✤ Traits de caractères
Intraitable – Pétillante – Intelligente – Sournoise – Espiègle – Indépendante – Pragmatique – Impulsive – Menteuse – Mystérieuse – Moqueuse- Imprévisible

Le temps m’a forgée un caractère qui aurait pu se voir écrasé par le poids de cette société où la femme n’avait pas le droit d’expression. J’aurais pu comme bon nombre de femmes me ranger dans le moule qui m’était destiné sans mot dire. J’aurais pu être fade, inintéressante, rangée en somme. Et puis, ça n’est pas arrivé. Mon mariage n’a même pas réussi à me rendre docile. Ce n’est pas une chose pour moi. Je ne plie que si j’en ai envie. Je ne voue une allégeance qu’à qui de droit et si j’en décide. Depuis que je suis arrivée en ville, personne ne me connaît vraiment. Je ne suis qu’une femme venue d’Irlande, point barre. Mon passé, ma vie d’avant, toutes ces choses-là sont passées sous silence. Pourquoi ? Parce que cela ne regarde personne. Les gêneurs, les trop curieux, ceux qui se permettent de creuser pour en savoir de trop, en prennent une sans comprendre. On me cherche, on me trouve. Autant ne pas me déranger inutilement.
Je suis complètement indépendante, n’aspire qu’à une liberté que personne ne pourra m’ôter. Je suis les règles vampiriques, bien évidemment, il faut des lois pour éviter que tout dégénère. Autrement, je fais ce que je veux. On dira que moi que je suis froide : c’est possible. Quand il s’agit de se nourrir, humain à tuer ou pas, on le fait et c’est tout. Inutile de faire des chichis pour au final en arriver au même résultat. C’est dans notre nature de tuer pour nous nourrir. Idem pour les vampires, ceux qui mettent en péril la liberté de ses pairs doit en payer le prix. Voilà pourquoi j’étais faite pour le poste de nettoyeurs. Je ne fais pas d’histoires quand il s’agit d’amener le responsable d’un massacre devant le maître. Ami, proche, ou ennemi, je m’en fous royalement. Je ne fais que mon travail et l’exécute en suivant les règles. Ne croyez pourtant pas que je suis le bon petit soldat : j’ai prouvé par le passé que je pouvais aussi bien me mettre dans la peau de la révolutionnaire que dans celle de la citoyenne modèle. Tout est question de servir mon propre intérêt.

✤ Occupation nocturne
Je suis médecin légiste dans l’équipe de nuit au commissariat. L’on dit que mon métier est glauque, particulièrement lorsqu’il est question d’autopsier un corps à trois heures… L’obscurité titille l’imagination tout simplement, le commun des mortels se sent en sécurité à la vue d’un rayon de soleil, pour ma part, ce dernier me brûle la peau. Vous n’imaginez pas le boulot qu’il y a à faire une fois minuit passé… soit dit en passant, étant chef des nettoyeurs, je suis aux premières loges pour connaître la cause du décès, une aubaine quand il s’agit de dissimuler les traces de ses semblables ! Enfin, pour moi, pas pour ceux qui seront directement amenés devant le maître pour payer de leurs crimes. Qui que ce soit, quelles qu’en soient les raisons, je ne suis pas juge. Pas de sentimentalisme quand le clan est en péril par la faute d’un bouffon qui fait n’importe quoi. Les faits parlent d’eux-mêmes, le motif importe peu, ceux qui nettoient derrière n’ont pas que cela à faire.
Comment dire après avoir fait tout ce petit travail, disons que l’énergie pour faire des activités sophistiquées manque. Passer dans les établissements, voir son hérésie, se divertir culturellement parlant, sont autant d’activités qui m’amusent sans me prendre le chou. Si l’envie se présente, j’en profite.

