Je me baladais dans Stoner Hill, un quartier à la réputation plus que méritée. On m’avait déjà proposé toutes sortes de drogues ou offert d’entrer dans des bars où je pouvais deviner à travers le rideau les corps presque nus de femmes dansant lascivement. Je ne recherchais rien de cela. Si je passais par ici, l’air de rien, c’est que je faisais l’appât. Si un vampire me tombait dessus pour m’attaquer, je n’aurais pas de meilleure excuse pour faire mon job et le tuer. Le fait d’être dans ce quartier me faisait sentir comme une sorte de justicière. La Batman de Shreveport, surveillant les citoyens et empêchant les agressions. Cela faisait une semaine que j’observais les ruelles mal famées de Stoner Hill, et j’avais déjà arrêté deux vampires attaquant des jeunes femmes. Un bruit me coupa dans mes pensées :

-Psst !

Quelqu’un me faisait signe dans une allée transversale. Une fille d’une quinzaine d’année, sur le pas de la porte de derrière d’un des nombreux clubs de strip tease. Je me rapprochai d’elle.

-C’est vous qui vous occupez des vampires qui attaquent les gens ?

Autant pour ma réputation… Dire que je voulais passer incognito. Si on commençait à me reconnaître dans la rue, les flics ne seront pas longs à me trouver. Je notais dans un coin de mon esprit de faire quelque chose pour ça et fis signe à la fille que oui. J’étais curieuse de savoir ce qu’elle me voulait. Elle pointa du doigt un homme qui sortait du club par l’entrée principale. En quelque mots, elle m’expliqua que l’homme était un vampire qui l’avait agressé la nuit dernière et qu’elle ne voulait pas appeler la police parce qu’elle avait seize ans et était strip teaseuse et employée irrégulièrement.
Je m’étais donc mise en chasse. Pour joindre l’utile à l’agréable, j’avais commencé par le draguer, lui proposer ma gorge pour ensuite l’achever avec mon couteau. Mais l’idiot avait fui ! Il avait dû sentir que j’allais sortir une arme.
Il courrait vite le bougre. Même avec mon entrainement, j’avais du mal à le suivre. Je sortis une arme à feu. Un petit pistolet automatique. Je n’utilise habituellement que des armes blanches, mais d’aussi loin, jamais je ne pourrais le toucher en lançant mon couteau. Je m’immobilisai, le mis en joue, tirai. Mais il disparut au coin de la rue. Je n’étais pas sûre de l’avoir touché. Je le pourchassai jusqu’à un parking.
Dans l’obscurité du parking où presque toutes les ampoules des lampadaires étaient grillées, je n’y voyais pas grand-chose. Je zigzaguais entre les voitures, cherchant le vampire du regard. Je l’entendis crier. Il était au fond.

-MADAME CORLEONE ! AU SECOURS !

A qui parlait-il ? Ce nom me rappelait quelque chose. Corleone. Lucian Corleone ! C’était le vampire mafieux du coin. Pas une petite frappe comme j’en avais coincé depuis que j’étais à Shreveport. Non, le bon gros mafieux, le Al Capone que la BRIS n’arrivait pas à attraper. Un membre de sa famille était-il ici, sur ce parking ?
Je pouvais m’occuper facilement du vampire, mais si un Corleone était là, ce n’était pas bon pour moi. Soit je me faisais dépasser par deux vampires et ils me tuaient, soit je les tuais et le reste des Corleone me tomberont dessus avant la fin du mois.
Je m’avançais à la lumière d’un porche. Le vampire était là, à dix pas ! Je m’apprêtais à tirer une seconde fois, mais… Il n’était pas seul.

