de toute façon pas le choix. Il t’enlève tes ailes, du mieux qu’il peut, il n’est pas chirurgien, il est un simple vétérinaire qui en avait assez de soigner des vaches et qui a vu un jour Dieu lui parler dans le cul d’un chien. Ensuite, il panse tes blessures et te laisse là.
Pendant les mois qui seront nécessaires à ton rétablissement, on s’occupe de toi, surtout lui, les autres n’ont pas envie de t’aider à continuer à vivre. Il te tripote au passage, parfois il s’enfonce en toi, tu n’en as de toute façon presque pas consciente. Tu es tout le temps dans un état végétatif. Est-ce la douleur, le choc de l’opération, l’utilisation forcenée d’éther, mais tu gis sans bouger des lèvres, bouger tout court, tu es là, inutile, chose qu’on bouge et qu’on déplace, sans volonté. La vérité c’est que tu ne veux plus vivre, alors tu as décidé de rester muette et immobile. Et au fond, ça t’amuse de le voir galérer pour te laver, de renifler ta chair souillée par la pisse et les excréments et de n’avoir plus du tout envie de te baiser.
Bientôt il se lassera.
Tu le sait.
Alors tu adoptes une autre tactique. Un matin alors qu’il te nettoie consciencieusement, tu te redresse et tu joue la possédée, tu baves, tu hurle, tu mord, tu lui arrache un bout de peau que tu mâchonnes, et refuse de lui rendre. Ils finissent par t’attacher au lit. Finalement ce n’était pas une si bonne idée, hein ?
A vrai dire, tu aurais espéré qu’il te tue.
Là dans le silence, tu gémis, tu pleures, mais personne ne vint. Il ne viendra plus. On va te laisser crever dans le silence, crever de faim probablement.

Est-ce là supposément la fin ? Affamée, assoifée, tu délires. Il vient te voir. Il te demande pardon, il te caresse, te cajole, enfonce son membre durcit en toi. Tu voudrais mourir. Attachée tu ne peux même pas lui résister. Le pire c’est que ça t’excite. Il t’a toujours excité et depuis qu’il peut disposé de toi à volonté ça t’excite encore plus. Depuis que ces poils ont poussé, depuis que cette poitrine a apparu, tu as des envies, d’humiliation, de sexe bestial, d’être dominée, tu ne sais pas d’où ça vient, tu as honte, tu te trouve sale d’avoir des idées pareilles. Son corps lourd et gras est sur toi, il reste sans bouger après avoir joui à l’intérieur de toi. Tu restes sans bouger, fixant un trou dans une planche en bois et le paysage que tu distingues derrière. Ca n’a pas l’air si terrible dehors. Tu as envie d’y être, dehors, sous le soleil, sentir ses rayons sur toi, tu as l’impression que ça fait une éternité que tu ne les as pas senti sur ta peau. Tu le haïs, tu les détestes tous, tu supplies Dieu de te venir en aide.

Et c’est ce qu’il fait. Tu ignores comment cela est possible, mais Agathe, la plus fragile de tous, vient te voir. Elle dit avoir eu une vision de Dieu, mais tout le monde sait qu’Agathe est une simple d’esprit qui a toujours été un peu folle, et elle dit que tu dois disparaître d’ici. Elle dit que tu dois partir. La communauté doit vivre sans toi. Cela tu peux le comprendre, tu la laisse te détacher et accepte de partir, tu jures de ne jamais revenir, sans difficultés à dire vrai, et quand elle te libère, tu la serre dans tes bras. Quand tu l’abandonne, tu ne te retourne pas, tu aurais aimé réserver un sort mortel à tout le monde y compris ton père mais le risque serait trop grand qu’ils t’attrapent et t’enferment à nouveau.

Tu as treize ans, presque quatorze quand tu sors de là, mais tu as l’air plus vieille, ça se lit dans tes yeux. Tu marches au bord de la route, le regard vide, absent. Un camionneur s’arrête pour te prendre, tu grimpes à l’intérieur. Quand plus tard, il tente de te tripoter, tu le repousses, tu dis qu’il ne faut pas faire ça, que c’est mal. Il voit ta croix briller un bref instant, ça le fait rire. Ensuite il t’attrape et te force à te déshabiller, juste assez pour qu’il puisse te baiser. Tu le laisse faire, convaincu que tous les hommes sont comme ça, et quand il est sur toi, collé contre toi, tu vois sa nuque, la veine saillante et tu croque, tu as une force surhumaine en toi insoupçonnée, et tu déchires avec facilité la chair. Le sang gicle, t’asperge, tu ris.
Tu tente de reprendre le volant. Les pédales sont si nombreuses et le manche des vitesses une abstraction totale pour toi. Tu n'as pas la moindre idée de ce qu'il faut faire, tu n'as pas bien regarder quand le type que t'as tué conduisait. Machônnant une mèche d'un air boudeur tu réalise qu'il va te falloir refaire du stop, et marcher en attendant qu'un autre glandu s'arrête. Tu abandonne le camion et son occupant et tu te remet à marcher le long de la route jusqu’à ce que quelqu’un d’autre s’arrête. Tes vêtements sont couverts de sang, forcément, on se pose des questions à ton sujet. Tu y réponds avec un léger sourire. Les deux adolescents qui se sont arrêtés ont quelques années à peine de plus que toi, pourtant le regard qu’ils te jettent n’ont pas d’équivoque, tu comprends très bien ce qu’ils veulent. Parce qu’ils n’écoutent pas quand tu leur parles de Dieu, de ce qui est bien ou mal, tu les tue quand ils tentent à leur tour de te violer. Tu as appris ta première leçon.
Si tu ne veux devenir une proie, tu dois être un prédateur.

