✤ Traits de caractères INSTABLE - C'est le problème le plus grand de Dora, son instabilité psychologique latente et constante. Connaissant son ascendance garou double (père et mère), il est clair qu'on pourrait être étonné. Après tout, être loup pur-sang, c'est avoir deux approches de la Bête et deux mentors qui permettent de mieux l'appréhender et mieux la contrôler. La mère de Pheodora a réussi à survivre à l'accouchement, provoqué en avance et par césarienne, c'est dire si elle a réussi à être saine et sauve, tant physiquement que psychologiquement. Mais Pheodora ne bénéficie pas de la même chance : trop encline à laisser sa bestialité échapper à tout contrôle sous sa forme lupine, Dora sombre peu à peu dans la Rage Meurtrière et perd son humanité. CRAINTIVE - Si la bestialité apparaît comme un refuge pour Pheodora, c'est sans doute parce qu'elle a peur, sans vouloir l'admettre, peur de devoir tenter de survivre à une grossesse garou. Sa mère a réussi, mais d'autres sœurs et cousines sont mortes en couches, trop faibles face à une transformation qu'elles ne pouvaient éviter. Et Dora redoute de connaître un tel sort funeste. C'est qu'après tout, elle devrait être procréatrice, elle aussi, mais qu'elle a eu la sottise de regarder un peu plus en détail l'arbre généalogique des Lipov et qu'avec quelques connaissances scientifiques, elle voit venir tous les problèmes liés à la consanguinité trop lancinante des Lipov. Alors elle s'abandonne à la bête en elle lors des pleines lunes, tente de s'échapper par un moyen certes risqué aussi, et s'aveugle plus allant. SANGUINE - Si elle était juste instable, ça irait à peu près. Mais en plus de ça, elle a un tempérament sanguin, prête à sauter à la gorge de quiconque lui manque un tant soit peu de respect. Les Lipov équivalent à une forme de royauté, une des rares lignées qui se prétend remonter aux premiers lycans, alors elle a une très haute considération d'elle-même. Vive, elle est ainsi prompte à la réaction et réagit beaucoup plus qu'elle ne réfléchit. Une tare qui lui a joué de mauvais tours de par le passé. AGRESSIVE - Pheodora n'a pas grand chose qui justifierait son prénom : elle n'est pas le don de Dieu, comme son père et sa mère semblaient vouloir l'enjoindre à le devenir en lui donnant un nom pareil. Dora est agressive, trop souvent sur la défensive et pas assez ouverte face aux autres lycans. Elle bondit au moindre regard de travers, s'empare de son fusil avec une trop grande facilité. Garde-chasse, elle pourrait tirer sur tout ce qui bouge dans le mauvais sens, mais elle a appris et elle apprend, peu à peu, à tenter de canaliser cette agressivité maladive sous sa forme humaine. Sous sa forme de louve, par contre, cette agressivité est laissée libre de toute entrave, et la violence de Dora semble atteindre son paroxysme dès que la lune s'approche de la pleine lune. Très souvent, on la charrie vis à vis de ses règles, disant qu'elle devient particulièrement agressive à leur approche. Mais c'est la lune, vous dis-je, qui influe ainsi sur son esprit et sa patience très fine. GRANDE-GUEULE - Dora a jamais appris à se taire quand on lui disait un truc qui lui plaisait pas. En fait, à part quand c'est son père qui dit quelque chose qui lui déplaît, elle l'ouvre, forcément, parce qu'elle aura quelque chose à répliquer, peut-être pas aussi sarcastique qu'elle se rêverait, mais de toute façon, elle voudra avoir le dernier mot. Certains pourraient la considérer comme une sale gosse qui ne sait pas laisser les grandes personnes parler tranquillement, mais