Spoiler:

Laure avait eu une semaine plutôt chargée, et c’était peu de le dire. Il s’était passé tout un tas de trucs étranges et elle avait été contente de se plonger à fond dans le boulot tout en étant plus sereine qu’il y a quoi…Ah, déjà trois semaines. Dingue comme le temps passe vite.
Elle avait été chargée de transporter des cadavres à la société de thanatopracteurs qui travaillait en collaboration avec la BRIS, parce que les frigos de l’hôpital et de commissariats étaient pleins et que l’odeur dans le couloir commençait à filer la nausée à tout le monde. Laure en avait donc embarqué trois dans son Hummer et s’était rendue à Stoner Hill, un chemin qu’elle connaissait assez bien.
Elle avait frappé à la porte en arrivant, et on avait mis assez de temps à venir lui ouvrir pour qu’elle s’acharne une seconde fois. « C’est l’facteur ! » s’exclama-t-elle quand Min-Hee ouvrit la porte, mais l’employée n’avait visiblement pas trop envie de rire. Un truc clochait ? Peut-être le surmenage. Ils étaient tous un peu victime dans l’administration, pour le moment. « Il faudrait trois brancards pour les transporter, vous me filez un coup d’main ? » Elles allaient entrer pour chercher le matériel quand un coup de feu retentit, suivi d’une exclamation des plus…Déroutantes. « MADAME CORLEONE ! AU SECOURS ! »
Okey.
Respirer, rester zen.
Un vampire que Laure identifia pour l’avoir déjà vu au Lilith Castle arriva en trombe sur elle. Elle sortit son arme de son holster de taille et commença par le viser, avant de comprendre qu’il était poursuivi en voyant son air terrifié. Elle fronça les sourcils alors qu’il le dépassa pour se cacher derrière son véhicule, et qu’une jeune fille apparut dans la lueur d’un lampadaire. Elle portait une arme, ce qui était sûrement la source de terreur du vampire. Immédiatement, le flingue de Laure se pointa sur la nouvelle venue. Déformation professionnelle oblige, même les gamines qui ont l’air d’avoir dix-huit ans maximum sont suspectes, surtout quand elles ont une arme. « Eh ! Vous la, Marshall Fédéral ! Lâchez votre arme immédiatement et avancez vers moi en levant les mains ! Bien en évidence ! » s’exclama-t-elle, le bras tendu sans trembler. Elle ne quittait pas la fille du regard, mais prit quand même le temps de beugler : « Rossini ! Ramène ton cul ici que je te l’explose, connard ! Appelle moi encore une fois comme ça et tu vas comprendre pourquoi certains m’appellent la Mort ! »
Ca faisait tout de suite moins officiel.

Spoiler:

« Allons, allons.. Regarde-moi l’état dans lequel tu t’es mise.. Je vais arranger tout ça, tu vas voir.. On va te rendre magnifique. Qu’est-ce qu’on t’as fait, ma pauvre.. » C’était habituel, chez Min-Hee, de parler à ses clients. Oui, même s’ils étaient morts.. Et, justement, le cas sur lequel elle devait travailler était très intéressant. Naturellement, elle avait parcouru le dossier qui avait accompagné la demoiselle. Et naturellement, elle avait froncé les sourcils en lisant les résultats de l’autopsie.. Et après l’avoir déshabillée, Min-Hee n’avait pas pu s’en tenir aux conclusions.. Depuis quand une victime de vampire portait des blessures par balles ? Certes, elle n’était pas médecin légiste, mais elle avait tout de même des notions en médecine légale.. Et elle ne pouvait clairement pas laisser passer une telle faute professionnelle. La main sur le téléphone, toute prête à signaler ce léger « problème » on toqua à la porte du cabinet. Et Min-Hee pesta légèrement. Tout d’abord, elle décida de ne pas aller ouvrir. Elle n’était pas là pour faire standardiste et elle avait encore une montagne de boulot. Son patron devait sûrement la prendre pour un robot, ou quelque chose comme ça, au vu du nombre de macchabés qu’elle devait rendre présentables.. Elle n’avait donc vraiment pas le temps pour jouer un autre rôle que le sien..

