✤ Traits de caractères Sinistra est sinistre. Mystérieuse, elle est toujours distante, froide, hautaine, une carapace qu'elle s'est forgée au fil des âges, une muraille qui ne risque pas de tomber. Maître de ses propres émotions, il est rare de la voir ressentir quelque chose. Elle qui a traversé le temps, elle qui a vécu tant de vies, n'est plus si aisée à surprendre. Calme, sérieuse, peu bavarde, elle n'use pas sa salive pour n'importe quoi, pour n'importe qui. Mais ne vous avancez pas sur sa personnalité, elle est loin de n'être que cela. Sinistra est, depuis une éternité, foudroyée par une colère et une frustration sans noms. Cela explique certainement sa répartie tranchante, sa solitude toujours plus impressionnante, et son obsession pour le contrôle. Elle a besoin de toujours tout posséder. Mais ce qui ne manque pas à Sinistra, c'est sa loyauté. Si entrer dans ses bonnes grâces est l'affaire la plus difficile qui soit, elle demeure passionnée, fidèle, et très protectrice. S'en prendre à son Cercle est un fait qu'elle ne tolère pas, et cela peut engendrer des colères noires, des vengeances particulièrement sordides. Sinistra sait être sadique, sait être mauvaise, sait être le Diable en personne.
✤ Occupation nocturne Lorsque la Lune se lève et prend la divine place du Soleil, Sinistra ouvre les yeux. C'est lorsque l'obscurité règne qu'elle dirige son hôtel avec une main de maître. Femme d'affaires avisée, elle a appris à être une carnassière dans le monde de l'hôtellerie, à défaut de faire ce qu'elle aime. Son stylo est devenue depuis bien longtemps sa meilleure arme. Elle n'hésite pas à divaguer dans son hôtel, et préfère de loin donner les ordres que de laisser qui que ce soit le faire pour elle. Elle a d'ailleurs décidé elle-même d'être en charge du recrutement de ses employés, mais aussi des humains qui servent d'offrande aux étages supérieurs. Elle a un goût prononcé pour le contrôle, et a besoin d'être respectée par chacun. La patronne a besoin d'affirmer son pouvoir, mais descend très peu souvent au rez-de-chaussée, elle évite un maximum les clients, sauf les plus réputés.
✤ Manies, habitudes & goûts Cela fait des décennies déjà que la vampire s'ennuie de cette éternité qui s'allonge. Les seuls petits plaisirs qu'elle s'accorde sont l'alcool et la cigarette, qu'elles trouvent forts sympathiques. Ou du moins, l'alcool n'étant pas bon pour sa race, elle le consomme surtout via le sang des plus gros buveurs, qu'elle déniche souvent au coin des rues les plus sombres... Etant morte, elle peut se permettre d'en consommer énormément, ce qu'elle fait souvent lors de ses nuits les plus platoniques. Elle apprécie écrire, elle le fait depuis une éternité. Elle écrit souvent à la plume, une manie qu'elle a préservé au fil des âges. Ce qu'elle écrit ? Nul ne le sait. Si Sinistra aime beaucoup la musique, elle reste une fervente fanatique du jazz, le vieux jazz. Ce qu'elle préfère, c'est écouter ces douces mélodies au volant de sa voiture, qu'elle lance à pleine vitesse.
✤ Discipline Aux premières années de sa renaissance, Sinistra ignorait totalement qu'elle possédait un pouvoir. Elle en prit conscience bien des années plus tard, découvrant qu'elle était capable de voir l'invisible, ce qui ne sautait pas aux yeux des autres, et surtout toutes les menaces qui se camouflaient autour d'elle. Elle comprit que les auras qu'elle voyait depuis son départ de chez elle n'étaient pas quelque chose de donné à tout le monde. Les auras, elle les voyaient, toutes, pour chaque personne. Capable de découvrir quelles personnes étaient surnaturelles autour d'elle. Mais le pire fut certainement de savoir quelles émotions se manifestaient chez chaque personne qu'elle pouvait croiser. Ainsi, elle peut désormais savoir avant même que vous ne lui parliez. Elle ressent les sentiments des autres comme s'ils étaient les siens, dans un sens. Car elle sait les décrire, elle sait les identifier, et elle sait ce que chacun peut engendrer dans une âme. Mais ce don, elle ne le dévoile qu'à peu de personne. Ce don, de voir les auras, l'aide surtout dans son rôle de Justicar. Néanmoins, elle ne veut guère attirer trop l'attention, et surtout être mise en danger.
✤ Convictions La Révélation. Ce fut certainement une période fort importante pour le monde des Vampires. Vivre dans le secret n'a jamais déplu à Sinistra, alors la Révélation n'a pas été pour elle quelque chose de bien important. Elle a toujours trouvé le monde vampirique très dangereux, et à présent révélé au monde, plus dangereux encore. Si la société les accepte, le peuple, lui, est divisé. Sinistra n'a que faire de se cacher ou non, bien qu'elle préfère leur société actuelle, et non de se cacher en permanence. En réalité, elle apprécie d'être entourée par des individus qui la comprennent. Mais elle trouve bien négatif le regard qui peut parfois se poser sur elle, de la part de n'importe quel humain. Enfin, elle s'habitue à cette vie, et ne s'en fait pas trop pour elle. Elle survie depuis des siècles, et elle survivra encore longtemps.
✤ Signes particuliers Sinistra a toujours été différente, dans bien des cas. Cela fait quelques temps déjà qu'elle porte un tatouage indélébile sur sa peau blanche et glacée. C'est au creux de sa hanche gauche qu'elle le porte comme une arme, comme un message. Personne ne l'a jamais vu, d'ailleurs, mais il représente ce qu'elle aurait souhaité, dans une vie antérieure, être. Une femme aimante, une femme simple, une femme dévouée à sa famille, et non au Diable. Une rose, rouge, encrée en elle. Et chaque décennie, une pétale devient noire, pour signifier sa lente descente aux Enfers.