✤ Manies, habitudes & goûts
J’adore l’art et l’histoire de manière générale. Je lis beaucoup, parfois trop. N’allait pas croire que c’est démodé, celui qui dit cela est un parfait abruti. Les livres contiennent un savoir inépuisable et inimaginable, il reflète les opinions d’auteurs et de personnes. Un bon moyen de ne pas terminer anarchiste et sombrer dans la folie. Le point de vue d’autrui fait évoluer le nôtre, constamment.
Ayant une mémoire éclectique, je retiens tout, jusqu’au moindre détail. Evidemment avec les siècles, certaines choses sont passées à la trappe car inutiles, mais tout ce qui a suscité mon intérêt, je m’en souviens à la perfection, capable parfois de réciter des phrases mot pour mot. Un talent très pratique et ô combien insupportable parfois, quand on veut bien oublier.
Des habitudes, j’ai quelques tics, comme celui de toujours me toucher les cheveux. Je dirais qu’en goûts je préfère le sang chaud, celui de l’anglais chassé. Vous savez, celui qui a envahi l’Irlande, celui que je haïssais. Le repas n’a pas du tout le même goût quand on se délecte de celui d’un ennemi.

✤ Discipline
Quietus – Niveau 1 – Silence de la mort
Le silence de la mort m’entoure d’une bulle de silence mystique. Tous les bruits à proximité s’en retrouvent étouffés. Je peux toujours entendre les bruits extérieurs à cette bulle dont la distance peut être de 6 mètres de rayon par rapport à moi pendant environ une heure. Pour ne pas se faire repérer c’est parfois l’idéal !

Quietus – Niveau 2 – Venin du scorpion
En utilisant les propriétés de mon sang, je peux les faire tourner en vinaigre et le transformer en poison. Un bien joli liquide pour lustrer mes armes ! Je ne suis capable de le faire pour un volume égal à celui de mon avant-bras ce qui est déjà pas mal. Imaginez si j’ai envie de me venger de mon hérésie ce dont je suis capable…

Quietus – Niveau 3 – Appel du Dagon
C’est un pouvoir que j’ai récemment acquis et j’en suis ô combien fière. Par un simple contact, je peux concentrer le sang de la personne que je touche, et faire exploser ses vaisseaux sanguins. Le mieux c’est de toucher la poitrine, le sang affluera plus rapidement dans les poumons et provoquera une mort assez rapide. Pas de trace ni de bavure, c’est parfait ! Ce pouvoir est assez récent, ce qui ne me permet pas l'utiliser souvent, au bout de deux utilisations sous 12h, j'en suis épuisée. Mais chut, vous n'êtes pas censé connaître mes limites.

✤ Convictions
Ce ne fut pas la meilleure des choses. Que nous soyons tapis dans l’ombre avait ses avantages, bon nombre de privilèges que nous avons perdu. Les humains ne comprendront jamais notre peuple, car ils ne sont pas comme nous. Nous, en revanche, pouvons les comprendre, pour avoir un jour été ainsi. Pourquoi ai-je donc l’impression que nous nous faisons dicter notre conduite par les humains ? Je n’ai pas apprécié cette annonce, encore moins tous les massacres qui ont suivis. Des siècles ont été nécessaires pour que la tolérance existe pour la couleur de peau et la religion, à quoi s’attendaient donc les vampires en se révélant au monde ? A une foule d’applaudissements ? Même Palpatine avait mieux agi quand il avait fondé son empire. Ma nature, je n’en parle pas, cela ne regarde personne. Que l’on s’en doute ne regarde que celui qui se pose des questions. Personne n’osera me poser la question directement par peur des représailles, je suis tranquille là-dessus. Néanmoins… je surveille maintenant mes arrières, bien plus qu’avant. Le savoir, c’est le pouvoir. Les humains connaissent le surnaturel maintenant. Rappelez-vous Hiroshima, le fait de savoir comment fabriquer la bombe atomique n’a pas empêché l’humanité d’en larguer deux… A quand l’éradication des créatures surnaturelles ? Je reste très dubitative quand la fédération de chaque race. Je n’y crois tout simplement pas.

✤ Signes particuliers
J’ai une mémoire éclectique, ce qui signifie que je me souviens de tout ce que je vois, tout ce que je lis avec multiples détails. Ce n’est pas parce que l’on n’a jamais défini la taille de la mémoire que la mienne est infinie attention ! Après trois siècles d’existence, je peux dire que les souvenirs les plus lointains qui me reviennent en mémoire avec force de détails sont ceux qui m’ont émotionnellement atteinte, ou possiblement intéressé par le savoir à acquérir. Si j’ai lu un livre intéressant, je vais m’en rappeler avec grande précision. Si je ne vois aucun intérêt, je finirai avec le temps par complètement l’oublier.

