« Et tu te souviens de rien du tout ? »
« Non, rien. »

Mensonge. Son regard était fuyant, elle savait qu’elle mentait et Letha savait qu’elle savait, elle se leva attrapa la bouteille de true blood sur la table et sorti sans demander son reste. Dehors, l’air était glacé mais ça n’avait plus d’importance désormais, elle décapsula la canette et pris une gorgée, elle grimaça mais s’obligea à en prendre une seconde.
Si elle se souvenait de tout, mais si elle continuait de prétendre que non, peut être alors, son cerveau effacerait-il les images.
On lui a volé son existence, à 17 ans un être abjecte est entré dans sa vie, est entré dans sa tête et n’en est plus ressorti pendant trop longtemps.

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Elle était en Angleterre, elle rayonnait. C’était pas la première fois qu’elle voyageait, c’est le lot des gitans de se balader, mais c’était la première fois qu’elle venait en Angleterre. Grâce à son cousin, elle voulait pas savoir comment il avait eu l’argent et franchement elle s’en foutait. Ce qui comptait c’est qu’elle puisse voir en concert ce groupe dont il avait ramené un enregistrement un an plus tôt.  Manchester était une ville triste et morne, mais la nuit l’effervescence des concerts faisait vibrer la ville.
Elle était un peu bourrée quand deux types sont arrivés, eux ils étaient salement bourrés. Ils l’ont encerclé, Letha n’a pas perdu son sang froid. Pour cause, elle possédait un pouvoir, celui de la mimésis. Il lui suffisait d’avoir vu un film d’arts martiaux pour les maîtriser. Lorsque le premier avait posé une main sur son épaule, elle était déjà prête. Letha avait saisi sa main et d’un geste l’avait fait basculé par-dessus elle.  Son pote n’avait pas demandé son reste et s’est barré. Elle allait reprendre sa route, dessaoulée et contrariée, quand elle avait vu un troisième gars. Il était grand, bien habillé, il applaudissait,   hilare. Il s’est avancé avec une confiance inébranlable, il lui a demandé son nom, son sourire était communicatif. Elle n'avait pas envie de répondre, mais les mots sont venus.
« Letha, Letha Gatz. »
« Quel nom bizarre… » commença-t-il surtout pour lui-même, puis d’un geste de la main, qui aurait dû seulement l’agacer il l’invita à la suivre « viens avec moi Letha. »
Elle n’avait pas songé une seconde à refuser, son esprit était dans un brouillard cotonneux. Elle ne voulait pas le suivre. Mais elle le désirait plus que tout au monde.

Quelques mois passèrent, elle vivait chez lui, ou plutôt dans l’ancien manoir qu’il occupait,  il lui avait dit qu’il était un vampire, mais ça ne l’avait pas du tout dérangée, ni même choquée, il avait tué devant elle, mais il lui avait dit que tout allait bien, alors tout allait bien. La vie avec Sebastian Knightley était facile. Elle était toujours d’accord avec lui et chacune de ses actions étaient de son avis pleine de bon sens, chaque demande une évidence qui s’imposait à elle.
C’est au huitième mois qu’il posa sur elle la première marque. Il lui avait parlé de son projet de la marquer, lui offrir une vie éternelle à ses côté, mais pas avant qu’elle soit un peu plus âgée. Il voulait une femme, pas une gamine, mais l’avantage d’une gamine c’est qu’il pouvait la modeler pour la faire devenir la femme qu’il voulait.

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« Hey ça va ? » Letha releva les yeux vers un type assez jeune. « Parfaitement ça se voit pas ! » Son ton était acerbe, elle fit volte-face et quitta le camp sans demander son reste. Elle avait envie de partir, cet endroit lui était trop familier et trop inconnu en même temps. Tout avait changé, les gens avaient vieillit, certains de ses amis de l’époque étaient même morts, elle n’avait plus rien ici. Un peu de famille, une famille qui la regardait comme un putain de monstre. Sauf sa tante, sa tante qui l’observait avec inquiétude et c’était peut être ça le pire.
Son téléphone sonna, elle l’extirpa de sa poche, Arabella « Hey Lee, j’ai vu avec le conseil je t’ai obtenu une place de mandataire. » Letha sourpira, Arabella est sa protectrice, celle qui l’a sauvé, et celle qui veut à tout prix la faire entrer dans le moule de la société vampirique. « Je ne veux pas être mandataire. » Un soupir agacé filtré à travers le combiné, elle pouvait entendre ses ongles taper contre le rebord de son bureau. « Tu as besoin d’un travail. »
« Je n’ai pas besoin de ce travail. »
« Tu vas faire quoi, vendre des hot dogs ? »
« Peut-être. »
« Letha ! »
« J’veux pas être porte-parole de quoi que ce soit. »