✤ L'Humanité s'Acharne

« Je te demande pardon ? »

La colère, la peur, la surprise firent vibrer le corps tout entier de Sinistra. Elle dut reposer le verre d'eau qu'elle venait de se servir. Fébrile, elle papillonna des cils pour reprendre pied avec la réalité. Autour d'elle, le monde tout entier tournait. Comme si elle venait de ressentir ce qu'était réellement le mouvement de l'astre, elle sentit son souffle court lui voler l'oxygène qui lui était nécessaire pour vivre.

« Je ne souhaite pas te mentir, mon amour. C'est bel et bien moi qui suis à l'origine de ce vol, et de tous les autres. »

Son coeur accéléra sous sa cage thoracique. Elle jeta un coup d'oeil sur le journal qui hurlait « Ghosts in our Banks », une référence à ce petit groupe de cambrioleurs qui ne cessait de terroriser les économies de pauvres gens. Un groupe de malfrats qui pensaient simplement pouvoir voler, être riches, sans que personne ne s'oppose à eux. Elle posa les deux mains à plats sur la table, tentant maladroitement de respirer de façon correcte.

« Tu... es un hors-la-loi. »

Ronald s'approcha du meuble, en face d'elle, et elle fut satisfaite de l'espace qui demeurait entre eux. Elle n'aurait guère pu le laisser entrer dans son espace vital, espace qu'elle préférait de loin préserver à cet instant précis.

« J'essaie simplement de subvenir à nos besoins. »

Elle fronça les sourcils et sentit ses muscles se contracter de toute part. La fureur.

« Depuis combien de temps cela dure-t-il ? Notre rencontre à l'Université, peut-être ? Ou plutôt notre mariage ? »

Mais en réalité, il n'y avait rien à voir avec tout cela. Ronald était un voleur dans l'âme. Il le serait toujours. Elle n'avait pas le choix. Elle devait accepter l'évidence.

✤ Chute Libre

Une toux, sèche, dure, détruisit la gorge de Sinistra. En ôtant le mouchoir en soie qu'elle avait posé sur sa bouche, elle constata que le rouge tâchait le blanc. Elle grimaça, soupira, sentit son coeur se presser dans sa poitrine. Quelques secondes plus tard, une autre quinte de toux l'obligea à courir aux toilettes pour s'agenouiller et vomir. En se relevant, la faiblesse lui fit tourner la tête, et une main sur son front permit de constater que la fièvre avait augmenté. En passant devant le miroir, elle fuit son reflet pour ne plus voir sa mine pâle, ses cheveux couverts de sueur, son corps fébrile, fragile, inutile.

Trois coups à la porte la firent sursauter, et un coin de meuble fut nécessaire pour calmer son coeur. Elle se dirigea vers la porte, effort considérable pour son corps endoloris, et s'accrocha à la poignée.

« Qui est-ce ? sa voix enrouée s'éleva dans les airs, et elle pensa un moment ne pas avoir été entendue.
- Monsieur McLider, Directeur de l'Hôpital où vous ne vous êtes pas présentée depuis 2 longues semaines. »

Elle ferma les yeux, sentant son cerveau refuser de lui obéir. Si elle se sentait coupable de ne pas avoir pu sauver des vies pendant les jours précédents, elle avait beaucoup de mal à réfléchir actuellement.