Je suis une erreur, je n’aurais jamais dû naître. Ma mère n’avait jamais voulu d’enfant, encore moins celui d’un de ses clients. Les enfants n’avaient pas leur place dans les bordels, et pourtant ô combien étaient-ils nombreux. Certaines pensaient sortir de cet enfer en apportant un bâtard au fortuné qui était passé entre leurs cuisses. La société française du XVIIIème siècle se montrait pourtant intraitable avec les femmes. Toute ma vie, on me l’a fait comprendre. Je n’étais pas supposée exister. Pourtant, en ce rude mois de décembre où je naquis, je survécus au froid de la fenêtre où ma mère me plaça, espérant que je meurs. Mes pleurs stoppèrent sa folie. Une autre solution fut optée, celle de m’abandonner à la porte de la demeure de l’officier qu’était mon père, Henry O’Neill. Je pris ainsi son nom, et il m’appela Eitna traduction de « petit feu » en gaélique.

O’Neill,  nom d’une dynastie autrefois riche et prospère. Ses descendants, catholiques, ont fui le pays natal sous l’invasion anglaise. J’appris plus tard que mon père qu’il n’avait jamais été rappelé par ses parents en Irlande pour récupérer les terres de nos ancêtres. Conséquence directe : la confiscation des Terres, que les anglais ont prises pour s’y installer. Mon éducation fut militaire, religieuse et généalogique. Comme un garçon, je grandis, comme un garçon je devins. Dans ce monde masculin, une femme n’avait pas sa place. Si distant et si froid, j’ai toujours pensé que mon père ne m’aimait pas, qu’il ne me considérait nullement comme ce que j’étais, c’est-à-dire une femme. Pourtant, il m’offrit le meilleur cadeau, celui de savoir me défendre tout en étant instruite. Mais ça, je le compris bien trop tard. Je l’accompagnais dans la base militaire, je découvrais l’univers de l’armement, les stratégies de guerre, le genre de choses dont on considère une femme trop sotte pour le comprendre. Ayant une mémoire éclectique sans m’en rendre compte, j’apprenais avec une rapidité hallucinante, lisant tout ce qui pouvait passer entre mes mains. De cette petite enfance, j’en garde de bons souvenirs.

Quand il ne fut plus possible de dissimuler la supercherie de mon genre une fois l’adolescence atteinte, je fus placée dans un couvent de jeunes filles pendant que mon père repartit sur les champs de bataille. Autant dire que je vécus les pires moments de ma vie. Je connais la rigueur militaire, cependant celle des religieuses me faisait sortir de mes gonds de nombreuses fois. Ne tenant pas en place, je semais le trouble et la zizanie, faisant un sourire sur les lèvres de mes camarades. Il m’arriva de me battre avec certaines d’entre elles pour des raisons dont je fais abstraction.(Crêpages de chignon, vol d'affaires personnelles, coups bas, tout était prétexte à embêter ces harpies vautrées aux pieds de la mère supérieure pour obtenir ses louanges) Je fus évidemment renvoyée au bout d’un certain temps, au grand dam de mon père qui me laissa séjourner seule dans sa demeure pendant qu’il repartait batailler. Pour me passer le temps, je lisais, énormément, ne cessant de m’instruire. C’est ainsi que je découvris les terres dont je suis originaire : l’Irlande, pays du peuple celtique. Mon père m’en avait déjà parlé, à de nombreuses reprises. Le déclic se fit à partir du moment où je découvris toute son histoire, et pas uniquement celle de mes ancêtres. Je n’avais qu’une idée en tête : y aller.  