Cependant, un second coup fut toqué à la porte et Min-Hee s’en retrouva particulièrement agacée mais céda et alla ouvrir, pour se retrouver face à Laure. « Oui ? » lâcha l’asiatique un peu trop froidement, arquant un sourcil face à la « blague » que lui fit la femme. Non, elle n’avait pas envie de rire. Elle avait juste envie de rentrer chez elle, de prendre une longue douche puis de s’affaler dans son canapé et de ne plus en bouger. Et lorsque Laure ajouta qu’il fallait trois brancards, Min-Hee soupira franchement. « Encore ? Mais tout le monde meurt dans cette ville ou quoi ? Suivez-moi. » Alors que la jeune femme était sur le point de faire entrer l’Exécutrice, un coup de feu la fit violemment sursauter. Elle avait beau travailler à Stoner Hill, elle n’arrivait toujours pas à s’habituer à.. ça. Mais le plus étrange restait à venir, lorsqu’un vampire déboula et hurla quelque chose qui bloqua quelque peu Min-Hee. Son regard glissa sur Laure, puis sur le vampire et l’espace de quelques secondes, la thanatopractrice se demanda ce qui clochait dans cette foutue ville de dingues..

Nouveau sursaut lorsque Laure sortit son arme. Min-Hee n’était pas très à l’aise en présence de ces petits joujous.. Et puis, une jeune femme fit son apparition à la lueur des réverbères et la médium se crut dans un mauvais film d’action.. En gros, en très gros, Min-Hee ne savait franchement pas où se foutre. Elle avait cette envie de retourner se mettre bien à l’abri auprès de sa cliente qui attendait sa mise en beauté.. Mais l’air profondément effrayé du vampire la poussa à aller vers lui. « Ça va aller.. » lâcha-t-elle doucement, juste avant que Laure ne se mette à lui crier dessus. Min-Hee ouvrit la bouche, puis la referma, comme un poisson hors de l'eau. Elle ne savait tout simplement pas quoi faire mais osa néanmoins un léger « Il est confus, je crois.. Vous devriez.. Enfin.. Calmez-vous.. C’est.. C’est lui la victime, dans l’histoire, nan ? » Bravo Sherlock.. Là, clairement, elle avait envie de se faire la plus petite possible..

Spoiler:

Je déboulai à la lumière, visant le vampire à dix pas de moi. Trop concentrée sur le viseur de mon arme – j’étais définitivement moins à l’aise avec un flingue qu’avec une lame – je ne vis qu’au bout de quelques secondes qu’il n’était pas seul. Une asiatique se tenait dans l’encadrement d’une porte ouverte. Frêle, elle n’avait pas l’air d’être une menace pour moi. C’était l’autre personne qui m’inquiétait. Elle était athlétique, grande et musclée. Mais surtout, elle avait dégainé une arme et me tenait en joue.

-Eh ! Vous la, Marshall Fédéral ! Lâchez votre arme immédiatement et avancez vers moi en levant les mains ! Bien en évidence !

Oh oh. Je pensais que je me ferais repérer et que les ennuis arriveraient vers moi, mais jamais que je me jetterais dans les bras de la BRIS. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Fuir, attaquer les forces de l’ordre ? Dans un cas, j’avais une chance infime de m’en sortir, si je courrais suffisamment vite. Dans l’autre aucune : soit je tuais la flic et toute la force armée de Shreveport me tombait dessus, soit c’est elle qui me tuait.
Sans que me quitter des yeux, la Marshall cria au vampire :

-Rossini ! Ramène ton cul ici que je te l’explose, connard ! Appelle-moi encore une fois comme ça et tu vas comprendre pourquoi certains m’appellent la Mort !

Ainsi, elle connaissait le vampire en question. Même si elle s’adressait à lui d’une façon très peu amicale, c’était moi qu’elle visait et pas lui. Enfin, cela faisait peut-être sens, puisque je lui courrais après et pas l’inverse. Au moins, je n’avais pas à faire à la famille Corleone. Ce qui était un réel soulagement. Me faire repérer par des vampires mafieux aurait été très mauvais pour mes affaires et surtout pour ma vie.
Sans bouger, j’avais toujours le vampire – Rossini – dans mon viseur, je hurlai à mon tour.