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« Tue là. »
Elle s’était penchée sur le corps de la prostituée et avait saisi sa tête, d’un geste sec sa nuque s’était brisé. Letha avait le regard vide, mais pour qui savait y regarder, y brillait encore une lueur, comme pour dire : je suis encore là. Au fond, je subsiste.
« Sourit Letha, tu as débarrassé la société d’une vermine. »
Il lui demandait toujours de sourire. Il évoluait avec une nonchalance révoltante, il dominait et tuait. Sauf elle, d’une façon étrange et tordu, il s’était convaincu qu’il l’aimait et pire encore, qu’elle l’aimait probablement aussi. Il avait résolu de la transformer bientôt en vampire, il en ferait son infante, il lui ferait ce cadeau, elle saurait l’apprécier.

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Domination. C’était ça son pouvoir, ça qui ruinait son esprit, l’obligeait à commettre les pires horreurs. Domination. Parfois elle s’en échappait, lorsqu’il ne faisait plus attention, lorsqu’elle se détournait, mais alors il la menaçait, il menaçait de s’en prendre à des innocents. Addict à son sang, il la punissait en l’en privant, des années d’horreurs indicibles.
Elle passait de longues soirées enfermées au manoir, engoncée dans des robes d’un goût douteux, ne sortant qu’à son bras. La journée il l’attachait, comme un chien, elle ne vivait que par lui. Jusqu’à un soir bénie ou Arabella Shéridan débarqua au manoir. Elle ignorait tout d’elle, elle paraissait si jeune. Ses cheveux roux formaient une crinière autour de tête lui conférant l’aspect féroce d’un grand fauve. Le ton montait entre les deux vampires. On parlait de trahison. Arabella fut projetée contre un antique buffet. Le pied sur son buste, il la maintenait au sol, un sourire exécrable aux lèvres. Sebastian se pencha pour ramasser un éclat assez large pour faire un pieu.
« Viens Letha. »
Elle savait ce qu’il allait lui demander, elle croisa le regard horrifié d’Arabella.
« Droit dans le cœur, et on sera débarrassé de cette salope. »
Elle regarda ce pieu inespéré, avait-il tant d’égo pour croire que seulement…. Cela faisait tant d’année. D’un geste sec le pieu s’enfonça dans son torse, pas assez d’abord, mais Arabella profita de la surprise pour se redresser et achever d’enfoncer le bois dans le cœur. Alors celui-ci se figea statufié et Letha s’effondra. La culpabilité lui vrilla les entrailles, elle se jeta sur le corps mais c’était sans compter Arabella qui la retint, elle se débattait tant qu’à bout de patience, la vampire l’assomma.  

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-Tu es certaine ?
-Oui. J’ai pas besoin d’un boulot prestigieux aux services de mégalo.
-Letha tu sais….
-Je sais pas non. Je ne comprends rien à votre société, je ne comprends pas ceux que t’appelle tes chers amis. J’ai aucune envie de fréquenter ses gens-là.
- Tu comprendras….
-…quand je serais plus grande, j’en doute pas. Quand passé trois siècles j’aurai relativisé le meurtre et perdu ma dernière part d’humanité. Pour l’instant j’y arrive pas. Je veux juste que ce monde-là me foute la paix, j’ai assez donné.

Arabella était blessée elle le voyait bien. Letha était la seule disciple qu’elle ait jamais eut, son unique infante. Encore jeune et elle réclamait déjà son indépendance. Elle refusait tout, son argent, son statut. Elle abandonnait tous les privilèges pour un boulot dans une boîte de sécurité. Elle voyait bien, que celle-ci n’avait jamais réussi à guérir des années Eliott, donc tacitement elles n’évoquaient jamais le nom.  
Elle se nourrissait de True blood mais le gout synthétique la révulse, malgré l'évident progrès que c'est. Cependant son addiction au sang alcoolisé l'emêpêche de s'en contenter. Sa plus grande frustration venait du fait de ne plus pouvoir se bourrer la gueule, les alcooliques et les camés avaient toujours été ses cibles de prédilections, avant.
Mais Arabella n’était pas une despote, pas avec Letha en tout cas. Elle avait beaucoup d’affection pour la jeune vampire, par bien des aspects elles étaient amies. Letha n’avait jamais bien intégré la notion de hiérarchie et puis, elle lui avait sauvé la vie.

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-Rose ?
Elle avait choisi ce prénom parce que c'était celui de sa grand mère, puis Lovelace en nom de famille. En l'honneur d'Ada Lovelace, c'était pas très subtil quand on choisissait l'informatique, mais elle s'en foutait.
-Ouais ?
-Rose ?
-Quoi putain !
Elle se retourne vers Marc, il a l'air pataud, bon elle a peut être été un peu sèche. Mais elle déteste qu'on l'interrompe quand elle code.
-il est 22h.
Elle jette un oeil à l'heure et soupire, elle était crevée, surcaféinée et l'interruption de Marc lui avait rappelé qu'elle était sobre.
-Les autres sont chez McNegan.
Elle acquiesce, leur pub fétiche, elle attrape son manteau trop large et se lève.
-Bah alors tu te bouges !
Ce soir là n'avait rien de particulier, si ce n'est que ce soir là, elle aurait du mourir. Une balle perdue, un braquage dans la bijouterie d'à côté. Ce soir là, fut son dernier soir en tant qu'humaine.

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-Un monstre, c'est tout ce que t'es.
Elle savait pas en quoi faire de ce type. Un fou isolé, un humain d'abord qui avait cru qu'il pourrait tout seul s'en prendre à elle. Il avait même pas 30 ans. Elle se rappelle Edith est morte, une amie qu'ils ont décapité. Une jeune vampire qui avait jamais consommé que du true blood. Letha avait la haine. Ses yeux rougeoyaient et ses ongles s'étaient allongés.
-J'suis un putain de monstre ouais.
D'un geste elle pouvait l'égorger, se serait facile et elle aurait débarrassé la société de ce type. Dans son esprit résonna alors un échos du passé, la voix de Sebastian lui disant : souris, tu débarasses la société d'une vermine. Elle eut envie de gerber.
Elle l’assomma et c'est chez les flics qu'elle le déposa. Exposant sont matériel d'assassin. Elle se volatilisa après être certaine qu'ils n'allaient pas le relâcher.  

-

-Alors c’est sûr, tu restes ?
-Oui.

Je suis née ici après tout, dans ce camp, même pas à l’hopital, ma mère détestait les médecins. Oh je pouvais plus y vivre et j’avais pas envie d’aller au PARD. J’ai pris un logement à peine salubre dans le pire quartier de la ville. Je m’y sens bien. A ma place, avec les cas sociaux et les marginaux. T’façon à part ma tante, le reste de ma famille se méfie, ils aiment pas trop les vampires.
Je suis revenu aux Etats Unis en 2011 espérant retrouver un foyer et puis… en arrivant tout avait tellement changé que j’ai mis des mois à aller les voir. En fait y’a fallu qu’une vieille vampire menace d’engloutir Shreveport pour que j’y aille. Un peu maladroite.
Ils ont tous tellement vieillit. Ma frangine est mère et a déménagé en ville. Mon pauvre cousin qui m’a cru morte, il est plus que l’ombre de lui-même. Il m’en veut d’être en vie. Il me croit pas quand j’dis que je m’en souviens pas. Je peux pas le blâmer, je mens.

En plus c’est grâce à son fils que j’ai un job. C’est lui qui m’a parlé de cette boîte qui recrutait des CESS, qui avait une politique plutôt progressiste.  On a beaucoup parlé avec le petit Joshua, il a 17 ans, l’âge que j’avais quand j’ai disparu. Il m’a dit que son père parlait beaucoup de moi et puis qu’après il pleurait et buvait. Depuis que je suis revenue, il a arrêté l’alcool, il me blâme, il en a besoin. Je comprends. Même si ça fait mal, on était très proche. Maintenant c’est un adulte amer et je suis coincée dans le corps de mes 25 ans, incapable de parler de ma vie entre ma disparition et Arabella.

La ville a tellement changé, y’avait pas tous ses buildings à l’époque, y’a que le camp qui est resté le même. Parfois j’aimerai juste me blottir dans le canapé, m’imprégner de l’odeur de l’encens et des cigarillos de ma tante. Ne plus jamais bouger. Espérer me réveiller, avoir 17 ans à nouveau, prendre un bain de soleil et utiliser mon don de mimesis pour faire marrer les copains. Mes dons font plus marrer personne. Et le soleil je le vois qu’à la télé. Le téléphone sonne, c’est Fitzwilliam, j’ai un contrat de surveillance. Je remercie ma tante pour le true blood et regagne la ville, la nostalgie me noue la gorge. Mais c’est une bonne nostalgie, les souvenirs heureux d’un temps plus facile. Parfois j’ai tendance à oublier qu’il y a eut une vie avant.

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