Adulte, la jeune femme de la noblesse d’épée française que j’étais n’avait pas d’autre choix que de se marier. Mon père comprit à son insu que je n’étais pas ce genre-là. M’amouracher d’un homme, rêver d‘une famille nombreuse, clairement pas mon objectif. Je me fis prendre au piège, pourtant, par cet homme qui me semblât prêt à réaliser mes rêves de jeune fille, promettant de m’emmener en Irlande en lune de miel. Quelle erreur. A peine avais-je dit que l’Enfer commença.
1745. Année de mes vingt et un ans. Une année après mon mariage, celle où je perdis mon père sur le champ de bataille. Autant dire que les treize années de vie commune avec mon mari furent les pires. Je savais parfaitement me défendre, mais face à la violence extrême de mon mari, je me retrouvais très souvent avec nombres bleus et ecchymoses sur le corps et comprit à mon insu les terribles conditions de la femme. N’allez pas croire que je me laissais frapper : les marques de mes griffes se retrouvaient également sur mon corps. Un coup pour un coup. Le sang gicla quelque fois, ce qui ne nous empêchait pas de nous battre à nouveau quand l’occasion se présentait.  Je ne supportais pourtant pas cette société qui matait les femmes comme de vulgaires objets d’ornements : Tout était passé sous silence et excusé pour le mari. Si la femme agissait comme telle de son côté, sa réputation s’en retrouvait détruite. Mon père n’aurait jamais laissé un homme me faire du mal, cependant n’était plus là pour me défendre.
J’eus quatre enfants ; autant vous dire que tous ne furent pas de mon mari. Allons dont, s’il était libertin, pourquoi pas moi ? Au diable les rumeurs et la pensée de chacun, si je pouvais me faire jeter, ce serait d’autant plus simple ! Je n’avais rien d’une bonne mère, et pourtant je fis des efforts pour mes enfants. Cela ne stoppa nullement ma soif de liberté et de fuite de cette vie qui m’anéantissait jour après jour. Je me sentais dépérir et mourir sans avoir réellement vécu. Pour combler ce mal, je tombais dans les bras des hommes de passage chez nous, que mon mari soit présent ou non. Je le savais déjà dans les bras d’une autre femme pour sa part, il ne me surveillerait pas. C’était si simple. Il fallut que l’un d’eux parle trop, et s’amourache, me proposant un ticket pour l’Irlande. Direct, comme ça. Me décider fut rapide. Je m’enfuis avec lui, en pleine nuit, récupérant au passage les économies que mon père m’avait laissées, volant un peu d’or à mon mari en compensation pour ces treize années d’enfer et je pris mon envol. Qu’il me cherche ou me poursuive : je n’en avais que faire, au contraire, je l’attendais avec impatience. Après tout, je savais me battre, il en avait déjà fait les frais dans la chambre nuptiale à maintes reprises.

1759. Quelques semaines après mon échappatoire, je foulais pour la première fois de ma vie la terre irlandaise. Ce fut comme vivre un rêve éveillé : tout ce qu’on m’en avait dit était vrai alors. Mentant sur mes origines, les trompant par un faux accent, je pus fouler les terres d’un pays qui m’avait tant fait rêver. Je voulais partir à la recherche de mes ancêtres, marcher sur le sol de batailles victorieuses des royaumes maintenant oubliés. Enfin, pas par tout le monde.
Je rencontrais un soir cet homme à qui je parlais, assise dans la brasserie d’Arthur Guinness, qui nous présentait avec amusement sa nouvelle boisson, ce « black stuff » bien connu sous le nom de Guinness. A l’époque, ce n’était que sa spécialité, le brasseur bien loin de s’imaginer que sa boisson gagnerait en popularité 250 ans plus tard !
Parlant à cet homme, j’ignorais que je venais de tomber sur Muirchertach mac Néill, un de mes ancêtres. En même temps, vous y croiriez, vous à l’existence d’un membre de votre famille des siècles après sa prétendue mort ? J’étais à deux doigts d’imaginer la vie qui m’attendait.

Muirchertach fut celui qui me transforma en vampire. Je lui avais fait bonne impression et j’étais de la famille, deux raisons qui le poussèrent à agir ainsi. Bon nombre des O’Neill avaient terminé vampires avant d’en périr avec l’inquisition. Les vivants n’échappèrent pas à l’invasion anglaise qui les détruisit un par un. A travers moi, Muirchertach avait vu en moi un moyen de reconquérir la terre de nos ancêtres en chassant les anglais du territoire, ou du moins en redonnant les droits aux Irlandais. Le parlement protestant régissant les lois pour catholiques étaient bien réel.  Et injuste.
Durant les décennies qui suivirent, marquant la fin du siècle, je les passais en compagnie de mon sire. De lui, j’appris tout : l’existence d’une dynastie que je n’aurais pu imaginer, la découverte des territoires nous ayant appartenus, nos légendes, nos batailles… Muircherbach était un grand guerrier, nous n’eûmes aucun mal à nous entendre.
A travers ses yeux, mon âme de révolutionnaire s’éveilla. Les anglais n’avaient rien à faire ici, cette Terre ne leur appartenait. Que l’on s’entende bien sur une chose : bien que je sois née en France, je ne me sens pas du tout française. J’ai l’âme d’une irlandaise.
Une fois capable de contrôler ma nature, et capable de camoufler mes traces à chacun de mes repas, je pris part aux différents soulèvements de l’Irlande envers la couronne anglaise, me battant aux côtés de miens pour notre liberté. Quand la haine vous coule dans les veines, la culpabilité de boire le sang finit par disparaitre… qu’on se le dise entre quatre yeux : jamais je n’ai tué un irlandais, jamais. Les anglais furent les seuls à finir en guise de repas, à mon grand plaisir. Les officiers anglais avaient suffisamment de sang irlandais entre leurs doigts, j’allais leur rendre la monnaie de leur pièce. Être vampire me permettait d’allier repas et vengeance : ainsi, quand la famille dissémina la population irlandaise, je fis de même pour les anglais. Histoire d’équilibrer un peu.