-Un Marshall qui protège un vampire ?! Il a attaqué une gamine hier !

Je n’étais peut-être pas une chasseuse exemplaire, loin de là, mais j’essayais de ne tuer que les CESS qui agressaient les humains. Et je n’aimais pas les chasseurs laxistes. Ma famille était elle-même plutôt extrémiste. Son crédo : en cas de doute, pas de doute. C’est-à-dire : si t’es pas sûr de tes preuves, tire quand même.
Je fis un pas en avant.

-Si tu abats pas cet enfoiré, c’est moi qui le ferait !

Spoiler:

Min-Hee n’avait pas tort, Laure aurait dû se calmer mais ce n’était pas franchement dans son tempérament. « Ouais, la victime. C’est clair que s’il continue de m’appeler comme ça, il va devenir une putain de victime. » dit-elle, un peu plus calme. Voyant que Giacomo était aux mains de la thanatopractrice, Laure se concentra sur la menace imminente. « Un Marshall qui protège un vampire ?! Il a attaqué une gamine hier !» Laure arqua un sourcil et, par réflexe, faillit tourner la tête vers le vampire en question. Heureusement, elle ne le fit pas et garda l’inconnue dans sa ligne de mire. « Si tu abats pas cet enfoiré, c’est moi qui le ferait ! » Parce que c’était son boulot, et aussi parce qu’elle risquait de toucher Min-Hee, Laure se plaça dans la ligne de tir de la gamine. « Tu sais que le meurtre est un crime ? Un vampire est un citoyen américain comme n’importe quel autre. Je vais déjà t’arrêter pour tentative de meurtre, tu veux aggraver ton cas ? Maintenant tu vas baisser ton arme, la poser au sol et mettre les mains en l’air bien en évidence. » ordonna-t-elle, mais ce qu’avait dit la fille l’intriguait. Ca ne ressemblait pas à Giacomo d’agresser quelqu’un, ou du moins d’agresser une femme. C’était un italien, qui avait certaines valeurs. Laure n’était pas son amie mais elle le connaissait assez pour se méfier de ce genre d’accusation, surtout par les temps qui couraient. « Est-ce que vous voulez bien rentrer, tous les deux ? » demanda Laure en s’adressant à Min-Hee. Elle craignait que la situation dégénère et elle préférait mettre les deux civils à l’abri, le temps qu’elle appréhende la suspecte. « Tu as l’habitude de prendre tout ce qu’on te dit pour argent comptant ? » demanda-t-elle en avançant vers elle, sans la quitter des yeux ni même de son flingue. «Sans preuves ? Cette fille t’a peut-être menti pour le piéger, ça ne t’es pas passé à l’esprit ? »

Spoiler:

La Marshall se contrôlait parfaitement. Non seulement elle ne réagit pas à mes paroles, mais elle se mit entre le vampire et moi, me bloquant ma fenêtre de tir. D’instinct, je baissai légèrement mon arme, ne voulant pas blesser une humaine, et encore moins un flic.

-Tu sais que le meurtre est un crime ? Un vampire est un citoyen américain comme n’importe quel autre. Je vais déjà t’arrêter pour tentative de meurtre, tu veux aggraver ton cas ? Maintenant tu vas baisser ton arme, la poser au sol et mettre les mains en l’air bien en évidence.

Je serrai les poings autour de mon flingue. Le gouvernement américain avait été idiot de régulariser la situation des CESS. Enfin, surtout celle des vampires. Je n’avais rien contre la plupart des médiums et autres sorciers. Ils étaient humains et certains d’entre eux m’avaient déjà sauvé la mise ou aidé ma famille. La majorité des lycans et méta restaient entre eux, et ils étaient humains la plupart du temps. Mais les vampires… Ils se mêlaient à la population, infiltraient toutes les couches de la société… et ne pouvaient résister à leur nature sauvage.

