1994 – Samuel a sa première transformation à 15 ans.

1995 – Découverte des corps sans vie de ses parents, assassinés par des chasseurs.

1996 – Quelque part dans un trou du cul du monde des Etats-Unis.

Il se moquait du monde, il se moquait du diable. Une cigarette aux lèvres, la chasse n'avait plus qu'un goût de sang sur ses lèvres, dans sa gorge, recouverte d'un délicat fumet de goudron et de nicotine. D’un coup de pied distrait, il vérifia que le corps inerte à ses pieds était bel et bien sans vie. Il fumait à ses frais. Aux frais d’un assassin de créatures comme lui-même, le dernier assassin de ses parents se noyait dans son propre sang quelques secondes encore avant. Des traces de bulles sanglantes ayant éclatées aux commissures de ses lèvres témoignait de l’horreur qu’était le fait de sentir ses poumons s’emplir de sang malgré les secondes s’égrenant, sans aucun espoir d’appeler l’ombre d’un secours.

Mais aux yeux de celui qui tirait une nouvelle taffe de fumée, il ne faisait aucun doute qu’il méritait son sort… Après tout, le gamin de seize ans alors, avait découvert le corps de ses parents sans vie. Il avait pisté les assassins, s’attirant la colère de sa meute à l’époque, tant il s’était détourné d’eux, faisant preuve d’une obsession morbide qui aurait pu leur attirer des ennuis. Mais Samuel n’avait jamais été un grand amateur des règles, lorsque celles-ci lui paraissaient contre nature. Il s’était battu avec l’un des membres cherchant à lui imposer sa volonté, l’avait même tué, avant que l’Ulfric ne finisse par le chasser. Le laissant poursuivre sa course folle, se noyer dans sa soif de vengeance, pistant les odeurs, posant des questions… Il avait tué le premier un peu par accident, sans même imaginer qu’il le trouverait si facilement au bout d’une année. Le deuxième avait été un meurtre de sang froid pour lequel, dans la société humaine, il aurait mérité la peine de mort… Quand au dernier, il l’avait laissé venir à lui, jusqu’à ce lieu isolé, le poussant à le chasser. L’appât du gain avait été le plus fort, et surtout ce qui causa son propre trépas.

Brusquement, il s’inclina pour observer le corps sans vie d’un sourire narquois, après avoir éteint sa cigarette sur le tronc d’un arbre à côté de lui, puis de mettre le mégot dans sa poche. Déjà, il s’emparait d’une pince, écartant la mâchoire de l’homme de l’autre main, son pied venant prendre appui sur le buste pour empêcher celui-ci de partir avec les dents qu’il comptait bel et bien arracher pour empêcher toute identification si l’on venait à mettre la main sur le corps. Corps qui ne tarderait pas à jouer les feux de joie, avant d’être enterré, aussi loin que possible de ses dents.

Un léger sifflement frôlant ses lèvres, il commença sa besogne sans que cela ne semble véritablement lui déplaire. L'horreur ne le touchait pas. L'abomination de son acte ne lui semblait pas si terrible. Il n'agissait-là que pour protéger l'identité de la main de dieu qui avait accompli sa sentence divine au fond. Non, il ne croyait pas en dieu, mais qui pourrait le savoir s'il le clamait ?

1999 – à ... Il a maintenant 20 ans, après avoir passé 3 ans en tant que loup-solitaire, ou cabot comme certains l'appellent, il ne désire toujours pas rejoindre de meute. Il s'installe non loin de là où vivait Liam, le futur alpha de la meute de Shreveport, et a fait sa connaissance par hasard, après avoir raccompagné la compagne de ce dernier jusque chez elle.

Il n’était pas bien difficile de sentir la tension qui régnait dans la pièce, la petite fille qui dardait son plus joli sourire sur l’homme qui se tenait à côté de Meredith… Samuel quant à lui restait des plus nonchalants en apparence. Bien évidemment qu’il avait senti l’odeur du loup sur la jeune femme ainsi que sur sa fille, elle était bien trop forte et présente pour qu’il n’en tienne pas compte, et pourtant, il se tenait là, dans la cuisine de Liam comme s’il était un vieille ami de la famille, guettant le regard acéré du loup qui ne l’impressionnait pas une seule seconde. Peut-être qu’il était un peu taré dans sa tête, c’était une excellente éventualité, mais à côté de ça, on ne pouvait nier qu’il n’était pas le genre d’animal que l’on pouvait facilement négliger ; et le propriétaire des lieux en avait diablement conscience.

« Liam ! Je te présente Samuel, il a retrouvé Eden qui s’était éloignée sans prévenir, et a eu la gentillesse de me la ramener.
- Tu veux un autre cookies ? » demandait dans la même seconde la petite blondinette du haut de ses sept ans, en fixant de ses grands yeux bleus celui qu’elle voyait comme son sauveur.
« Je suis nouveau en ville, et je ne cherche pas la bagarre, j’ai juste rendu service. » répondit Sam en regardant le nouvel arrivant, un sourire ironique des plus agaçants, il en convenait. Mais il avait toujours eu ce putain de sale caractère qui le rendait finalement si dangereux. Et peut-être que c’était ce qui dérangeait Liam, plus que la domination alpha qui s’exilait de son être.

Ce qu’il était à même d’apercevoir dans le regard du loup qui lui faisait face, assis à califourchon sur sa chaise, dans sa propre cuisine. Pourtant, il était évident qu’il ne comptait pas s’en prendre à sa famille, bien au contraire. Car les prunelles de Samuel s’adoucirent lorsqu’il les baissa délibérément en direction de la petite fille… reconnaissant tacitement par ce geste la position de dominant de Liam en ces lieux, ces terres.
« Merci. » glissa-t-il en tendant une main d’un geste délibérément plus lent pour montrer qu’il n’était pas là dans un but agressif.

Les deux loups s'étaient alors jugés, sachant tous deux être de puissance similaire, mais Sam n'était pas là pour se battre, ni même s'imposer, aussi a-t-il simplement offert sa gorge à Liam ce jour-là, reconnaissant, que chez lui, il était le dominant. Ils sont devenus amis, et lorsque Liam a découvert sa compagne assassinée, il a eu son soutient plein et entier. Y compris dans la reconquête du rôle d'Ulfric qui lui revenait de plein droit de par son sang. Mais ce frauduleux respect qui poussa Sam à le suivre dans sa meute, fut cette abnégation de son propre désir pour protéger les siens... et son meilleur ami.

Si l'ancien cabot n'a jamais glissé franchement la réalité, il est évident qu'il ne trahira jamais l'ulfric de son plein gré, ni même contre son gré en vérité, et qu'il protégera ad vitam eternam, même si cela devait lui coûter la vie, son chef et sa fille... prenant naturellement le rôle de Skoll au sein de la meute ; exécuteur, et garde du corps à ses heures perdues.

2012 – Shreveport.

Le monde s’était teinté d’horreur ces deux dernières années, et le skoll déconneur que j'étais, avait montré plus de froideur et d’efficacité que jamais, obéissant avec une précision fidèle à son ulfric ; le mien. Et ce même si l’alliance avec les vampires m'avait semblée presque contre-nature, le loup, autant que l'homme au fond de mes entrailles n’arrivant à leur faire confiance. Néanmoins, Liam savait sûrement ce qu’il faisait, aussi n'ai-je pas relevé, appliquant simplement les ordres en laissant mes oreilles et mes yeux à la disposition de la situation. Et effectivement, cela avait été le cas, voir même la chose inévitable pour survivre. Même si à ce jour, je n’étais pas mécontent que mon ulfric décide de ne pas rester un larbin des vampires, de nous faire rester entre leurs pattes cadavériques un peu trop longtemps. Mais je n’aurais jamais pensé le contraire de l’homme qui s’était dressé comme le protecteur de sa meute… sinon son geste d’antan n’aurait servi à rien, et cela ne lui ressemblait pas.

Le loup-garou... autrement dit moi, m’étirais subitement, lassé de rester assis sur mon tabouret, ma bière à peine entamée persistant à me faire de l’œil sur la table où je l'avais posée. Je n’avais jamais vraiment aimé rester longtemps enfermé, et devoir surveiller qu’il ne se passait rien de mal… quand il ne se passait rien, était d’un ennui mortel à tuer un poulet. Même si j'adorais ces lieux… le Lunatic correspondant presque à ma deuxième maison, je n'étais pas féru d'inactivité. D'autant plus qu'il n'y avait même pas de proie que j'aimerais séduire ce soir. Mortel.

Je n’avais sous les yeux qu’une Eden qui cherchait à rendre fou son père. Détail qui étira mes lèvres en un sourire moqueur. La gamine avait bien grandi depuis sept ans, mais je n’arrivais pas à la voir autrement que comme la petite fille d'autrefois, alors la voir comme une femme était tout simplement impossible. Je l’imaginais plus comme une petite nièce sur laquelle je veillais l’air de rien, sans qu’elle ne le remarque vraiment, ne lui collant en aucune manière aux basques.

Sautant finalement sur mes pieds avec souplesse, je pris la direction de la porte pour aller faire un tour dans les environs et me dégourdir un peu les pattes. Un dernier regard en arrière, croisant celui de l’ulfric et le lycanthrope que j’étais quittait le café pour humer l’air frais de la nuit. Les vapeurs soporifiques des grandes villes ne m’avaient jamais manquées, tout comme la Nouvelle Orléans se trouvait à des années lumières de mon existence présente. Il n’y avait là plus aucun rapport, j’avais grandi, évolué dans un univers sans le soutien d’une meute, et il n’avait suffit que d’un loup pour que je finisse par en rejoindre une nouvelle. La réalité aurait sans doute fait sourire mon ancien Ulfric, mais il se dévorerait les doigts s’il connaissait la fidélité et le soutien que j’offrais à un loup tout aussi dominant que le mien.

Mais les vapeurs de grandeurs ne m’étouffaient pas plus que la bête avide de sang qui se tapissait au fond de mon être, bougeant derrière mes prunelles à la manière d’un fauve se roulant dans l’herbe. On ne me contrôlait pas ici, j’avais accepté la situation de mon plein gré, endossant une position non négligeable dans la meute, sans en être pour autant décisionnaire, et cela nous allait à tous les deux. L'animal au fond de mes tripes était dominateur et joueur, tout comme je l'étais, mais possédait cette part sombre qui nous alliait dans l'adversité. En vérité, j'avais grandi avec l'animal, bien avant ma première transformation, il était déjà là, endormi, influençant mon être comme jamais.

Et cette nuit comme tant d'autres, je laisserais l'obscurité me porter, pour le meilleur comme pour le pire.