Il fait bon vivre en Irlande vous savez. Parfois, il m’arriva de passer une ou deux fois en France pour surveiller d’un œil aguerri ma progéniture, pour savoir, ce qu’ils étaient devenus. Ils ne pouvaient pas me revoir, jamais, de peur qu’ils me reconnaissent. Alors j’observais, au loin pour savoir s’ils allaient bien. Est-ce que je regrettais de ne pas être restée avec eux, est ce que la culpabilité me rongeait le cœur d’être ce que j’étais ? Non. Si au début cela avait été le cas, et je pense que c’est le cas pour une personne normalement constituée, maintenant, je suis intraitable. On m’en a fait baver toute ma vie humaine durant, cette période était terminée.
J’eus un jour envie d’aller en Amérique, de visiter cette terre promise où bon nombre d’Irlandais fuyaient la misère dans l’espoir d’avoir une nouvelle vie une fois arrivés là-bas. On ne cessait de vanter les louanges de ce pays, autant aller voir cela de plus près n’est-ce pas ? J’ai pris le Titanic, ayant réussi à dérober les billets à ma proie du soir. Rassurez, c’était un anglais. Autant vous dire que ce fut une chance inespérée que le bateau coule en pleine nuit.

Les Etats-Unis, comment dire, une période très sympathique également. Je participais activement à la prohibition, trempant dans le trafic d’alcool en repérant les clients potentiels, devenue danseuse de cabaret. Ces hommes n’avaient pas changé au fil des années toujours aussi niais et gaga de ses dames, quand ils ne se montraient pas violents et les frappaient avec force. De ceux qui ont tenté le coup avec moi, ils sont devenus des repas inattendus. Même si je n’avais pas soif, ce n’était que question de principe. Les connards de ce genre n’avaient pas la chance de pouvoir vivre. Je n’ai jamais été une grande politicienne, ou du moins n’ai jamais aspirée à un poste haut gradé quand j’arrivais en ville et me présentait au maître du coin. N’étant en général que de passage pour au plus quelques années, au moins quelques mois, je n’avais pas de temps pour occuper un grade particulier. Rien ne m’attachait à un endroit en particulier, je vivais au jour le jour, me posant rarement plus de dix ans au même endroit. Voyez, quand on remarque que vous ne vieillissez pas, cela peut poser quelques soucis.
1933. Retour en France. Je vis la seconde guerre mondiale de près, protégeant ma famille de l’envahisseur allemand cette fois, puis occupait mon temps à visiter ce bon vieux continent européen, changeant fréquemment d’identité pour me passer d’une frontière à l’autre. Ma mémoire éclectique m’a permis d’apprendre de nouvelles langues assez rapidement, et puis, étant vampire, autant dire que j’avais le temps aussi pour le faire. Je me découvris une passion sans précédent pour l’art, découvrit l’histoire de nations, m’instruisit… Je ne me rendis même pas compte que je venais de passer les deux cent ans, c’est dingue ! Tellement à faire et voir dans ce monde… c’est incroyable. Je finissais toujours par revenir sur l’île irlandaise, comme un appel au pays. Il fait bon vivre là-bas. Le temps peut y être rude, ses habitants n’en sont pas moins chaleureux et accueillants.
Retour dans le continent américain pour de nouvelles aventures. J’eus envie de changer d’air, sachant pertinemment que l’Irlande m’appellerait de nouveau dans ses bras un jour ou l’autre. En attendant, je venais tout juste d’arriver à Shreveport.

[Suite dans Ticket for Pandemonium]