-Tu as l’habitude de prendre tout ce qu’on te dit pour argent comptant ? Sans preuves ? Cette fille t’a peut-être menti pour le piéger, ça ne t’es pas passé à l’esprit ?

Je ne pouvais pas renier 20 ans de conditionnement chez les chasseurs. J’avais été façonné de cette manière. J’avais été entrainé à penser comme cela. J’avais baigné dans cet environnement de haine pendant 20 longues années. Ce n’était pas 5 années d’errance, où j’avais constaté au plus près la nature des vampires, qui allaient me faire changer d’avis. Je relevai fièrement la tête.

-« En cas de doute, pas de doute. » C’est la devise des miens, les Ludwiczack. Jamais je ne ferai passer la vie d’un vampire devant celle d’un humain.

La Marshall commençait à avancer vers moi, mais j’étais trop occupée à calculer mes chances d’atteindre le vampire. Si je faisais une roulade sur le côté et que je lançais mon couteau, toujours dans son étui dans mon dos, je pourrais certainement l’atteindre. J’avais plus de chance avec mon couteau en argent, qui le blesserait même en effleurant le vampire, qu’avec mon simple pistolet. Et j’avais toujours préférée les lames aux flingues.
Je me préparai à rouler et glissai la main gauche dans mon dos pour atteindre le couteau, la main droite toujours serrée sur mon flingue.

Spoiler:

-« En cas de doute, pas de doute. » C’est la devise des miens, les Ludwiczack. Jamais je ne ferai passer la vie d’un vampire devant celle d’un humain. » A une époque, Laure pensait pareille que cette gamine. Elle avait été endoctrinée par son coéquipier, un vieux flic un peu taré qui était chasseur dans l’ombre. Puis elle avait commencé à penser par elle-même quand elle l’avait surprise à tuer une gamine qui venait de se faire mordre par un loup-garou. Sans raison. La fille n’avait attaqué personne, elle était la victime…Et elle avait été tuée. Ça avait poussé Laure à se demander qui était le véritable monstre, dans l’histoire. Puis elle avait rencontré des vampires qui lui semblaient tout à fait normal en dehors de leur immortalité. D’autres CESS. Elle avait découvert que son sixième sens était un pouvoir médiumnique. Que son fiancé était un sorcier. Ouais, beaucoup de choses avaient changé dans sa vie à cette époque. « Je sais pas qui t’a foutu des conneries pareilles dans le crâne ma petite mais… » Laure s’interrompit, parce que sa vision se brouilla. Le futur se superposa à la réalité. Min-Hee et le vampire n’avaient pas encore bougé, et elle vit la gamine s’emparer d’un couteau, le lancer et toucher le vampire. Une précision mortelle, elle n’allait pas rater le cœur et allait même pousser Laure, profitant de l’effet de surprise, pour rejoindre ce qu’elle prenait pour un monstre et le finir. Elle vit Giacomo tomber en poussière. Puis le présent reprit ses droits. Elle surprit le mouvement de la gamine et pu le déjouer, juste à temps. Elle lâcha son arme et lui sauta dessus, interrompant son geste. Effet du sang de Lucian qui coulait encore dans ses veines ? Effet de la bague enchantée qu’elle portait depuis des années et qui multipliait ses capacités physiques ainsi que sa régénération ? Sans doute les deux à la fois. Pour des yeux humains, elle se déplaça un peu trop vite. Elle lui attrapa le poignet et le lui tordit. Evidemment la fille se défendit, mais Laure joua de sa force, la fit tomber en mettant sa jambe derrière elle et la plaqua sur le sol. Dos contre le sol, avant-bras plaqué contre sa gorge. « Putain c’est quoi ton problème gamine? Je t’ai dit de ne rien tenter, alors ton couteau tu le laisses là où il est ! » Elle n’avait pas vu la lame, ailleurs que dans sa vision. La gosse était bien équipée, ce qui impressionnait l’Exécutrice. Et pas dans le bon sens. Elle allait avoir deux mots à dire à ses vieux. « Ah ouais c’est le moment du baratin légal…Putain. Bon, vous êtes en état d’arrestation vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous devant un tribunal. Vous avez droit à un avocat, si vous n’en avez pas les moyens vous en aurez un commis d’office. Bon, si je te relève tu me suis gentiment et tu arrêtes de vouloir buter notre pote le vampire ou il faut que je te casse les deux bras ? » Chose qu’elle n’allait pas faire, parce que c’était interdit par la loi –oui c’était la seule raison. Mais bon, elle n’était pas censée le savoir.

