« L'important ce n'est pas de savoir d'où on vient mais de décider où on va. » Kiara n'a pu décider de là d'où elle venait. Ni réellement de là où elle allait. Pas que cela lui déplaise pour autant. Elle est née dans cet environnement, elle n'a toujours vécu qu'ainsi... C'était tout simplement son destin.

Le destin désigne, au moment présent, l'histoire future d'un être humain. Telle est la définition de ce mot que l'on peut trouver dans un quelconque dictionnaire. Le destin, ce « foutue destin » comme elle le dit si bien, est donc celui qui a décidé de toute son existence future. De A à Z. Il n'est pas tendre, le destin. Le destin semble même avoir une petite rancœur à son encontre, d'ailleurs. Être le fruit d'un viol, avoir une mère aliénée, un père aigri, un frère aîné, substitut de cette figure parentale, et un double masculin... Tout cela est bien trop... Recherché pour être uniquement le fruit du hasard.

Kiara Rose Lannister. Une petite rose fragile, c'est bien ce qu'elle était à la naissance. Mais cette rose s'est rapidement vu dotée d'épines. Et si elle venait à apprendre les secrets que Julian et Stannis lui cachent, si elle venait à apprendre la raison de l'absence éternelle de sa chère mère, sûrement que ses épines ne feraient qu'être plus renforcées encore.

La jeune américaine n'a jamais eu de mère. A vrai dire... Elle l'a très rapidement considérée comme morte. Son corps était là, mais son esprit était ailleurs. Or, une enveloppe charnelle n'est que peu de chose une fois l'âme l'ayant quittée. Déjà, à l'école, elle avait tendance à dire qu'elle n'avait pas de mère. Sa mère ? Morte. Et elle a horriblement souffert de « cette mort »; petite fille. Les autres gamines, toutes, sans exceptions, avaient droit à des nœuds dans les cheveux, à de jolies robes de princesses... Kiara ? Disons qu'elle... Etait habillée comme un sac. D'après elle, du moins. En réalité, elle portait simplement le même style de vêtement que son frère. Des pantalons, des t-shirt, des choses « neutres » et unisexes. Une fois, une seule fois, l'envie de sauter sur Julian et de l'obliger à lui coiffer les cheveux comme on le ferait à une poupée lui était venue. Avant de rapidement lui passer. Au moins, elle était réaliste malgré son jeune âge.

Ses dons de médium ? C'est qu'au départ, Kiara n'en avait strictement rien à faire. Ils étaient bien mignons tous les esprits autour d'elle mais... Mais non. Elle avait déjà suffisamment de mal avec les vivants. Et c'est justement après avoir été exaspérée par les vivants... Qu'elle entra en contact avec quelques enfants de « l'autre côté ». Sans pour autant le crier sur tous les toits. Ah non, surtout pas. Pas après la correction que Stannis avait infligé à Lyle. Elle tenait à son intégrité physique, et puis elle avait suffisamment de bleus comme ça. Car très tôt, le tempérament explosif de la brunette se révéla. Dès le primaire, pour être exacte. « Chipie. » Si seulement. Si seulement elle n'usait que des mots. Mais non. La jeune femme aimait utiliser ses poings aussi. Et ses pieds. Et ses ongles. Et ses dents. Elle était intenable, n'en faisant qu'à sa tête, désobéissant à ses professeurs. Et puis, lorsqu'ils se plaignaient d'elle... Elle niait. Elle niait tout, avant de supplier Julian de tout garder pour lui, de n'en rien dire à Stannis. Plutôt se faire engueuler par lui que par le chef de famille.

Et puis, elle y était habituée. Julian la réprimandait souvent. Tout comme il réprimandait son jumeau. C'est qu'ils étaient de vraies fouines. Les Totally Spies à la maison. « … Il est parti. Viens, on va dans sa chambre ! » Des opérations commandos, durant lesquelles ils s'amusaient à analyser les moindre recoins de son antre secrète. Trop mystérieux. Trop suspect. Avec des excuses de moins en moins crédibles. Quelque chose n'allait pas. Kiara avait clairement du mal à croire à ses divers alibis. Il en avait de l'imagination, certes... Mais plus suffisamment. Elle n'était plus une gamine. Elle était en phase de devenir ce que l'on appelle une « pré-ado ». D'entrer dans l'une des périodes les plus difficiles de son existence. Un palier à franchir afin de devenir une adulte équilibrée. … Adulte équilibrée … Plutôt drôle comme appellation, non ? Car il s'agit là d'une chose que Kiara ne deviendra jamais.

Après la découverte de ses pornos et de quelques secrets futiles – du moins, futiles par rapport à celui qu'il s'apprêtait à leur révéler... Julian décida enfin de tout leur révéler. Révéler quoi ? Vampires. Lycanthropes. Sorciers. Tous existaient. Peut-être était-ce le voisin, ou l'instituteur. L'épicier du coin, ou le gendarme. Ils étaient là, parmi les humains, déguisés. Ce fut une renaissance pour Kiara. Elle se sentait étouffée dans sa vie. Étouffée dans ce monde trop banal. Et cette révélation qui aurait pu effrayer d'autres gamins de son âge n'avait fait que la mettre sur le qui-vive, de même pour son jumeau. Elle allait chasser, elle allait frapper, sans que jamais on ne lui demande de rendre des comptes. Elle allait enfin pouvoir agir sans se soucier des limites. Du moins, c'est ce qu'elle crut au départ. Car les choses se révélèrent bien plus complexes que cela.

Son entraînement débuta vers l'âge de douze ans. Et c'est aussi vers cet âge-là que commença sa période noire. Son complexe d'infériorité. Faible, trop faible. Elle se sentait trop faible. Elle ne frappait pas suffisamment fort. Elle n'encaissait pas assez bien les coups. Du haut de ses quelques centimètres et de son poids plume, il suffisait d'un simple petit coup pour la propulser des mètres et des mètres plus loin. Et Kiara ne le supportait pas. Elle avait beau s'entraîner, encore et encore, négligeant même ses études au profit du sport, mais sans succès. Elle ne faisait que peu de progrès. Elle finit par s'inscrire à la boxe, se disant que cette activité lui permettrait peut-être de faire ressortir tout ce qu'il y avait de plus sauvage en elle. Et ce fut le cas. Mais, malheureusement, tempérament sauvage ne rime pas pour autant avec coups bien frappés.

En parallèle de la boxe, la brunette pratiqua pendant de nombreuses années l'athlétisme et la gymnastique. D'ailleurs, l'agilité se révéla rapidement être son point fort. Elle était rapide, agile, mais n'avait pas suffisamment de force, suffisamment de muscles. Son corps était ainsi, elle n'y pouvait pas faire grand chose. Mais... Kiara refusait de l'accepter. Et inconsciemment, elle s'attirait peut-être les foudres de cette figure qu'est le destin en agissant de la sorte.

La veille de ses seize ans, la jeune femme prit un ciseau et coupa ses cheveux. Elle voulait... Ressembler à Lyle. Et puis ressembler à Julian. Sa poitrine, plutôt saillante à l'époque, fut aussi noyée dans des hauts larges. Ses formes ? Camouflés dans des pantalons amples. Elle ne voulait plus être une fille. Elle voulait être un garçon. Ou plutôt, un homme. Elle ne voulait pas être un fardeau. Elle voulait être forte. Plus forte que Julian même. Et que Lyle. Elle ne voulait pas être protégée, ni défendue. Elle voulait forcer le destin. Faire les choses à sa manière. Mais encore une fois, ce noble monsieur remporta la manche à son plus grand désespoir. Ses efforts ne portèrent pas fruits. Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Ce n'était jamais suffisant. Mais, en réalité... Jamais cela n'aurait pu être suffisant de toute manière. Et jamais cela ne le sera non plus. La personne la plus cruelle et la plus intransigeante envers la brunette est elle-même. Ne dit-on pas de toute manière que notre ennemi ne nous quitte jamais... Puisque notre ennemi est nous-mêmes ? Et oui, le plus grand ennemi de Kiara n'est autre qu'elle-même. Et cet ennemi... A et avait énormément de pouvoir. Tellement qu'il réussit même à détruire le moment inoubliable qu'aurait du être la première chasse de la jeune fille. Accompagnée de Julian, mais surtout de Lyle, elle avait fait ses tous premiers pas sur le terrain. Julian n'avait été là que pour superviser. Pour agir en cas de mort imminente, en fait. Son jumeau et elle devaient se débrouiller, attaquer leur victime, et gagner la partie quoi que cela leur en coûte. Cela avait coûté une épaule déboîtée à Kiara, épaule qui lui pose toujours soucis d'ailleurs, de temps à autres. Et... Une épaule déboîtée, lors d'une simple chasse ? Inadmissible. Trop mauvais. Elle aurait pu faire mieux. Elle aurait dû faire mieux.