« Je suis malade, Monsieur. »

Il lui demanda d'entrer, mais elle refusa. Il eut un discours assez persuasif. Cet homme savait parler, savait manipuler l'esprit. Il cessa toute parole lorsque le verrou céda. En constatant l'état critique de son employée, il eut un moment de silence, et il n'osa visiblement pas s'avancer immédiatement.

« Quels symptômes ?
- La tuberculose, sans aucun doute. »

Aucun traitement n'existait. Cette maladie la consumait de l'intérieur, et personne ne pourrait la sauver, pas même Dieu. Pourtant, Ian ne sembla pas être effrayé. Pas le moins du monde. Il tira une chaise et invita Sinistra à s'asseoir. Le directeur de l'hôpital agissait comme si rien de tout cela ne se déroulait.

« Vous devriez partir. »

Ian fit un tour de la propriété, observant avec attention les moindres détails. Sinistra ne put s'en formaliser, trop fatiguée pour laisser ses yeux ouverts sur son invité.

« Avez-vous décidé de mourir seule ? »

Elle releva les yeux, cette fois. Une question directe, franche, comme il l'avait habituée pendant des années de collaboration.

« Ai-je réellement le choix ? Si mon mari n'avait guère été assassiné, je suppose qu'il serait parti depuis bien longtemps.
- Si votre mari n'avait pas été assassiné, vous ne seriez peut-être pas partie dans un périple humanitaire. Et vous n'auriez donc pas été exposée au virus. »

Certes. Oui. Elle n'aurait guère rejoint l'Espagne pour guérir les blessures de son deuil et sa peur panique de ces agresseurs mystérieux. Elle n'aurait, de toute évidence, peut-être pas du tenter de sauver son mariage, malgré le fait que Ronald lui avait menti pendant très longtemps. Par sa faute, elle n'avait pas pu fonder une famille, car le danger qu'il avait ramené avec lui était un bagage trop imposant.

« Monsieur, sans vouloir vous offenser, vous devriez quitter les lieux. »

Il se retourna vers elle. Le sourire qui s'étendait sur son visage était plus malsain dans cette situation que dans toutes les autres.

« Souhaitez-vous réellement mourir, Madame Lonerose ? »

Le visage creusé de la jeune femme se décomposa.

« Une question fort agréable pour une mourante. »

Il s'approcha, tranquillement, d'un pas sûr.

« Il existe un moyen. »

✤ La Mort vous va si Bien

L'obscurité la plus totale. Les rideaux tirés, les volets fermés, pas moyen de voir l'extérieur. Il n'y avait plus rien de réel, plus rien de vrai, tout n'était qu'illusion. Le vrai et le faux s'entremêlaient, et toutes ses pensées n'étaient que des murmures au creux de son crâne. Cela faisait trop longtemps que les hommes se jouaient d'elle, si bien que seule sa rage semblait avoir pris le dessus. Assise confortablement sur son fauteuil, elle attendit que son mari entre, pose ses affaires, vienne l'embrasser, pour sortir l'arme qu'elle chérissait tant. Le revolver était chargé, et Oliver s'immobilisa au milieu du salon. Il fit mine de rien, comme toujours.

« Ma Douce, mais que fais-tu ? »

Elle pencha la tête. Son regard n'avait jamais porté cette douce mélodie féline, cette touche de sadisme, de triomphe, de satisfaction. Elle se délectait de la Mort prochaine de cet être si méprisable. Elle le haïssait tellement, à présent. Lui qui lui avait promis l'éternité, lui qui lui avait susurré de nombreux sentiments, lui qui avait souligné que le lien entre le Sire et l'Infant était long, beau, unique. Quel pathétique menteur. Quel ignoble menteur. Et quel stupide petit agneau qu'elle faisait.

« Tu croyais que je ne le découvrirais jamais ? Qu'éternellement, je resterais ici, enfermée dans cette maison, à faire ton petit ménage, à t'aimer d'un amour  inventé de toutes pièces ? »

Et il nia, il fit mine de ne rien comprendre, de ne rien savoir. Mais là encore, il n'était qu'un charmant mirage, une image diabolique, la représentation fort agréable d'un démon.

« Ian, ce pauvre Ian, est venu frappé à notre porte, cette nuit. Sais-tu ce qu'il venait demander ? Son dû. Ce que tu lui devais pour avoir obtenu la petite épouse parfaite que tu recherchais tant. Il venait demander l'éternité que tu lui avais promis. »

Oliver, le vampire qu'elle pensait tant aimer, baissa les yeux et se pinça la lèvre.

« Vous m'avez dupée. Tu m'as dupée. Tu m'as fait croire que nous partagions un lien unique, un amour spécial. Cela fait 14 ans que j'y crois, mon très cher époux. Mais les choses changent. Ou du moins pour moi. »

Sans même qu'il ne puisse répondre, le coup partit. La balle se logea dans sa charmante cervelle, qui sembla éclater de toute part. L'argent se tinta de sang, et le sol recueillit ses derniers instants.

✤ Descente aux Enfers

Gorges éclatées, jugulaires arrachées, visages défigurés, griffures ensanglantées, des souvenirs qui jamais ne s'effaceraient. La Frénésie l'avait rattrapée, tout en elle semblait s'être envolé, mis à part l'envie de boire, de boire du sang. Revenir à l'hôpital afin de faire ce qu'elle aimait vraiment, sauver des vies, avait été une piètre idée. Là, seule, sur le trottoir, les hurlements résonnaient autour d'elle. Déjà, plusieurs personnes fuyaient dans l'obscurité, loin, disparaissant avec leur terreur. Le sang coulait encore le long du menton de la jeune femme, et ses pupilles dilatées témoignaient de son absence. Elle n'était plus Sinistra, elle était le démon en elle, elle était la carnassière qui se prélassait du sang d'innocents. Ce fut la première fois que son humanité avait été chassée. Et le choc était rude.

Les sirènes retentissaient au bout de la rue lorsqu'une main lui saisit le poignet, l'obligeant à fuir en courant. Sans prendre conscience de ce qu'il se déroulait autour d'elle, elle se réveilla lorsqu'elle s'arrêta, dans une ruelle isolée. Un homme la fixait, fronçant les sourcils, lui offrant toutes sortes de boniments.

« Auriez-vous perdu la tête ? Entrer dans un hôpital pour trouver une proie, c'est irresponsable !
- Je... ne cherchais pas... Non... Travail... J'ai tué des êtres humains. »

Elle grimaça, de chagrin, de douleur, et s'effondra. Deux bras l'empêchèrent de tomber sur le sol, et elle y sanglota un moment.

« Vous êtes un nouveau-né, n'est-ce pas ? »

Sinistra s'écarta pour mieux plonger dans son regard. Elle y vit une bienveillance sans nom, une bienveillance qu'elle n'avait pas vue depuis des années.

« Je ne comprend pas votre question. »

Il sourit, mystérieusement.

« Vous avez visiblement beaucoup à apprendre. »

✤ Je suis la Nuit

Le Maître se leva lorsqu'elle entra dans la pièce. Elle tenta de cacher ses quelques appréhensions et demeura droite, neutre, froide. C'était là le caractère dont elle avait hérité, après un nombre d'épreuves qui pouvait terroriser n'importe qui. En s'arrêtant devant le bureau, elle n'offrit aucun sourire à celui qui faisait les lois. Le Prince en personne, elle n'aurait jamais cru le rencontrer une fois arrivée aux Etats-Unis. Cela faisait pourtant des années qu'elle avait rejoint la communauté de l'Essaim.

« Madame Lonerose. Bienvenue. Prenez place. »

Elle s'exécuta, en silence. Elle fixait le Maître, bouche pincée, en attendant patiemment de comprendre pourquoi elle était là.

« Notre... ami commun m'a beaucoup parlé de votre histoire, de vos prouesses ainsi que de votre intérêt grandiose pour notre cause. »

Elle n'hocha guère la tête, resta muette. Qu'y avait-il à dire de plus ?

« Il vous décrit comme un diamant brut. »

Elle lui coupa presque la parole, plutôt courtoise en général, mais très impatiente dans ce cas précis.

« Puis-je vous demander pourquoi m'avoir convoquée en ces lieux ? »

Il eut un sourire énigmatique. Comme si cette situation l'amusait beaucoup.

« L'un de nos Justicars a été victime d'une attaque mortelle de la part d'un chasseur de vampires, lors de son voyage en France. Un chasseur que, me semble-t-il, vous avez déjà rencontré lors de la mort tragique de votre mari, Riley. »

Elle baissa les yeux pour cacher sa colère.

« Le Conseil et moi-même possédons une liste de tous les Anciens présents en ville, lors d'une nouvelle élection dans notre hiérarchie. Vous comprendrez que nous devons prendre des dispositions exemplaires quant au recrutement. »

Elle comprenait soudain où il voulait en venir.

« Vous souhaitez que je devienne Justicar.
- Exactement. Si ce statut vous convient. Les jugements sont rares, mais complexes et souvent dangereux. Afin de souligner votre nouveau statut et de vous offrir le respect de l'ensemble de notre population, nous souhaiterions également vous nommer propriétaire de l'Hôtel "Silence Eternel". Une situation qui vous offrira protection et pouvoir. »

Que pouvait-elle faire ? Refuser ? On ne refusait jamais rien au Maître. Jamais.