J’étais prête. Mortellement prête. Dans un instant, et peu importe ce que racontait la Marshall, j’allais m’élancer et tuer ce vampire.

- Je sais pas qui t’a foutu des conneries pareilles dans le crâne ma petite mais…

La voix de la flic se cassa. Mais je n’y prêtais aucune attention, trop concentrée sur ma prochaine action. Je bondis.
Et fut immédiatement coupé dans mon élan. La Marshall m’avait attrapé le poignet ! Impossible. Elle avait été rapide. Presque trop rapide. Comme si elle avait compris ce que j’allais faire. Je dégageai mon poignet, tenta par la même occasion de faire tomber mon opposante. Mais elle était trop forte. D’un coup puissant et rapide, elle me fit tomber. Avant que je n’aie pu esquisser un seul geste, elle me plaqua au sol. Elle me tenait fermement, les bras contre ma gorge, me laissant juste assez de souffle pour pouvoir respirer.

- Putain c’est quoi ton problème gamine? Je t’ai dit de ne rien tenter, alors ton couteau tu le laisses là où il est !

Impossible. C’était tout bonnement impossible. Avec mon entrainement intensif, j’étais plus vive que n’importe quel flic et presque aussi forte, malgré ma taille. Je savais me sortir de n’importe quelle situation, même en position de faiblesse. J’aurais du pouvoir lancer mon couteau sans aucun problème. Si la flic était rapide, elle aurait pu me toucher au dernier moment, et la lame n'aurait pas touchée le cœur, mais elle se serait au moins plantée dans l’épaule du vampire.
Mais être capable de déjouer mon attaque à la seconde même où je la lançais, c’était physiquement impossible. A moins de ne pas être soumis aux mêmes lois physiques que le commun des mortels.
Je retins un ricanement. Ainsi, les flics tueurs de CESS, ceux de la BRIS, chassaient leur race. Quelle ironie.
Elle me sortit le blabla des arrestations, le droit de garder le silence, avocat, etc, etc.

- Bon, si je te relève tu me suis gentiment et tu arrêtes de vouloir buter notre pote le vampire ou il faut que je te casse les deux bras ?

Je ricanais franchement cette fois. Elle pensait que j’allais obéir tranquillement ? Elle ne connaissait clairement pas les Ludwiczack.  Ce n’était clairement pas dans mon intérêt, mais peu m’importait. Je lui avais déjà donné mon nom de famille. Qu’elle m’embarque ou que j’arrive à m’enfuir, je serai dans ses fichiers. Et je n’avais pas l’intention de passer par la case prison.

- Je traite pas avec les CESS.

Dès la première occasion, je m’enfuirai. Mais j’étais patiente et je savais attendre mon heure. Je restais sagement allongée pour le moment.