N’empêche que ça te travaille tout ça. Tu sais qu’il y a un démon en toi, comme tu sais que tes actes même s’ils ont été dictés par la peur et la colère sont mauvais, alors tu vas dans une église, la première que tu croises. Tu traverses la nef sur les genoux. Tu te repends autant que tu le peux. Parvenu devant l’autel, tu colles ton front contre le sol. Tu pries de toutes tes forces pour qu’Il te pardonne toutes tes erreurs. Mais Il ne te répond pas. Tu crois savoir pourquoi. Tu dors dehors le soir, tu te replies sur toi même, personne ne te vois.
Le lendemain, tu te décides à aller au confessionnal, il faut que tu saches. Tu l’interroges. Il dit qu’il comprend ce que tu es, que personne ne pourra te pardonner, parce que tu es une créature du malin. Tu sors de là en pleure.
Deux ans s’écouleront ainsi, toi ravagée, détruite, dormant où tu le peux, souvent dehors, tuant tous ceux osant s’attaquer à toi, observant l’église sans oser y mettre les pieds, le cœur en miette, priant encore et encore Dieu de te pardonner pour tout ce que tu as fait. Tu te flagelles pour te punir, tu te repend encore et encore sans songer un seul instant qu’on puisse te pardonner.
A la troisième année, ils viennent te chercher. Tu ignores ce qu’ils sont mais quand tu les vois venir, tu t’enfuis. Il s’écoulera encore quelques années avant qu’ils ne t’attrapent. Tu as courus, tu t’es cachée, tu te demandais ce qu’ils étaient mais tu n’as jamais voulu réellement savoir, tu n’en avais pas vraiment envie en fait. Ca te faisait peur. Ils te font peur. C’est pour cela que tu as encore couru quand ils t’ont retrouvés. La chasse fut longue mais ils finirent par t’attraper.

Une fois entre leurs griffes, tu as appris ce que tu étais.
Hérésie.
Le mot ne possède guère de sens à tes yeux et ils ne prennent pas la peine de t’expliquer plus. Tu es pour eux un cas à traiter. Ils t’expliquent des règles que tu comprends à peine. A force de les entendre, ils veulent que tu les connaisses par cœur, tu finis par comprendre. Ce qu’ils sont, ce qu’ils attendent de toi. Des vampires. L’idée ne t’a jamais traversé la cervelle, qu’ils puissent exister, mais si toi tu es là alors ils peuvent bien être là eux aussi non ? Ca te semble plutôt logique. Tu l’admets, tu ne connais rien de ce monde. Tu ne l’as vu que par le trou de la gouttière où tu t’es nichée depuis que t’es sortie de ton trou à rat. Ce qu’ils te disent paraît fou, que les humains aient accepté l’existence des vampires, la tienne par contre doit rester secrète, tu sais pas bien pourquoi, tu acceptes ce qu’ils te disent. De toute façon, tu n’as pas le choix.
Quand ils te confient à la vampire qu’ils ont choisi, y’a une grande cérémonie. La fille vampire a l’air mignonne, elle aussi est encore une enfant. Elle te regarde comme si tu étais une curiosité. Toi aussi tu dois la regarder comme ça. Tout passe si vite, tu n’as pas le temps de t’en rendre compte que c’est déjà terminé. Quand on te laisse toute seule, tu te demandes si tu es libre, et cependant tu le sens déjà, le lien entre toi et elle. Tu dois te nourrir d’elle, c’est la règle, et la laisser se nourrir de toi, sinon ça sera douloureux et toussa.
Alors tu la suis, jusqu’à chez elle.
Shreveport.
Tu n’as jamais entendu parler de cette ville pourtant tu vivais pas si loin que ça. Le monde à toi te paraît immense. Tout te semble nouveau et si terrifiant. Parfois tu préfères rester enfermée à l’intérieur plutôt qu’aller dehors car dehors c’est terrifiant, dehors c’est hostile, dehors c’est dangereux. Le seul endroit où tu te sens bien, c’est à l’église, il y a ce pasteur, Damian qu’il s’appelle, il est cool, gentil, lui veut bien t’expliquer, lui essaie de comprendre, lui ne dit pas que tu es damnée, il dit que Dieu t’entends quand tu prie, il te redonne le sourire. De elle, par contre, tu as peur, tu te méfie, même si ton cœur te dit qu’elle n’est pas méchante ou mauvaise. Dieu n’aurait pas choisi cette fille vampire pour ta maîtresse si elle te voulait du mal. Dieu n’est pas méchant, juste difficile à comprendre.