Icare, fils de Dédale, s'était brûlée les ailes en volant trop haut près du soleil. Kiara, même après s'être brûlée les ailes à de nombreuses reprises, ne cesse de chercher à atteindre ce soleil. Encore un tour du destin, peut-être ? Le destin. Cet affreux personnage. Qui semble avoir d'ores et déjà décidé de la manière dont Kiara allait vivre. Et peut-être même périr.

Kiara manqua de définitivement se brûler les ailes lorsque sa soif de pouvoir, vers l'âge de dix-huit ans, la mena vers la consommation de diverses drogues. Et d'une en particulier. La magie. Drôle de nom, n'est-ce pas ? Ce petit joyau se résumait à un tour de passe-passe pratiqué par un sorcier. Et rapidement, la jeune femme en était devenue totalement accroc, n'arrivant plus à s'en séparer. Toujours plus. Toujours des doses plus importantes. Le retour à la réalité était horrible, mais... Le jeu en valait la chandelle. Les esprits lui obéissaient, et elle était alors capable du pire comme du meilleur. Surtout du pire. Malheureusement – du moins, pour elle – cette utilisation intensive ne put durer plus d'une année. Il ne fallut pas bien longtemps à Lyle pour se rendre compte de ce qui arrivait à sa jumelle. Et évidemment, lui comme Julian finirent par s'en mêler. Une sœur garçon manqué ? Passable. Même plutôt pratique. Une sœur sadique ? Passable aussi. Mais une sœur junkie. Et junkie à une drogue « magique », qui plus est. Non. Inconcevable. Inacceptable. Et puis trop dangereux. Car quoi qu'elle en dise, Kiara en était devenue totalement dépendante. En réalité... Cela ne la dérangeait pas vraiment d'en être dépendante. Elle en consommait continuellement, elle se sentait invincible, et la vie était belle. Elle réussissait à obtenir ce qu'elle désirait, de manière détournée mais elle réussissait à l'obtenir et c'était bien là le plus important. Car peu importe le chemin suivit, l'essentiel est le résultat obtenu. ... N'est-ce pas ?

Peu de temps après s'être « libérée » de cette drogue, vint le moment où Kiara prit conscience de ses atouts de femme. En fin de compte, elle en était une et jamais rien ne changerait cela. Autant l'exploiter un maximum, non ? Ses débuts furent timides. Elle, qui ne vivait qu'avec des hommes... Mettre des jupes, des robes et des talons tout en détachant ses cheveux du jour au lendemain... Aussi étrange pour elle que pour son entourage. Pourtant, c'est dans ce rôle de « femme fatale » qu'elle cultiva au fil des années qu'elle fut le plus à son aise. En réalité, cette transformation avait été provoquée par une rupture totalement anodine, comme elle en avait eu d'autres auparavant, et comme elle allait en avoir plus tard. Un petit ami, qui décidait de plier bagage. Bon débarras. Un de moins ou un de plus. Avec près de trois milliards d'hommes sur la planète, elle n'avait pas de quoi s'inquiéter question conquêtes. Mais... La laisser pour une idiote de cheerleader qui porte des shorts ras le popotin ? Ha. La blague. Car, il ne faut pas se méprendre. Kiara est assoiffée de pouvoir. Kiara est exigeante. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'a pas une très haute estime d'elle-même. Laisser un pauvre mâle la piétiner de la sorte ? Hors de question. Elle décida d'adopter le même style que cette chère cheerleader. Mais en bien mieux. Sa poitrine, autrefois camouflée sous des épaisseurs de vêtements, fut de nouveau mise en valeur. Tout comme ses formes, et dieu sait oh combien elle en avait. Une silhouette harmonieuse, athlétique grâce à la grande pratique sportive et éprouvante qu'est la chasse, mais pourtant très féminine. Et ce qui, au départ, était censé être uniquement une petite vengeance personnelle devint un style de vie.

C'est ainsi que le trio ne fut plus formé de deux hommes et d'un être... Sexuellement « neutre » à première vue. Mais de deux hommes et d'une femme. Une vraie. Rouge à lèvres, escarpins – bien qu'elle évitait de les porter durant les parties de chasse afin de ne pas s'attirer les foudres de ses chers frangins – et décolleté. Elle s'assumait. Enfin ! Elle s'assumait totalement. Pas de force dans les poings ? Tant pis. Elle était la plus agile. Et avait une certaine précision de frappe. Satisfaite ? N'allons pas jusque là. Kiara n'est et ne sera jamais satisfaite.

Ororo Munroe. Une Ororo Munroe dans la famille. Qui peut faire mieux ? Car oui. La jeune Lannister contrôle la météo. Et cela depuis sa plus tendre enfance. Enfin... Contrôler la météo... Durant son enfance... Non, pas vraiment. C'était plutôt un massacre. Le temps variait en fonction de son humeur. Du soleil, puis de la pluie. De la pluie, et puis du soleil. Lorsqu'elle entrait dans une colère noire, des orages éclataient. Désormais, elle en use et en abuse. Elle n'a pas hésité à l'utiliser le jour de son tout premier entretient d'embauche, par exemple. Eh bien quoi ? Elle n'allait pas rencontrer son employeur en parka. Une mini-jupe et de belles chaussures à talons la mettaient tellement mieux en valeur. Alors... Elle s'était arrangée pour faire discrètement partir la pluie. Voyons, voyons, elle avait utilisé ses pouvoirs pour la bonne cause. Sa carrière de journaliste en dépendait. Car c'est au journalisme que se destina la jeune femme, tout comme l'aîné de la famille.

Et elle eut bien des choses à dire lorsque ce fut la « révélation ». La grande révélation. Des vampires qui se promènent à tous les coins de rue, en toute liberté, avec des fans clubs et des groupies. Oh mon dieu. « C'est à gerber. » Les lycanthropes ? N'en parlons pas. C'est que ces cabots – surnom affectueux que leur a attribué Kiara – s'en donnent à cœur joie aussi. Tous. Tous dans les rues. Partout. De quoi titiller sérieusement les instincts de chasseuse de mademoiselle Lannister qui n'avait qu'une envie : dégainer son arme et tous les faire disparaître dans d'atroces souffrances. Malheureusement, elle ne le pouvait pas. Pas en public. Plus comme avant. Elle devait être discrète. Parce qu'eux aussi avaient désormais des droits. Des droites. Les humains n'en avaient pas suffisamment, mais on hésitait pas une seconde à en donner à des... Des... Des... « Rien. Ils sont rien. » Alors, évidemment, lorsque son frère parla de retourner à Shreveport pour « aider la population », généreuse comme elle, Kiara n'a pu que sauter sur l'occasion et l'accompagner. Dans les rues de cette ville-là, de leur ville d'origine, la population surnaturelle est plus élevée que dans n'importe quel autre endroit du territoire. Et puis, il y a tellement de violences que ses petites parties de chasse passeraient sûrement inaperçues, non ? Il n'en fallait pas mieux pour la booster. Une fois arrivée sur place, elle postula de nouveau dans un journal, et fut embauché rubrique courrier du cœur. Raconter des âneries à des épouses en détresse tout en gagnant de l'argent, le paradis ! Et. Tiens. Etrange tout de même... Que Julian ait occupé le même poste quelques années plus tôt. Encore un coup du destin.

Il faut de tout pour faire un monde. Des gens bons, comme des gens mauvais. Des gens moches, comme des gens beaux. Des gens cons, comme des gens intelligents. Kiara ? Cette dernière se considère comme étant un être supérieur. Et l'être supérieur qu'elle est avait prévu de faire une petite promenade dans les rues de la ville. En partie parce que sa voiture ne fonctionnait plus et que donc, de toute manière, elle n'avait aucun autre choix que d'arpenter la longue distance qui la séparait de son chez elle perchée sur ses hauts talons. Si elle avait su. Si seulement elle avait su. Elle aurait pris des ballerines, juste au cas où. Ou au moins... Au moins des pansements, quelque chose. Parce que, la féminité, c'est bien, mais ce n'est pas sans douleur. C'est très douloureux, même. Peut-être trop. La jeune femme n'avait qu'une envie : retirer ses chaussures et les balancer au loin. Loin, très loin. Et cela sans savoir que la chose allait être possible tout juste dans quelques minutes.

Kiara était prévoyante. Enfin, vu son nom de famille, ses activités, son tatouage, et sa longue liste de massacres en tous genres... Elle se savait constamment en danger. Allez savoir, peut-être même qu sa tête était mise à prix ! Vous savez. Comme dans les Western. Comme dans Lucky Luke, quoi. Plus sérieusment. Sa famille avait d'ores et déjà eu à subir une vengeance. Pourquoi pas une deuxième ? Alors, même inconsciente comme elle était, elle prenait tout de même certaines précautions. Et ces précautions se résumaient à un certain nombre de pistolets, de fléchettes et de fioles dans le coffre de sa voiture. Sauf que justement... Il est là le problème. Ses armes sont dans le COFFRE. Et non sur elle.

Dans son sac se trouve un rouge à lèvres, du parfum... Et ce n'est pas maquiller un vampire ou un lycanthrope qui va le tuer. A la limite, le parfum pourrait lui brûler les yeux... Sa lime à ongles pourrait lui perforer les narines... Mais rien de plus. Rien de très efficace, en somme.

M'enfin, d'un autre côté... Kiara ne s'était pas faite attaquée depuis des lustres. Pourquoi cela arriverait-il justement au cours de cette soirée où elle ne porte quasiment rien sur elle ? Ce serait tout de même très... Etrange. Malheureux. La jeune femme se savait légèrement malchanceuse par moments, mais tout de même, pas à ce point. Depuis quand t'es parano ? Laisse ça à Julian et à Lyle. Puis, trop réfléchir donne des rides. Raison de plus, donc, pour se changer les idées.

Ses talons claquaient sur le sol, à un rythme régulier mais qui... S'accélérait de plus en plus. Elle avait l'étrange impression d'être suivie. Et ce n'était pas qu'une impression, d'ailleurs. La brunette pouvait même entendre quelques bruits. La personne... Ou plutôt, la créature en question semblait se déplacer plus vite que son ombre. Il ne pouvait donc s'agir que d'un vampire. PUTAIN. Vous savez, bien qu'elle soit légèrement suicidaire... Kiara n'aime tout de même pas se livrer totalement à l'ennemi. Sauf qu'en oubliant toute son artillerie dans le coffre de sa voiture, c'est exactement ce qu'elle avait fait. Se jeter dans la gueule du loup. Et de manière encore plus désolante que d'habitude. Un chasseur seul est généralement un chasseur mort, mais un chasseur seul et sans armes... Je vous laisse deviner le résultat. Un chasseur démembré ? Transformé en bouillie ? Miam. Ca donne envie, hein.

Tant pis pour la féminité. Et tant pis pour ses beaux escarpins, sa vie vaut bien plus qu'une paire de chaussures tout de même. Elle allait se lancer dans un beau sprint. Comme ceux qu'elle avait l'habitude de faire en allant au lycée, puisque ni Julian ni Lyle ne la réveillaient à l'heure. Aucun pour rattraper l'autre, oh oui. Mais, ce n'était pas le sujet. Son adolescence importait peu, tout comme le lycée. Elle avait plutôt intérêt à se dépêcher si elle n'avait pas envie de se faire manger toute crue. Et si elle avait envie, en parallèle, d'atteindre les trente ans un jour. Quoique... Avoir trente ans... En fin de compte, il valait mieux ne pas raisonner ainsi. Avoir trente ans ne l'enchantait pas du tout, loin de là. Avoir des rides, devenir vieille... Beurk. Après trente ans, c'est la ménopause. Vous imaginez Kiara ménopausée ? Puis après la ménopause, c'est la maison de retraite... Quoique, un chasseur n'atteint que très rarement l'âge de cinquante & soixante ans. En fin de compte, elle n'avait pas tant de soucis à se faire, en fait.