elle sait toutefois se modérer, voire se la fermer quand les circonstances l'exigent. Elle ruminera simplement en silence, lèvres scellées mais yeux brillants de haine, de dégoût, de refus etc. GÉNÉREUSE - Elle a quand bien même des qualités, et ici, c'est sa générosité que l'on doit mettre à l'honneur. Pheodora pense aux autres, très souvent, et se dévoue à la communauté, pas égoïste pour un sou. Bien sûr, elle pense un peu à elle quand il s'agit de survivre à une éventuelle grossesse, mais dans l'ensemble, elle pense pas mal aux autres. C'est le côté Lipov, ça, cette loyauté envers les lycans et plus particulièrement les siens. Bien sûr, ça reste circonspect à ceux qu'elle connaît : un pauvre naze en train de mourir de faim dans la rue n'attisera que très rarement sa curiosité voire sa tendresse. Une générosité limitée, donc, chez la louve. AIMANTE & LOYALE - Aimer et être aimée. C'est peut-être la seule chose qu'elle demande, la Pheodora. Mais ce sont des conneries que ses frères tentent de lui rentrer dans la tête pour en faire la bonne petite louve de la meute familiale, qui dit oui à tout et se laisse marcher dessus. Dora a appris à aimer sa lignée, malgré les imperfections et les problèmes récurrents. Elle les aime et c'est sans doute pour cela -et à cause de son éducation aussi- qu'elle veut les aider à poursuivre la lignée plus allant. Mais l'amour a des limites, et ce n'est pas parce qu'elle aime les siens qu'elle serait prête à coucher avec un frère ou un cousin pour faire plaisir à la bande. Disons simplement que, lorsque l'on parvient à trouver grâce à ses yeux, on peut être sûr qu'elle sera là pour les bons et pour les mauvais moments. CHARISMATIQUE - C'est écrit noir sur blanc, ça ne sera sans doute pas elle qui succèdera à son père en tant qu'Ulfric des Lipov. Elle, ça l'arrange, elle a autre chose à faire que de se retrouver à diriger un clan familial avec une réputation qui les précède. La diplomatie, elle n'est pas non plus très poussée là-dedans, donc il vaut mieux que ça soit un autre alpha de la masse qui récupère le poste. Pour autant, elle a un quelque chose qui fait que, quand elle l'ouvre, on la ferme pour l'écouter parler. Même si c'est une connerie. Même si elle est en train de dire une énormité. C'est que son ton de voix autoritaire et déterminé ne laisse pas de marbre et qu'on sent irrémédiablement qu'on est attiré par ce timbre relativement grave chez une femme. Elle aboie, oui, parfois, mais elle n'a pas (toujours) besoin de hausser la voix pour se faire entendre.
✤ Occupation diurne Faut bosser dans la vie. Et si possible, avoir un job qui est relativement… logique avec le mode de vie choisi par les Lipov. Loin d'elle l'idée de déroger à la vie familiale et hors de question de se fondre dans le paysage humain. Elle l'a essayé, une fois, pendant ses études, ça lui a suffit. Alors il a fallu trouver un emploi logique, et quoi de plus logique pour quelqu'un qui aime passer sa vie dehors que d'être garde-chasse ? Elle s'est donc dirigée dans cette voie, apprenant les bases du métier. Bonne couverture pour les humains qui la voient pour la première fois, bon moyen de faire rentrer du fric pour le reste. Elle se présente souvent en déblatérant des âneries sur son métier et sur le fait qu'elle aime les animaux (AH, la bonne blague). Reste quand même qu'elle préfère parfois la compagnie des bêtes et des arbres à celle des êtres humains et des autres CESS. Que voulez-vous, quand on a appris à vivre reclus, on a envie de continuer à le faire, en quelque sorte.
✤ Transformation Une louve noire. Un animal nocturne et nyctalope, touffu et imposant. Les crocs dénudés par une envie d'en découdre, les yeux jaunes injectés de sang, le poil dru, relativement long. La louve hurle à la lune, assourdit le monde autour d'elle et part en chasse en meute. Loups pur sang, il est de famille que les Lipov prennent la forme d'un Hispo (en tout cas, les Lipov casse-couilles, et il y en a un paquet). Pheodora n'échappe pas à la règle et c'est ainsi qu'elle devient une terrifiante machine de guerre de 1m50 au garrot. La génétique combinée d'un père et d'une mère tous les deux lycanthropes a joué pour beaucoup dans cette apparence presque monstrueuse et même si elle le voulait, Dora aurait bien du mal à adopter une forme plus pacifique et plus discrète, de type Lupus. La bestialité qui s'empare d'elle lune après lune en fait une louve particulièrement agressive, leste et rapide, combattive et sonore. Elle ne sait pas résister à la transformation : ou plutôt elle n'a jamais cherché à le faire. Après tout, elle n'a jamais encore été enceinte, donc pas de risque de perdre un gosse pendant une transformation. Fascinée par l'action de sa génitrice qui a pu tenir sept mois sans se transformer tout en l'ayant dans son giron, Pheodora craint qu'elle n'arrive jamais à la cheville de sa mère. Elle chasse en meute, cette meute que les quelques Lipov qui voyagent avec elle composent.
✤ Convictions Dans "consanguins", y a "sanguins". Et y a "cons" aussi. Pour Pheodora, le simple fait de repérer cette spécificité devrait suffire à définir sa lignée, les Lipov. Lorsqu'il y a eu la révélation, vous pensez bien que les Lipov étaient moyennement contents de cette nouveauté. D'un autre côté, ils considéraient que ça leur donnait le droit de vivre au grand jour, sans avoir besoin de déménager tous les trente ans parce que, bizarrement, ils vieillissaient pas des masses. Le problème, c'est que, n'étant pas connus pour être particulièrement grands stratèges ni même très diplomates, ils ont été assez vite pointés du doigt pour diverses exactions commises dans les mois qui ont suivi l'apparition du groupe des Humains d'Abord, ces sales connards intolérants (oui, ça vous rappelle quelque chose, c'est normal, c'est sans doute ce qui peut aussi se dire des Lipov en réalité). Oh, c'est pas comme si les autres lycans croisés ne savaient pas ce qu'ils faisaient comme actions et ce qu'ils prônaient : le meurtre d'humain par nuit de pleine lune est une tradition ancestrale que les Lipov ont appris à perpétrer, même si ça leur vaut généralement de ne pas passer beaucoup de temps sur le territoire d'une même meute. Les gens sont devenus si peu compréhensifs, de nos jours, vous voyez ?
Le respect des traditions et leur application fait ainsi de cette noblesse lupine (ils se considèrent réellement comme des aristocrates de l'espèce lycanthrope) une sorte de meute en elle-même, Lipov et cousins tous ensemble, qui n'essaiment que pour quelques raisons nécessaires, notamment ici la perpétuation de l'espèce de sang plus pur que pur. Ils restent à part, où qu'ils aillent, et même s'ils prêtent en quelque sorte une espèce de promesse de respect vis à vis de l'Ulfric dont ils squattent le territoire en passant, ils font en sorte de ne pas se mêler à la meute plus longtemps que cela n'est nécessaire. En d'autres termes, ils entrent, ils reniflent, ils observent et tentent de repérer un mâle pur-sang intéressant : hors de question de se reproduire avec un humain, manquerait plus que ça, de salir la lignée ancienne et révérée !
✤ Signes particuliers Elle a une putain de cicatrice de morsure sur les avant-bras gauche et droit. Ça date d'une pleine lune où elle a essayé de faire la peau à un de ses frères en se laissant totalement prendre par la bête en elle. Il a fallu que deux autres Lipov s'interposent et lui broutent les pattes avant jusqu'au sang pour l'empêcher de faire d'autres conneries. D'aucuns vous diront que cet incident s'est produit après une menace, sous forme humaine, de la part du frère, qui devait ressembler à quelque chose du style « Arrête un peu de faire ta petite prude, Pheo, ou j'te plaque contre un mur, j'te tringle et on voit combien de mois tu tiens avant de clamser comme une merde. » Pheodora l'a très mal pris, autant la menace que l'insinuation de sa faiblesse totale, et plutôt que d'aller se plaindre auprès du pater, elle a voulu régler ses comptes toute seule, frôlant de sacrément près un déshonneur familial carabiné. Les faits ont été effacés plus ou moins et plus personne n'en parle, mais quand Dora remonte ses manches, elle retrouve ces marques du passé. Ledit frère n'a pas fait le voyage avec les Lipov arrivés à Shreveport, sinon elle l'aurait buté sans doute la minute après qu'ils soient partis. Et elle, elle serre les dents tandis que ses doigts parcourent les cicatrices circulaires blanchies de ses avant-bras.

1948 • state of Washington • 7 août
« L'opération s'est bien passée. Vous avez une petite fille en bonne santé. Il faudra la surveiller pour ce mois-ci, vous devriez laisser votre fille et votre femme en observation dans la clinique, jusqu'à ce que la première puisse respirer toute seule, et que votre femme soit de nouveau en forme. Elle est épuisée, je suppose que vous le savez déjà. » Nikolaï Lipov hocha la tête presque à chaque mot que prononçait la sage-femme -une lycane comme lui, de toute façon, il n'aurait jamais voulu qu'un humain touche Nastia. Nastia avait été d'une force incomparable, à tenir pendant sept mois sans se transformer. Il avait fallu le temps et la force aussi de prendre sa bête sur ses épaules à chaque pleine lune. Nikolaï se doutait bien qu'elle était épuisée. C'était le sixième enfant qu'elle lui donnait et à chaque fois, il passait des nuits entières à prier Père Loup et Mère Lune de les protéger elle et l'enfant qu'elle portait. Il se le jurait désormais, il ne lui ferait plus subir une nouvelle grossesse. Chaque jour il craignait de la perdre.
« Je peux voir la petite ?, demanda-t-il, un air apaisé qui illuminait ses traits. - Bien sûr, je demande à l'infirmière de la préparer et je reviens vous chercher. »

1982 • state of Washington • full moon
Par pitié, Pheodora, entends-moi, merde !!! Une voix hurle, une pensée siffle, des lycans crient à la lune et à la mort, et les crocs serrent plus que jamais les pattes de la louve noire en proie à une bestialité des plus féroces. PHEODORA, BORDEL, ARRÊTE TES CONNERIES ! DORA, BORDEL ! Les deux loups se livrent une bataille titanesque et bien que Pheodora soit plus jeune que Dmitri, elle pourrait avoir le dessus, la rage décuplant ses forces. Dans la forêt, ce sont les cris des lupins qui se réverbèrent et font frissonner les feuillages et trembler les troncs. De part et d'autre, les lycans sous leur forme la plus puissante tentent de s'interposer entre les deux combattants pour les séparer. Ce n'est qu'à force d'efforts constants que l'altercation est interrompue et que la nuit se termine lentement et péniblement.

Au petit jour, Pheodora se réveilla attachée contre un arbre, les deux avants-bras bandés. Sur un arbre plus éloigné, était attaché de la même manière Dmitri. Fixant avec une haine fulgurante son frère aîné, Pheodora était partie pour l'injurier avec tout son vocabulaire fleuri, jusqu'à ce que la voix d'un autre de ses frères l'interrompe. « Qu'est-ce qu'il t'a pris, putain, Pheo. T'as failli le trucider. - Il l'aurait mérité. - Il s'est passé quoi, sérieusement, pour que vous soyez à deux doigts de vous entretuer ? - Tu pourras pas comprendre, Aliocha. Tu pourras pas comprendre. - Essaie toujours. » Et elle dut lui raconter, la menace, la retransmettre de façon aussi juste que possible. Dmitri était toujours dans les vapes, ce qui permit à Pheodora de le traiter de tous les noms d'oiseau copieusement. « Tu te rends compte, lui dit finalement Aleksei une fois son récit terminé, que t'aurais pu être bannie de la famille à cause de ce couillon de Dima ? » Elle haussa les épaules, décidée à ne pas se laisser raisonner par son frère. Convaincue que, si elle avait été bannie par l'Ulfric des Lipov, alors elle aurait vu là le signe de l'absence de compréhension des hommes de la meute, face à un risque trop proche et trop réel pour être ignoré.

1990 • Billings, state of Montana
« Bon, allez, jouons à un nouveau jeu, on se fait chier. » Ils étaient sur la route depuis deux heures déjà, à parcourir le Montana et à relier Whitehall à Billings. Aleksei s'ennuyait et c'était à Pheodora de conduire le van qui servait de moyen de locomotion rapide aux cinq Lipov réunis. Outre les deux premiers nommés, on trouvait dans la "garde rapprochée" de Pheodora, Louie Lipov, cousin issu de germain, ainsi que Moses, un autre cousin, d'une autre mère, et Piotr, que la bande appelait Peter à l'anglaise. Bien entourée, la demoiselle avait fêté ses quarante-deux ans récemment et en paraissant dix de moins facilement. « C'est quoi ton jeu ? - On va jouer à "Je décris la femme de mes rêves", pendant que tu conduis, femme ! - Et si j'nous envoyais dans le décor, ça te ferait arrêter ces idées de merde ? - T'as tes règles en ce moment pour être aussi agressive, dis donc ? - Je préviens : le prochain qui fait son connard misogyne et suppose que mes hormones décident de mon humeur, je le démonte et il continue À PIEDS. »
Une belle journée en perspective, à bord de la Lipov-mobile.

2000 • border between the state of Nevada & the state of Utah
Le van fonçait à toute vitesse sur la route 80. Des limitations de vitesse ? Qu'importe. Une quelconque sécurité routière ? Qu'importe. Il fallait se barrer coûte que coûte de cet État de merde, mettre ça derrière soi et passer à autre chose. Les dents serrées, Pheodora était en train de resserrer le bandage autour du bras d'un de ses cousins (Piotr) tandis que Moses écrasait l'accélérateur comme si sa vie en dépendait. Et leur vie en dépendait, effectivement. La nuit dernière, une pleine lune, les Lipov s'étaient un peu laissés emporter par leur enthousiasme lupin. Tombant sur un camp de campeurs humains, Moses et Aleksei avaient pris sur eux de bouffer deux campeurs, ou plutôt de les réduire en charpie. La meute locale avait moyennement aimé cette exaction, cela allait sans dire, et les Lipov étaient désormais persona non grata sur le territoire du Nevada. « Tant mieux, avait pesté Aleksei, c'est vraiment un endroit de merde. » La meute locale avait tenté de s'interposer pour sauver les humains, mais avec les cinq Lipov sous forme menaçante -c'est-à-dire en Hispo-, ça avait été compliqué de leur faire entendre raison. Piotr avait été mordu, mais dans l'ensemble, ils s'en tiraient simplement avec quelques hématomes, rien de bien méchant quand on regardait ce qu'ils avaient fait.
« MO, BORDEL, TIENS LA ROUTE ! » Ça valdinguait de partout et même s'ils avaient tous mis leur ceinture -question de survie oblige quand on appuie le champignon et qu'on ignore délibérément le frein- c'était parfois compliqué de rester en place quand Moses doublait par la droite sans vraiment respecter le code de la route. « JE FAIS CE QUE JE PEUX, MAIS QUELQU'UN A EU LA SPLENDIDE IDÉE DE FRACASSER CE VAN DANS UN ARBRE ! »

2003 • Tulsa, state of Oklahoma
« Pheo ? T'es là-dedans ? - DÉGAGE ! - … Dora ? - DÉGAGE, ALIOCHA, PUTAIN, LAISSE-MOI TRANQUILLE ! - Pheo, ça fait vingt minutes que tu pisses. Ça va ? » Non, ça n'allait pas génial. Ça faisait deux jours que Pheodora attendait que ses règles arrivent, et ça faisait deux jours que ses règles n'arrivaient pas comme elles auraient dû. « Aliocha ? T'es toujours là ? - Non, je me suis barré, tu me fais chier à rester enfermée. - Aliocha, tu veux bien aller regarder sur le GPS où est la pharmacie la plus proche ? - … Attends, quoi ? - La pharmacie, Aleks, la pharmacie. » Des pas s'éloignèrent. Pheodora lâcha un soupir, ses épaules s'affaissant avec l'ensemble de son corps. Bon. Il allait falloir qu'elle bouge, et ça ne servait à rien d'attendre du sang qui ne coulait pas. Elle s'essuya, remit sa culotte et son pantalon puis alla se passer le visage sous l'eau. Sortant des toilettes publiques, elle eut le droit à une ovation de ses imbéciles de compagnons et Moses, tout fier, lui demanda quelle taille ça avait eu. Le majeur levé comme unique réponse, Pheodora rejoignit Aleksei qui regardait encore le GPS puis, une fois les informations en main, elle s'y rendit seule, laissant les gars jouer avec les meubles du motel. Trois jours plus tard, elle avait rendez-vous dans la clinique des Reproductive Services of Tulsa pour un entretien médical. La semaine d'après, elle était débarrassée d'un problème imprévu.