Spoiler:

J’étais résignée à attendre le temps qu’il faudrait. Mais je réussirai à m’échapper. La flic commettra forcément une erreur, si petite soit-elle, que je saurai utiliser à mon avantage. J’aperçu du coin de l’œil une ombre passer derrière nous. Je me tins prête. Peut-être était-ce là ma chance. Ou des renforts de la BRIS.
Un coup de feu retentit. Je pouvais voir l’impact de la balle juste au dessus de ma tête, dans le mur. La flic, au dessus de moi, aurait dû se la prendre de plein fouet. Mais elle n’était déjà plus là. Elle avait évité la balle en roulant sur le côté. Encore une action impossible. Cette femme n’était définitivement pas totalement humaine. Mais je ne savais pas si elle était incroyablement rapide ou si elle savait ce qui allait se passer.
Je réalisais que j’étais libre. Je me relevai prestement alors qu’un second coup de feu tonna. J’espérai qu’il avait touché la Marshall. Je ramassai mon couteau à mes pieds, abandonnant mon pistolet que j’avais perdu dans l’assaut. Je courrais vers l’ombre que j’avais aperçu plus tôt, qui était aussi l’origine du coup de feu. Je me demandais qui cela pouvait être. Clairement, il n’était pas avec la flic. Mais je n’avais pas d’allié à Shreveport. Pas encore du moins.
Je jetai néanmoins un regard vers l’arrière pour m’assurer de la situation. Qui me stoppa tout net. La Marshall n’avait pas pris la balle, c’était le vampire qui avait été touché. Sans doute affaibli par la blessure, il s’attaquait à la quatrième personne sur les lieux, la jeune asiatique qui était sortie de l’immeuble.
Grognant, je fis demi-tour. Je ne pouvais pas laisser le vampire tuer quelqu’un. Je me rapprochais suffisamment pour être sûre de ne pas toucher l’humaine. A cinq pas de Giacomo, je lançai mon couteau de toutes mes forces. Il se planta dans la tempe du vampire avec un bruit sourd. Mon couteau était fiché dans sa tête presque jusqu’à la garde. Il glissa lentement sur le côté. Je pouvais être fière de ce coup.
Mais je n’avais pas le temps de m’en préoccuper. Le vampire était mort, la fille allait bien, parfait. Je repris ma course vers mon sauveteur. Mais j’avais perdu un temps précieux. Sans mon intervention, j’aurai pu m’enfuir sans aucun doute. Maintenant, je n’en étais plus sûre. Mais jamais je n’aurais pu laisser quelqu’un se faire attaquer sans réagir. Sauver ceux qui étaient en danger était toute mon éducation, toute ma vie. Tant pis pour ma petite personne, si je pouvais sauver quelqu’un, je le faisais.

Spoiler:

Mes semelles claquaient sur le béton, plus fort que je ne l’aurais souhaité. Je courrais le plus vite possible, ne sachant pas si la Marshall me suivait ou non. Je n’entendais aucun bruit de course derrière moi, mais je ne voulais pas prendre le risque de perdre quelques secondes de plus, qui pourraient se révéler précieuses. Peut-être que la flic était blessée. Ou, plus probablement, peut-être qu’elle s’occupait de l’asiatique. Elle ne m’avait pas paru être dans un état critique, mais je n’avais pas attendu pour en être sûre.
Au moment de passer devant une ruelle, une main m’agrippa mon bras, me freinant dans ma course si violemment que je crus que mon épaule se déboitait. Surprise, je n’eus pas le temps de me débattre avant que mon agresseur ne me maitrise. Il me colla contre le mur, une main sur ma bouche, m’empêchant de crier. J’essayai de me dégager, mais sa prise était trop forte. Une seconde passa. Il me regarda dans les yeux, comme s’il me demandait de lui faire confiance. Je pris ma décision en une demi-seconde. Oui, je lui faisais confiance. Pour le moment. Il s’agissait certainement de celui qui avait tiré plus tôt, me libérant.
Moins de deux secondes avaient passé. L’homme me relâcha, mais me prit par le poignet, m’entrainant silencieusement au fond de la ruelle. Elle débouchait sur une des artères principales de Stoner Hill. Il se fondit dans la foule. Je dégageai ma main, mal à l’aise de me faire tirer comme une enfant.  L’homme se retourna vers moi. Nous étions figés au milieu des passants, qui nous contournaient, l’air ennuyé.