Enfin, si. Elle avait du soucis à se faire, mais concernant autre chose. Son admirateur du soir. Qui avait l'air décidé à ne pas lui lâcher la grappe. Et alors qu'elle s'apprêtait à tourner au coin d'une rue, cherchant un moyen de le semer... Elle se retrouva violemment propulsée contre le mur. « Pu... Tain... De merde... A la con... » Ah. Quel doux langage de la part d'une jeune femme, hein. Tellement séduisant. Mais passons. Avant même qu'elle ne puisse se redresser, son bourreau revint à la charge. Et hop, encore un coup contre le mur. Et impossibilité de faire un seul pas en avant cette fois-ci, puisqu'il s'était mis en travers de son chemin. Clairement en travers de son chemin. Il était tout juste à deux centimètres d'elle, faisait deux fois sa taille, donc oui, elle ne pouvait faire le moindre pas. Et... Vu son aura. C'est pas des fraises tagadas qu'il comptait lui offrir, le monsieur, mais plutôt des baffes, ou une mort lente et douloureuse. Au choix ! Et le second choix semble plus plausible.

Sa première réaction ? Le parfum. Elle se saisit du parfum et lui en pschita sur les yeux. Maintenant, il allait sentir le Loverdose. Quelle chance, hein ? Puis, profitant de son étonnement, elle lui donna quelques coups. Un coup de pied à l'entrejambe – vampire ou pas, cet endroit reste très sensible, vous savez ? - puis un autre dans le ventre pour l'éloigner un peu, avant de lui balancer ses chaussures à la tronche et de partir en courant. Il fallait qu'elle gagne du temps. Ou qu'elle trouve au moins quelque chose, une arme improvisée quelconque, de quoi se défendre.

Mais, mieux encore qu'une arme. Quelques mètres plus loin, la jeune femme aperçut un bar. Qu'elle avait l'habitude de fréquenter. Et que d'autres chasseurs se faisaient un plaisir de fréquenter aussi. Elle s'y engouffra alors. Qu'il la suive s'il avait des biiiiiips. Ou s'il lui en restait, plutôt, vu le coup qu'elle lui avait donné...

Tout d'abord, il y a Stannis et Marie. Ses parents... Sa relation avec Marie est inexistante. La jeune femme en a beaucoup souffert, mais... Elle y est habituée. C'est triste à dire, pourtant il s'agit là de la simple et pure vérité. Kiara s'est habituée à ne pas avoir de mère. Tout comme elle s'est habituée à avoir un père aigri voir effrayant dans certaines situations. Stannis... Eh bien, Kiara n'est pas très proche de Stannis non plus. Petite, elle voyait plutôt Julian en tant que figure paternelle plutôt que Stannis. Elle avait l'étrange impression qu'il ne les traitait pas de la même manière... Que Julian. Mais elle se disait que, c'était sûrement parce que Julian était l'aîné. Qu'il l'avait connu lorsqu'il était encore capable de se tenir sur ses deux jambes. Sans jamais se douter un seul instant du fait que Stannis ne soit pas son père biologique.

Et puis... Il y a Julian, et Lyle. Julian, comme dit plus haut, a été pendant un certain moment la « figure paternelle » de la jeune femme, avant qu'elle ne le voit simplement comme son grand-frère. Depuis toujours, et aujourd'hui encore, le Lannister est le seul capable de calmer Kiara en une seule phrase, ou en un seul mot. Elle ne lui tient jamais tête, elle qui a tendance à entrer en conflit avec la Terre entière. Face à lui, sa réaction habituelle est... De se faire toute petite. Et de tout nier. Tout. Elle ? Coupable ? Jamais. Jamais de la vie. Etrange tout de même, comme son insolence s'envole totalement en sa présence.
Avec Lyle, les choses sont différentes... Lyle est son jumeau. Son double. Si elle avait été un homme, elle aurait sûrement été comme lui. Les deux jeunes gens ont une relation très fusionnelle. Au point que l'un puisse deviner à quoi pense l'autre ou ce qu'il compte faire sans qu'il ait à prononcer le moindre mot, chose qui a toujours étonné l'aîné de la fratrie. D'ailleurs, en parlant d'aîné... Des deux jumeaux, Kiara est la plus « âgée ». De quelques minutes, certes, mais elle se fait un plaisir de le lui rappeler dès que l'occasion se présente, comme lorsqu'il la traite de Goule par exemple.