Ses cousins n'étaient pas dupes, mais ils ne l'importunèrent pas avec cette histoire. Aleksei non plus ne chercha pas à creuser l'affaire et à découvrir l'identité du type. Qu'importe, de toute façon. Dora connaissait sa place et savait qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant dont le père n'était pas un loup de pur-sang. Ç'aurait été réduire à néant la quête sur laquelle ils s'étaient lancés. Autant tout faire pour qu'elle atteigne un jour son but, sans marmot pleurnichard encombrant dans les pattes.

2014 • Hattiesburg, state of Mississippi
D'une main rageuse, Pheodora déchira la une du journal local, en fit une boule et la lança en direction de la corbeille à papier du salon. Moses se fasait les ongles affalé dans le canapé, Louie et Aleksei jouaient aux échecs et Piotr faisait un château avec des allumettes (c'était la sixième fois qu'il recommençait). Ce dernier leva à peine la tête vers la louve et commenta : « Toi, tu as enfin lu l'article dont on parlait ce matin. - Mais quelle bande de fumiers. - Oui, c'est ça, c'est exactement ça. Alors, on fait quoi ? Louie suggérait qu'on aille faire une petite boucherie à la prochaine lune. - Quelles espèces de fils de pute. - Oui, aussi. Donc, on fait quoi ? On va se faire soigner ? » Le regard qu'elle lui lança était aussi perçant et douloureux qu'un poinçon de dix centimètres de diamètre. Piotr abandonna son château d'allumettes et rejoignit donc sa cousine. « Dory, tu sais très bien qu'ils cherchent à agacer tout le monde. On le saurait si le bon peuple de Mississippi était tolérant à notre égard ! - UNE MALADIE, ils ont quand même dit que c'était une MALADIE. - Dora, pas la peine de hurler, on l'a lu, aussi. »

2016 • à l'orée du territoire de la meute de Shreveport
« Bon, ça fait vingt ans qu'on est sur les routes. - Plutôt vingt-cinq. - Alors cette fois, on va appliquer ce qu'on a appris. On est gentils avec l'ulfric de Shreveport, on pisse pas sur ses plates-bandes, on ne tue pas d'humains sur son territoire— - Sauf les fumiers des Humains d'Abord, ceux-là, on se les fait, hein, hein ? - Mouais. On essaie d'être un peu discret, ok, les gars ? - Bien sûr, quoi de mieux qu'un gang de lycanthropes contrebandiers russophones aux mœurs douteuses et à la réputation qui les précède pour être discret ? - Mo, ta gueule. Surveillez autour. » Le van se remit en branle et les Lipov pénétrèrent ainsi sur le territoire de la meute de Shreveport, plutôt sur la défensive après avoir passé de longues années à marcher sur des œufs avec chacune des meutes croisées. « Dora ? - Oui ? - Roule pas trop vite, des fois qu'il y aurait un comité d'accueil qui nous attende au coin du tournant. »