- Vaut mieux bouger notre cul, surtout maintenant qu’elle connaît ta trogne gamine. Et arrête de te débattre, c’est moi qu’ai tiré sur l’agent pour te sauver le cul. Si j’voulais te buter ou si j’te voulais du mal, je me serais contenté de mater, ok ? Maintenant viens avec moi.

Il s’agissait bien du tireur. A présent sous la lumière des lampadaires, je pus détailler son visage avant qu’il ne reparte, m’entraînant vers un 4x4 noir. Il y avait quelque chose de militaire chez lui. Il était peut-être chasseur. La guilde entraînait ses chasseurs comme des militaires.
Il déverrouilla la voiture, m’incitant à monter dedans. Mais je n’avais qu’une confiance limité en lui. Il était assez fort comme ça pour que je lui donne en plus d’avantage d’un espace restreint qu’il maîtrisait.

-Si tu veux que je monte, donne-moi une bonne raison. Merci de m’avoir tiré de là, mais je peux me débrouiller maintenant.

Spoiler:

Mon sauveur eut un petit sourire, comme s’il appréciait que je ne me laisse pas faire. Mais il reprit très vite son air impatient. Il ne voulait pas rester dans les parages, c’était évident. Mais était-ce seulement pour mon bien ? Je le soupçonnais d’être lui-même recherché.  

- Non, tu peux pas. Tu comprends pas ? Les autorités connaissent ta trogne. Ils vont te traquer, et je sais que t’es toute seule dans le coin. T’a envie de finir en tôle, à ton âge ? Crois-moi c’est le genre d’expérience que t’a pas envie de connaître.

Il ne me croyait pas capable de me débrouiller seule. Il ne savait pas que les chasseurs de la guilde, comme moi, étions capable de disparaître s’il le fallait. Agir dans l’ombre était notre métier. Soit il ne me connaissait pas aussi bien qu’il ne me l’avait laissé croire, soit il ne savait rien de la guilde. J’allais lui demander de se présenter, mais il le fit de lui-même.

- Moi c’est Darren Hunter et j’ai une équipe de chasseur. Deux trois gars, on bosse à gauche, à droite, on s’occupe des CESS pour le moment. J’t’ai remarqué ya quelques semaines, t’as du potentiel.

Mentait-il ? Il était presque impossible qu’il m’ait épié pendant quelques semaines sans avoir remarqué mes petites manies, comme celle que j’avais de me faire mordre par les vampires que je chassais. En tout cas, j’avais raison, il ne faisait certainement pas parti de la guilde. Son nom ne me disait rien, il ne faisait donc probablement pas parti d’une des grandes familles de chasseurs. Et il "bossait à gauche, à droite" avec "deux-trois gars". Il ne l’aurait pas expliqué comme ça s’il était de la guilde. Non, il était probablement avec l’un de ces groupuscules extrémistes qui tuaient illégalement les CESS. Enfin, ma position et celle de la guilde n’était pas non plus légales. Mais nous avions un code, un honneur. Ces groupes, comme les Humains d’Abord qui faisait du grabuge à Shreveport en ce moment, n’avaient aucun mérite. Ils violentaient les CESS pour des mauvaises raisons. La guilde m’avait appris à ne chasser que les coupables, ce que je m’efforçais de faire, même aujourd’hui.

- Si ça t’tente, tu poses ton cul dans ma voiture. Si non libre à toi de courir dans la foule et de te démerder. J’t’oblige à rien. Juste une proposition.

- Nan, désolée, ça m’intéresse pas.

Je voulais m’expliquer, lui donner mes raisons, mais j’étais pressé. Et je ne voulais pas l’énerver. Il paraissait du type à perdre son calme rapidement. Je ne lui donnerai pas de raisons de me courir après. Je lui fis un signe et je disparus dans la foule.

Spoiler: