✤ Traits de caractères C’est un monstre. Un monstre sans cœur, un démon sans âme.
Il y a quatre ans, un monstre posait pour la première fois le pied à Shreveport. Un monstre d’arrogance, de sadisme et de haine. Un petit diable, un mignon stéréotype comme on n’en fait plus. Il collait parfaitement à l’image du vampire tel qu’on a tendance à le décrire dans les romans : Ténébreux, diablement sexy, mais là où ça coince, c’est au niveau du cœur. Aucune femme n’était là pour l’adoucir, le ramener dans le droit chemin, lui faire oublier ses idéaux révolutionnaires.
Non, à la place, il a rencontré un démon pire que lui. Un démon nommé amour, qui l’a métamorphosé.
Pire, qui l’a détruit.
On efface tout, et on recommence. Ou presque, parce qu’il y a des éléments qui restent.
Aleksandr sera toujours un vilain vampire, il sera toujours un sale connard égoïste qui prend ce qui bon lui semble quand bon lui semble. Il sera toujours un pervers manipulateur. Il y a des choses qui ne changent jamais et comment pourraient-elles ? il a été élevé, forgé, par Vladimir et Mircae Konstantinov pour être un digne descendant des Ténèbres ou plutôt, un digne descendant des princes des Carpates. Après tout, il est supposé être un prince, mener une vie de roi, il a été conditionné par un oncle désireux de voir à quel point il était capable de semer le chaos. Il a lentement attisé sa flamme…Alek restera Alek, une bête sanguinaire et terrible.
Mais à Shreveport, il s’est trouvé un cœur. Depuis, il s’est paumé lui-même quelque part dans sa poitrine, derrière le petit machin tout rabougri. Il avait déjà éprouvé des sentiments, mais pas comme ça, pas à ce point. Il sait désormais pourquoi l’échange de sang entre vampire est proscrit. Avec Lorenzo, c’était une fusion dépravée, un péché d’amour. Il lui a sucé la veine jusqu’à plus soif, l’autre aussi et leur lien n’a jamais été aussi fort. Une fusion, pure et parfois…Oui, parfois, il a l’impression de le sentir encore. Aleksandr est mélancolique, malheureux et nostalgique d’une époque passée. Il est un rebu tiré d’un âge d’or où il a signé sa propre perte en posant le genou devant celui qu’il aimait. En public.
Erreur ou non ? Toujours est-il que cet épisode l’a rendu instable. Il passe entre des phases de douceur précieuse et de rage malveillante. Lunatique est devenu le premier et meilleur adjectif pour le qualifier. Comment pourrait-il en être autrement ? Il n’a plus l’impression d’être seul dans sa tête, dans son corps. Il y a comme une présence…Devient-il fou ? Oui, sûrement. Après tout, il a toujours été un maniaque obsessionnel. Tendre Natasia, adoré Mircae, cher Alessandro, maudit Lorenzo…Et le voilà marqué, à vie, du sceau des amoureux maudits. Lui qui en avait tellement rit, lui qui n’avait jamais compris Sevastian. Maintenant il sait, maintenant il pleure et ses larmes se fraient un chemin jusqu’à la cicatrice de son torse. La dernière blessure que son amant chéri lui aura infligée.
Aleksandr est pris d’une tendre folie, douce et pourtant, elle pourrait le faire replonger à tout instant. Personne ne veut d’une nouvelle Semaine Sanglante, mais il pourrait aisément retomber dans ses anciens vices, pourvu qu’il trouve celui ou celle capable de le remettre sur le bon chemin. Bon chemin ?
Ah ah.
✤ Occupation nocturne Il erre. Jadis il était le roi, l’Empereur de la Nuit, celui que l’on craignait et qui toisait le monde derrière sa vitre teintée. Il gérait les Sept Péchés Capitaux, devenu ensuite le Rêve d’Incube sous la houlette d’un autre. Il a été le révolutionnaire, le conquérant, l’infâme tortionnaire, le tueur, et maintenant ?
Maintenant, il erre.
Il est un fantôme dans les rues de Shreveport, il se promène sans but et il se rappelle le passé. Dans cet hôtel, il a couché avec Alessandro. Dans cette ruelle, il a baisé Ariel sur le capot de sa voiture. Sur ce toit, il a tenu Lorenzo dans ses bras pendant qu’une horde de zombie massacrait la population juste sous leurs pieds. Ils se sont roulés dans les ombres et ont baisé sur les cadavres, devant tout le monde et pourtant invisibles. Shreveport n’est qu’un écrin pour la mémoire d’un passé qu’il voudrait oublier. Alors oui, il erre. Il goûte parfois à l'un ou l’autre plaisir, il cache presque pudiquement son visage sous une capuche. Lui et sa gueule d’ange, un clin d’œil, des canines plantées dans une gorge fraîche, de la musique écoutée dans un bar miteux pour humain…Oui, juste pour humain. Parce qu’aucun des siens ne sait qu’il est revenu. Et d’ailleurs, comment réagiraient-ils ? Sans aucun doute, on tenterait de le tuer, de le faire taire une bonne fois, à présent qu’il est loin de la protection de son château. Mais osera-t-on vraiment passer outre la protection de Mircae ? Au fond, Aleksandr s’en fou. Il aura tout le temps de se trouver des activités plus tard.
✤ Manies, habitudes & goûts Il passe pas mal de temps sous sa forme de loup à courir dans le domaine de son ancien Manoir • Alek est un bourreau qui aime entretenir un harem de victime • C’est un inconditionnel de la série « Buffy contre les vampires » mais il ne l’avouera jamais. Les DVD sont forcément à Bluenn • Il adore boire le sang des lycanthropes • son type de femme ressemble à sa sœur Natasia à savoir une brune aux yeux foncés et à la peau laiteuse. • La seule chose qu’il a emporté en exil est le CD de Dark Legacy, le groupe d’Alessandro, qu’il écoute sans arrêt. • Depuis son retour, il porte plus souvent des sweat à capuche que des chemises et des jeans plutôt que des pantalons en cuir comme il en avait l’habitude. • Il a étudié la sorcellerie car ses parents étaient sorciers, il est capable de tracer des cercles mais pas de les utiliser. • Il a longtemps bu le sang d’un autre vampire, ce qui a eu des effets néfastes sur sa psyché. • Il regarde des dessins animés, souvent les super nanas (c’est un des effets néfastes en question…Nostalgie quand tu nous tiens) • Lui qui roulait toujours en bentley, il a décidé de s’acheter (non je plaisante, de voler) une harley davidson. • Il a cassé la vitre d’une librairie en voyant les romans d’Ariel en vitrine et a déchiré méthodiquement chaque page du dernier tome. Il aurait bien tué le marquis d’Ombremont lui-même mais visiblement quelqu’un l’a devancé peu avant son retour, ce qui l’a agacé. Il garde cependant précieusement les deux premiers tomes, comme une relique. •  
✤ Discipline Aleksandr est un vampire plutôt ancien, issu d’une lignée relativement restreinte. Infant au second degré des Ténèbres, il a hérité du pouvoir de protéisme (4) et est capable de se transformer en gros loup totalement noir aux yeux émeraude. Sous sa forme animale, le vampire est comme possédé par des instincts anormaux. Il a une bête en lui, une bête féroce qui a tendance à prendre le dessus lorsqu’il est trop énervé. Le fait qu’il se transforme est souvent le résultat d’un grand désarroi. Il est également capable de transformer uniquement une partie de son corps, comme le font les Alpha au sein des différentes meutes. Ses yeux sont par contre plus sensibles à la lumière, son odorat est développé au-delà de celui du simple vampire, de même que son ouïe. Pire qu’un immortel, Aleksandr est une bête sauvage et les deux mis ensembles font mauvais ménage…
✤ Convictions Aleksandr a toujours été contre la révélation. S’abaisser devant les humains ? Boire du sang synthétique ? Le prince des Carpates n’a pas été élevé de cette façon. On lui a appris à boire directement au cou des humains, à sélectionner les meilleurs crus et à ne pa se contenter d’un sang en boîte. Le russe a toujours pensé que le True Blood était un moyen pour les humains, à terme, d’empoisonner les vampires et lorsque le scandale a éclaté, il a bien servi sa cause. Hélas, trop tard car à l’époque, il avait déjà basculé du mauvais côté. Pour ses convictions, Aleksandr a mené une révolution, détruit une ville et de nombreuses vies. Même s’il a échoué, même s’il a été faible, il reste fidèle à sa manière de penser. Le True Blood est une aberration, tout vampire qui en boit n’est pas un vrai vampire et tout humain qui essaie de lui en faire boire ne restera pas en vie très longtemps. Peut-être tentera-t-il à nouveau de faire entendre sa voix, peut-être deviendra-t-il un icône pour quelqu’un d’autre, qui sait…Peu importe, au fond.  
✤ Signes particuliers Aleksandr a une cicatrice au niveau de son cœur, un L gravé avec de l’argent liquide. Une folie de jeunesse…Lorenzo a bien un A au même endroit. Il a essayé de l’enlever mais c’est impossible, il le savait très bien en acceptant la marque. A toi, pour l’éternité.

C'était un soir d'hiver. Les rues de Moscou étaient recouvertes d'une grosse couche de neige. Les diligences peinaient à passer et la plupart abandonnaient, laissant ses occupants se réfugier dans l'une ou l'autre auberge de plus ou moins mauvais goût. Un petit garçon regardait par la fenêtre du troisième étage de sa maison bourgeoise et poussa un soupir en entendant des incantations venir du salon. Il savait que ses parents étaient des sorciers, des sorciers maléfiques. Ils aimaient les démons et tuaient parfois des gens pour les invoquer. Alek avait déjà vu des corps plein de sang, et, à force, avait fini par ne plus rien ressentir. Ses parents étaient des mages noirs. Sa mère du moins, son père…Il n'était pas sûr.
Il ne voulait pas savoir.
Il voulait juste partir d'ici où il ne se sentait pas chez lui, et emmener sa petite sœur avec lui. Elle était belle, innocente, parfaite et surtout très fragile. Il craignait chaque jour pour sa sécurité, pour sa santé, auprès de ces deux monstres. Il ne savait pas vraiment quoi faire pour le moment, mais il trouverait. Nuls doutes, il trouverait. Il en était à cette étape de ses réflexions lorsqu'un hurlement se fit entendre, au milieu des incantations. En temps normal, Alek n'y aurait pas prêté attention.

Mais il reconnaitrait la voix de sa sœur entre mille.

L'enfant avait treize ans mais possédait la maturité d'un adulte. Il ne réfléchit pas à la conséquence de ses actes ou au risque d'être blessé. Il se leva d'un bond de sa chaise et dévala les marches jusqu'au salon où il arriva juste à temps pour voir son père, armé d'une longue dague, approcher de sa petite sœur en lui disant de se taire. Terrifiée, la petite fille de six ans ne parvenait pas à se contenir. Attachée sur une sorte d'autel improvisé, elle tremblait de tous ses membres. La mère psalmodiait des incantations, le père approchait le poignard de cérémonie de la petite Natasia terrifiée. Alek savait pourquoi…Il s'en doutait, en tout cas. Du sang de vierge, voilà ce qu'ils voulaient. Et à six ans, on est toujours vierge…En théorie. Alek se jeta sur son père, de tout son maigre corps. Il le fit à peine chanceler, mais il put se mettre entre la lame et sa petite sœur, serrant le corps tremblant de cette dernière tout contre son cœur. Elle sanglotait, alors que le poignard s'abattait pour transpercer le corps du garçon. Effet de surprise ou élan d'intelligence, la lame ne transperça pas son cœur mais laissa une entaille d'une profondeur terrifiante dont coulait une gigantesque rivière de sang. Il ne cria même pas. Plein d'adrénaline, il attrapa l'un des tisonniers près de la cheminé et l'enfonça dans le corps du père, sans prendre le temps de viser. Au milieu de ses psalmodies, la mère poussa un hurlement et se précipita sur l'homme en train de tomber. Il attrapa sa petite sœur après avoir arraché les cordes qui la maintenaient et se mit à courir, courir…Loin, le plus loin possible de cet enfer. L'enfant s'était tue, le visage plein de sang de sang.

Alek courut dans la neige sans veste, avec ses chaussures fines d'intérieur. Ses pieds gelaient, il perdait du sang et sa tête commençait à le tourner…Peu lui importait. Il devait fuir, courir, pour sauver Natasia. Pour sauver sa sœur adorée, l’emmener loin, loin de ces fous.
Loin.
Il trébucha. Son premier réflexe fut de se tourner pour protéger la tête de Natasia.
La sienne heurta le sol et ce fut le noir.


La pièce dans lequel il reprit connaissance était grande et sombre. Il distinguait mal les meubles, la décoration, mais il sentait le matelas moelleux sous lui et une petite main toute chaude le serrer. Il ouvrit un œil et vit Natasia endormie à son chevet.

- Réveillé? » demanda une voix inconnue.

Son timbre avait quelque chose de musical, une voix comme jamais il n’en avait entendue auparavant. Alek ne répondit pas, il se contenta de se crisper, se rendant soudain compte qu'il avait peut-être été enlevé pour servir de proie à des monstres. Le jeune garçon n'était pas du genre naïf et, du haut de sa fenêtre, il avait vu énormément de choses. Puis il avait lu, beaucoup lu. Il savait que dehors, des monstres rôdaient. Certains se changeaient en animaux, d'autres tuaient simplement des personnes en laissant des trous dans leur gorge.

- Ton sang m'a attiré. » ajouta la voix, comme si elle lisait dans son esprit. Ce qui ne rassura pas l'enfant le moins du monde. Mais c'était un homme désormais, il devait protéger sa sœur.
- Ne la touchez pas… » murmura-t-il, d'une voix enrouée.

Il toussa, se demandant combien de temps il avait pu rester dans la neige. L'homme fit un bruit désapprobateur avec sa langue.

- Les petites filles ne m'intéressent pas. Elle me fait déjà confiance, tu sais? Elle ne te lâchait pas, puis…Elle a fini par me laisser lécher tes plaies. Tu garderas une belle cicatrice, mais tu ne mourras pas. Tu es un enfant très courageux. Je doute qu'un autre ai risqué sa vie pour une femme si jeune sans rien attendre en retour.
- Ma sœur…, essaya d’expliquer Alek mais une grimace déforma ses traits.

L'homme rit.

- Et alors? Pour beaucoup, elle n'aurait été qu'un poids. Pas pour toi…Qu'attends-tu encore de la vie, mon enfant?

Alek ne répondit pas, tout simplement parce qu'il n’en avait aucune idée. Il avait sauvé sa sœur d'un rituel sans doute destiné à invoquer un démon. L'enfant ne savait pas si ce rituel aurait fonctionné, il ne savait pas…il était juste certain que les démons, les vampires, les créatures de la nuit contre lesquels seul le soleil peut quelque chose, existaient. Il le savait, parce qu’il les avait vue de ses yeux dans son salon. Ce monde était dangereux, encore plus pour deux enfants innocents. Qu’attendait-il de la vie ? Que voulait-il ?
Il voulait juste être assez fort pour protéger sa sœur.

- Faisons un marché. Je sais ce que tu veux… expliqua l’homme qui semblait lire dans son esprit. Et je vous protégerais tous les deux, à une seule condition cependant: Ton sang. Je veux que tu me donnes ton sang autant que tu le pourras sans mourir. Tu as une force étrange et cachée, ton odeur est délicieuse…Je ne toucherais pas à la petite, je la traiterais comme ma fille, et toi comme mon fils.

Alek ne réagit pas tout de suite. Dans sa tête, il était en train de comprendre, petit à petit, que l'homme en face de lui était un vampire.
Et qu'il voulait son sang.
Pourquoi ne se sentait-il pas en danger ?

- Vous le jurez ? Vous le promettez ? Vous prendrez soin d’elle, soin de nous ?
- Je te le promets, mon ange.

Alors Aleksandr accepta, d’un signe de tête.  
Voilà comment on vend son âme au diable.
Rideau.


Presque six années passèrent, rythmée par un étrange mode de vie.
Jamais deux fois au même endroit, les deux enfants et le vampire ne cessaient de voyager. Tantôt en Europe, tantôt en Asie, tantôt aux Amériques, que l'on avait découvert un demi-siècle auparavant. Ils bougeaient sans arrêt et la journée, les enfants veillaient sur le vampire endormit. La petite Natasia appuyait sa tête sur le cercueil vernit tandis que son frère se remettait des prélèvements de sang. Alek se sentait de plus en plus étrange. Durant ces six années, il avait vu des choses que jamais un enfant n'aurait dû voir. Il avait assisté à des guerres, à des massacres. Il avait vu son maître, son seigneur Mircae, se battre avec d'autres vampires, même avec d'horribles loup-garous qui avaient osés menacer sa dulçaeta comme il appelait à présent la jeune Natasia. Il semblait l'adorer, mais Alek ne s'inquiétait pas pour la vertu de sa sœur. Les deux enfants auraient été heureux de s’offrir à lui, pour le remercier de les avoir sauvés. Mircae était un bon vampire, puissant et respecté. Il était un prince…Mieux, un roi !
Aleksandr l’adorait.

Lorsque le jeune garçon atteignit sa quinzième année, il eut droit à un baiser. A la seizième, à des caresses. Lors de ses dix-sept ans, il suppliait presque son maître de lui accorder ce qu'il lui faisait miroiter. Ce fut sa première union du genre, et même la première union tout court. Elle se termina à l'aube et, alors que son maître allait se coucher, Alek se glissa dans le lit de sa sœur, simplement pour dormir à côté d'une présence, d'une chaleur. Il aurait voulu pouvoir entrer dans le cercueil avec son maître et se serrer contre son corps temporairement mort mais Mircae n’aimait pas cela.
A défaut, il se serra contre celui de Natasia, dont les formes commençaient à se dessiner. Il caressa sa peau, passant sa main sous sa chemise de nuit. Elle soupira d’aise et se serra contre lui.


- Vous savez que je le désire, vous savez que rien ne me comblerait d'avantage. Je veux pouvoir protéger ma sœur…

Mircae secoua la tête.

- Tu mettras des siècles avant de pouvoir être assez fort pour la protéger.

Il semblait à Alek qu'il tentait de convaincre son maître depuis des heures entières et il devenait fou.  Cette discussion, ils l’avaient souvent et elle se terminait toujours de la même manière. Cette fois, Aleksandr était résolu à un dénouement différent.

- Rien ne me plairait d'avantage…Te compter parmi mes infants, Alek, est une chose dont je rêve. Tu seras le plus beau et le plus puissant d'entre tous, tu feras de grandes choses…Je veux juste que tu trouves une bonne raison à cela. L’éternité n’est pas un engagement à prendre à la légère

Le garçon réfléchit puis un sourire se dessina sur son visage. A cette époque, c'était un rictus inédit. A présent, il l'arbore souvent. Ce sourire mesquin avec un soupçon de malice.

- Les tuer… » murmura-t-il.

Son maître fit un signe de tête approbateur.

- Comment? »
- Dans le sang et la douleur pour treize années de souffrances et de mépris.

Mircae l'attira à lui et enfouit sa tête dans le cou du garçon, caressant avec délicatesse la peau de son cou. Ses canines s'enfoncèrent d'un coup sec et le vampire se mit à aspirer son sang. Il n'en laissa pas tomber la moindre goutte sur le marbre noir du sol. Petit à petit, Alek se sentit faiblir, devenir vulnérable. Une nausée atroce le saisissait. A mesure qu'il le vidait de son sang, son maître le couchait sur le lit de la chambre, près du cercueil. Respirer devenait difficile et le monde s'embrouillait autour d'eux. Mircae finit par le lâcher et mordit son propre poignet qu'il donna à boire à son futur infant. Pas le moins du monde dégoûté par le liquide rouge, Alek posa ses lèvres sur la blessure et se mit à aspirer, d'abord faiblement, puis de plus en plus férocement. Il lui sembla que tout avait duré des heures, il ne savait pas, il perdait le sens des réalités…Les minutes, les secondes, tout cela semblait une vague notion floue et futile.

- Ça suffit, mon ange…Ça suffit… » murmura le seigneur Mircae alors qu'il retirait son poignet.

Dès qu'il ne fut plus en contact avec le sang, Alek se mit à convulser. Il poussa un hurlement déchirant, à réveiller les morts. Son corps entier n’était que brûlure, une plaie à vif sur laquelle on versait du sel. Un autre aurait voulu que tout s’arrête, mais pas lui. Transperçant sa douleur, la volonté de devenir un vampire l'aidait à tenir. Une lueur au milieu d’un océan de ténèbres.
Il allait être le plus beau, le plus puissant, le meilleur d’entre eux tous.
Il allait être un prince.
Mieux.
Un roi.


Il sentait une odeur de terre, arôme subtil qui lui-même renfermait d’autres senteurs. Pourtant, il détectait autre chose, juste là, juste au-dessus de lui. Quelque chose de délicieux.
Reprenant petit à petit conscience, Aleksandr se mit à gratter, gratter pour remonter à la surface et sentir de plus près cette alléchante odeur. Une main sortit, et il sentit le vent la caresser. Un vent léger…Sa tête suivit peu après, et il croisa le visage souriant de sa jeune sœur. C'était d'elle, que venait cette odeur alléchante…Un instinct le poussait à gratter plus fort pour s’extraire de son trou. Il avait mal partout, chaque geste était une torture et sa gorge…Il avait l’impression qu’on lui avait enfoncé un fer chauffé à blanc.  

- Tu es réveillé…Le Seigneur Mircae va être content, Alek…

Elle souriait, elle était si innocente, si joyeuse…Alek ne se contrôlait plus. Il avait faim, si faim! Il se dégagea de la terre, d'un geste leste, et se jeta sur elle. Elle poussa un cri, suivit d'un petit rire. Elle pensait qu'il jouait. Elle déchanta en voyant ses canines pointer et la lueur de faim lui tenant l'estomac. Il enfouit son nez dans son cou.

- Ça fais mal…Si mal… gémit-il, serrant fort les épaules de la petite chose si fragile entre ses doigts. Pardon..  

Ses canines s'enfoncèrent alors, sans crier gare, dans la gorge de la jeune fille qui, étrangement, ne se débattait pas et ne paraissait plus si terrifiée que ça. Le vampire se mit à aspirer son sang, à grande gorgée. Il était jeune, inexpérimenté, et en renversait partout. Peut-être était-ce cela qui l'empêcha de complètement vider sa sœur, déjà inconsciente ? Il avait l’impression de gaspiller. Il ne pouvait pas gaspiller, il devait boire, boire et…
Une main l’attrapa dans son cou et le projeta avec violence contre une tombe au loin.

- NATASIA!

Le hurlement poussé par Mircae était horrible, déchirant. Alek le vit s'entailler le poignet alors qu'il voulait sauter à nouveau sur sa sœur, il avait faim…Faim.

- Non…

Un murmure, un atroce constat.
Il se mit à courir le plus loin possible d'eux. Ils étaient en Europe de l'Est, et son cœur le poussait à retourner à Moscou achever ce pourquoi il avait salit sa sœur. Le cœur brisé, il ignorait ce qu'elle deviendrait, si même elle survivrait. Il ne voulait pas être le responsable de la perte de son innocence.  Il ne pourrait l'accepter.

Il fut rattrapé par son maître deux jours plus tard alors qu’il semait les cadavres sur son chemin. Il ne le faisait pas exprès, la bête en lui le poussait à tuer, à manger pour apaiser la brûlure de sa gorge.

- J'ai dû la transformer. Elle s'est réveillée, mais elle est faible. Je lui avais dit de ne pas rester dans le cimetière à t'attendre, mais elle n'en a fait qu'à sa tête.
- C'est ma faute, j'aurais dû…
- Rien du tout! le coupa Mircae. Un jeune vampire ne peut pas se contrôler, surtout pas toi qui a aspiré autant de mon sang. Je l'ai confié à un ami en…  
- Je ne fais confiance qu'à vous pour la garder. Alors…Gardez la, vivante, je me débrouillerais. S’il vous plait, vous avez promis…Seigneur Mircae, vous m’aviez juré.

Le maître ne réagit pas tout de suite. Figé comme une statue dans un beau hall d’entrée, il ne regardait même pas Aleksandr.

- Je savais que tu dirais cela…Alors j'avais prévu une solution. Il y a, en Roumanie, des centaines de vampires qui vivent en Cour, dans un château reculé avec un village à son pied. Tu peux y être en quelques jours…

Le bébé vampire serra l’arbre contre lequel il était appuyé dans son poing, son bras tremblait sous l’effort qu’il faisait pour ne pas le briser.

- Je ne VEUX PAS qu’on veille sur moi je…J’ai été incapable de veiller sur elle alors je ne mérite pas qu’on se préoccupe… »

Mircae attrapa son infant, le plaquant sur le dit arbre, la main à la gorge.

- Je ne te laisse pas le choix, Aleksandr. Si tu n’as pas de maître pour veiller sur toi, tu vas régresser, et quelqu’un viendra t’éliminer et cela… L’ancien baissa les yeux, c’était la première fois que son infant le voyait aussi mal. Sa lèvre inférieure tremblant. Cela, je ne peux le permettre. Alors tu vas te rendre chez mon frère, et le laisser t’aider. Il ne t’abandonnera pas, jamais, tu entends ? Et si tu t’enfuis, il te retrouvera. Le jour où tu changes d’avis…Sache qu’où tu sois, je parviendrais à te retrouver.

Une larme rosée perla sur la joue d’Aleksandr.

- Je ne reviendrais pas, c’est un adieu.

Les lèvres de Mircae vinrent happer la larme rouge, et descendirent tout contre celles d’Aleksandr, pour lui murmurer : L’éternité est longue, mon ange. avant de disparaître, comme s’il n’avait été rien de plus qu’une hallucination.

Les Carpates, un royaume forestier dominé par un seigneur perché sur une montagne abrupte. Sous le couvert des arbres, il semblait faire éternellement nuit et les sens nouveaux du vampire commençaient à le rendre fou. Il percevait des odeurs nouvelles et surtout, surtout, des sons. Sa tête pulsait sous le cri des oiseaux, le bruissement du vent dans les feuilles, les brindilles cassées par la patte d’un prédateur…
La patte ?
Aleksandr se retourna juste à temps pour voir un énorme loup couleur chocolat lui sauter dessus. Il se laissa tomber au sol pour éviter d’être emporté dans l’étreinte et, les yeux écarquillés, il observa la bave qui le dévisageait la bave aux lèvres. Une intelligence humaine brillait indubitablement dans ses yeux.
C’est un loup-garou.
Il n’en avait jamais vu d’aussi énormes.

A peine posé au sol, la bête prit à nouveau son élan, la mâchoire ouverte, prête à le déchiqueter mais une ombre la percuta. Les deux roulèrent au sol mais l’ombre se dégagea du piège. Il leva quelque chose dans sa main droite et la planta droit dans la poitrine du monstre, qui poussa un hurlement déchirant…Un cri d’agonie, tandis que son sang jaillissait par flot, éclaboussant le visage d’Aleksandr. Les yeux écarquillés, le nouveau-né observa l’ombre se redresser. Il était grand, il avait la carrure d’un guerrier ainsi qu’une chevelure brune mi- longue, légèrement bouclée.

- Aleksandr, je présume ? Tu portes l’odeur de Mircae, je t’ai senti arriver.

Le vampire, puisque manifestement s’en était un, se tourna vers le nouveau-né et lui adressa un sourire chaleureux.

- Je suis Vladimir, prince des Carpates et…Ton oncle je suppose. J’aurais dû venir te chercher à la frontière de mon territoire, les loups sont capricieux ces temps-ci.

Il s’empara du cadavre et Aleksandr put voir qu’il l’avait empalé avec un long pieu en bois. Il le plaqua contre un arbre et, grâce à sa force surnaturelle, épingla le loup comme un vulgaire papillon.

- A défaut de les calmer, ils comprendront peut-être le message. Ne trainons pas, nous avons beaucoup de choses à nous dire toi et moi.


Vladimir s’avéra être un homme sur qui on pouvait compter. Patient, il fit de son mieux pour apaiser ses nombreux traumatismes liés à l’agression de celle qu’il aimait le plus au monde. Il lui trouva un compagnon de jeu, un garçon d’un village voisin, sur lequel il pouvait passer ses nerfs et lorsqu’il alla trop loin, le prince des Carpates le transforma en vampire. Aleksandr et Dmitri finirent par se lier d’amitié, une amitié construite sur des décennies de supplices. A mesure que le temps passait, le vampire apprenait à refluer sa douleur et avait trouvé deux exutoires acceptables.

Le premier était le sang. A cette époque, les Carpates étaient déchirées par la guerre opposant les loups originels et l’une des branches la plus vieille de la communauté vampire. Vladimir représentait les Ténèbres et ne comptait pas se laisser marcher sur les pieds. Rapidement, Aleksandr devint son bras droit et n’hésitait pas à mener des expéditions punitives à l’intérieur même de la forêt. Il se forma aux arts de la guerre selon les vampires et se reput du sang de nombreux lycanthropes. C’était un comportement anormal, leur sang n’aurait pas dut l’attirer.


Penché au-dessus du cadavre d’une louve, les canines enfoncées dans sa fourrure, Aleksandr aspirait avec vivacité le sang chaud et plein de bestialité. Il coulait dans ses veines et le rendait fort, si fort…Et si instable. Il se laissa tomber à côté du cadavre, les bras étendus de part et d’autre de sa tête, contemplant le plafond plein de feuilles. Il sourit, un filet de sang coulant au coin de sa bouche.

- C’est tabou, Aleksandr. Tu ne devrais pas faire ça, répéta pour la centième fois son oncle en se matérialisant à côté de lui.

Il le savait, mais il se sentait ressourcé comme rarement après avoir bu le sang de leurs ennemis.

- Pourquoi tabou, mon oncle ? Avez-vous seulement essayé ?
- Non et je ne pourrais pas, l’odeur de leur sang me donne la nausée.
- Pas à moi. Ils sentent bon, bon comme…Comme la forêt.

Des bruits de pas s’approchèrent. Des dizaines de pattes velues et souples qui battaient le sol en rythme, de toutes les directions. Aleksandr eut à peine le temps de se relever que déjà, leurs yeux brillaient dans l’obscurité.

- A dix contre deux…Décidément.

Personne ne perdit de temps en paroles inutiles. C’était la guerre et les loups avaient l’opportunité de tuer leurs deux plus grands ennemis. L’Alpha était là, avec eux et Aleksandr lui sourit, provocateur. Le loup grogna et se jeta sur lui. Ses canines acérées s’enfoncèrent dans son épaule, du sang gicla tandis qu’Aleksandr attrapait la fourrure du loup pour l’envoyer valser plus loin. Son ennemi emporta un bout de chair mais le prince des Carpates s’en moquait. Se redressant, il vit que le combat faisait rage autour de lui mais son oncle n’avait pas besoin d’aide. Il était l’Empaleur, l’Insaisissable, sans doute l’un des plus grands guerriers jamais porté par la terre, humain et vampire réunit. Les autres loups étaient encore trop jeunes…Mais ils avaient malgré tout l’avantage du nombre. Quand Aleksandr en vit un refermer sa mâchoire sur la jambe de Vladimir, quelque chose se troubla à l’intérieur de son esprit.
Il vit le monde en rouge et en l’espace d’une seconde, il se retrouva à quatre pattes. Il était à la même hauteur qu’Hansel, dont la surprise et l’incompréhension déformait les traits animaux. Le temps avait l’air de s’être interrompu, Aleksandr sentait onze paires d’yeux fixées sur lui et il ne savait pas pourquoi…Il s’en moquait, au fond. Il avait des cibles à abattre. Il se jeta sur le loup qui avait mordu son oncle et le massacra. C’est ainsi qu’il vit ce qui aurait dû être un bras…Et qui était en fait une patte. Une patte de loup, noire, aux griffes acérées.

Hansel le percuta mais c’était trop tard, le loup était mort et l’Alpha jugea qu’il valait mieux battre en retraite. Tandis qu’ils s’enfuyaient, Aleksandr voulut les poursuivre mais Vladimir l’attrapa par la queue pour l’en empêcher.

- Aleksandr…Mon petit prince, tu m’entends ?

Evidemment qu’il l’entendait. Il essaya de parler mais sa voix était tellement gutturale qu’aucun mot intelligible n’en sortit.

- Le seul vampire que j’ai jamais vu faire ça, c’était les Ténèbres.

Tu seras le plus grand, le plus beau, le plus puissant d’entre eux.
Reprenant sa forme humaine après une descente d’adrénaline, Aleksandr sourit.


Le second exutoire aimé par Aleksandr était le sexe car comme beaucoup de nouveau-né, il avait un appétit insatiable qui allait se muer en véritable besoin chronique, comme beaucoup en auront fait l’expérience au fil des siècles suivants. A la cour vampire des Carpates, il était un prince dans toute sa splendeur, il était même extérieurement un peu trop parfait et ceux qui se laissaient avoir par l’extérieur avaient tendance à amèrement le regretter. Plus le temps passait, plus il guérissait et plus Vladimir le forgeait à son image. L’Empaleur avait engendré bon nombre d’infants mais celui de son frère avait sa préférence.
Tu es un prince, le monde pourrait te manger dans la main…
Oh, oui, à force de se l’entendre dire, celui qui deviendrait le cauchemar de Shreveport en était de plus en plus persuadé.

Hélas, toute bonne chose a une fin. Aleksandr goûtait chaque nuit à une douce ambroisie qui perdait, au fil du temps, son intérêt. Il avait envie de découvrir un nouveau genre de vie et c’est ainsi qu’un peu avant le commencement du 20e siècle, Aleksandr s’en alla pour la Russe.

Une fois à Moscou, il se lia avec Vassily, Maître Vampire de l’Essaim et vieil ami de Vladimir. C’est à cette époque également qu’il rencontra Sevastian et sa marquée Bluenn, qu’il découvrit l’intérêt de gagner sa vie (comprenez, tuer pour de l’argent). Il vécut les révolutions russes, profita des bains de sang et se lia même avec ce que certains nomment injustement des monstres et qui pour lui, resteront les humains les plus censés portés par cette Terre. Aleksandr découvrit également que l’on pouvait s’amuser avec ces choses supposées servir de repas, bref il découvrit la vie…La vraie vie, pas l’écrin dans lequel Vladimir l’avait enfermé.

Hélas, il y a toujours quelqu’un pour changer les règles du jeu. Et ce quelqu’un s’appelait Alekseï Lipovsky, frère aîné de Sevastian, qui désirait tuer Vassily et surtout, son marqué nécromant. Il assista à ce coup d’état, perché sur le toit du théâtre bolchoï.

- Tu crois qu’ils arriveront à le tuer ? demanda Aleksandr.

A côté de lui se tenait Bluenn ou plutôt, Bluenn possédée par Raphaël.

- Bien entendu. Tu veux une bonne leçon, vampirounet ? Quand tu es au pouvoir, ne te repose jamais sur tes lauriers. Vassily a cru que marquer un puissant nécromancien suffirait à effrayer ses éventuels concurrents mais il a été naïf. C’est une nouvelle ère que ce 21e siècle et j’ai l’impression que peu d’entre vous sont très contents de cette…Révélation.

Aleksandr grimaça. Début de l’année 2008 soit trois mois auparavant, les vampires avaient révélé leur existence et Vassily s’était fait ambassadeur des vampires de l’Est, ce que les dit vampires lui avaient reproché…Et probablement la raison pour laquelle son cadavre allait gésir sur le sol de sa demeure d’ici quelques minutes.

- Tu sais qu’ils veulent nous faire boire du sang en bouteille ? Synthétique. Un truc chinois ou japonais.

Le démon gloussa.

- Vraiment ? Pauvre petit vampire. Il faudrait empêcher ça.
- Ouais…Il faudrait…

Les yeux perdus dans le vague, tandis que la place rouge rappelait à tous pour quelle raison elle s’appelait ainsi, une idée se forma dans l’esprit du russe.

- Voilà, c’est fini.
- Déjà?
- Eh oui. Maintenant, il ne reste plus qu’à brûler les survivants.
- C’est pour ça que tu es là.

Raphaël gloussa et se laissa tomber du haut du toit, se réceptionnant parfaitement tandis qu’il avançait au milieu des combats, entouré par une aura de flammes.
Il va encore faire ça n’importe comment, pensa Aleksandr dans un soupir.


La suite de l’histoire, en avez-vous réellement besoin ? Aucun d’entre vous ne lit-il les journaux ? L’histoire d’Aleksandr ne secoua pas uniquement l’Amérique. Arrivé à Shreveport en 2010, il forma un groupuscule nommé « Les Vrais » qui s’opposait au système mit en place par les humains. Les vampires n’avaient qu’une seule loi à respecter : Celle de leur propre espèce. Les vampires n’avaient qu’un seul type de sang à boire : Celui tiré d’un corps bien vivant. Sous sa coupe, il rassembla des dizaines de vampires et certains venaient de l’autre bout du pays pour se rallier à lui. Il était un criminel puissant, qui n’hésitait pas à mettre ses menaces à exécution et qui allait peut-être toujours un peu trop loin. A Shreveport, personne ne pouvait rien contre lui. La BRIS envoyait ses exécuteurs et lui les renvoyait dans une boîte avec un joli nœud sur le devant. Aleksandr était un prince des temps modernes, un monarque absolu comme on n’en avait plus vu depuis un certain français. Des rêves mégalomanes plein la tête, il aurait peut-être réussi son coup d’état, probablement même, s’il n’y avait pas eu cet homme.

Parce que ce n’était ni Alessandro ni Ariel qui auraient été capable de lui faire changer d’avis. Lorenzo, par contre…Le dégénéré maître de la ville avait toutes ses chances. Aussi dépravé que le russe, aussi psychiquement instable, les deux se sont trouvés comme dans un macabre conte de fée. Les deux se sont liés plus que par le sexe. Ils échangeaient tant leur sang que leur aura se mêlait pour ne faire plus qu’une. Fusion complète, Aleksandr a jugé que Lorenzo était tout ce qui lui importait désormais, tout ce qu’il avait toujours voulu.
Erreur.
Fatale.
Après avoir plié le genou, le gamin capricieux commence à se désintéresser du russe. Non, pire…Il lui murmure je t’aime, il le serre fort puis un jour, sans crier gare, il disparaît. Alors Aleksandr le cherche, d’abord dans tout Shreveport, mais il ne le sent plus, ils ne raisonnent plus tous les deux. Lorenzo a coupé leur connexion après une dernière nuit qui était en fait un adieu. Plus les jours passent, plus Aleksandr sombre. Il quitte Shreveport sans un mot, sans prévenir qui que ce soit. IL a tout oublié, tout sauf son obsession, tout sauf Lorenzo. Il le cherche, en Amérique, au Canada, il le cherche partout et un jour…
Un jour, il a une révélation.
Il ne le retrouvera jamais, parce que Lorenzo ne veut pas qu’il le retrouve.
S’en rendre compte, ça lui fait mal.
Terriblement mal.
L’aube est là, elle se lève…
A genoux, il attend.
Les joues salies par des larmes de sang, il attend.
Il est déjà mort, à l’intérieur.
Tout ça…Pour ça…
Puis une ombre se dresse devant lui. Le soleil va le toucher, dans quelques minutes. Un poing s’abat sur sa mâchoire, qui craque.
Pas un mot, juste Sevastian qui l’attrape par le col et le tire, comme une loque, dans son dos.
Le temps de l’enfermer dans un cercueil.
Bluenn est là, elle va veiller sur eux.

- J’veux pas… il murmure.

Mais tout le monde s’en fou, il a pas le choix.


- Qu’est-ce qui s’est passé ?

La voix de Mirca tonne et lamentablement, Aleksandr relève la tête. Ce n’est pas la première fois qu’il revoit son Sire depuis qu’ils se sont quittés. Mircae est venu à Shreveport au moment où le Conseil se tâtait pour savoir s’il fallait tuer un descendant des Ténèbres ou non. Déchirés sur la question, Mircae était supposé le ramener dans le droit chemin et l’a déjà ramassé une foi, lorsque Lorenzo a tenté de se suicider. Mais maintenant, c’est différent.
Maintenant, plus rien n’a d’importance.

Il sent les bras glacés de son Sire se refermer dans une étreinte transpirant le soulagement.

- Il s’est tiré, annonce la voix morne de Sevastian.

Mircae n’a pas besoin d’en savoir plus. La suite, il se la dessine clairement dans son esprit.

- J’veux pas… murmura Aleksandr.
- Il arrête pas de répéter ça.
- Il va se reposer.

C’est un ordre plus qu’autre chose. Mircae s’installe avec lui sur le lit et le tient toujours dans ses bras. Il le berce et, de temps en temps, il lui donne un peu de sang frais dans un verre. Aleksandr y trempe à peine les lèvres.
Il ne veut pas. Il ne veut pas vivre.
Pourquoi est-ce qu’ils comprennent pas ?


- Ca suffit ! s’exclame Vladimir.

Le seigneur des Carpates en a assez de voir sa plus belle réussite réduite à l’état de larve. Il n’en peut plus de le voir s’éteindre chaque jour un peu plus et surtout…Surtout, il ne supporte pas d’avoir sous les yeux un miroir de ce qu’il a été lui-même au moment où il a perdu Célestina. Son château plein de vie est devenu un mausolée.

- Je lui ai tenu la main pendant des siècles, je sais très bien de ce dont il a besoin ! Donne lui un massacre, amène lui de quoi baiser, il va se remettre tout seul comme il l’a fait pour Natasia !
- C’est différent, Vlad. C’est plus profond. Je sens encore la souillure de l’autre à l’intérieur de lui. Il ne s’est pas purgé de son sang, il ne VEUT PAS se purger de son sang.
- Alors amènes la, elle. Il l’écoutera, il fera ce qu’elle veut, c’est la seule femme qu’il ait jamais aimé, depuis sa naissance.

Lentement, Mircae leva la tête vers son frère, un air menaçant se dessinant sur ses traits.

- Hors de question. Tu les détruirais tous les deux.
- Arrêtes de traiter ton épouse comme une petite fleur fragile ! Elle est folle, pas idiote. Elle devrait être là, pour lui faire oublier l’autre miséreux. Je lui avais dit, je l’avais prévenu !
- Non.
- Non ?
- Non.
- Bien. Dans ce cas, tu ne sers à rien ici. Tu n’es qu’un cauchemar, une ébauche de son passé, un petit connard égocentrique qui a transformé un gamin instable et l’a laissé tomber sans même se battre. Tu n’es pas son Sire, Mircae, tu es juste un parasite.

L’inquiétude que ressentait Vladimir rendait ses paroles blessantes mais il ne s’excusa pas. Il se contenta de laisser son frère dans le grand salon et de se matérialiser directement dans la chambre d’Aleksandr. Le gamin ne tourna même pas la tête vers lui. Il fixait la lune, inlassablement, à travers les rideaux ouverts.

- Aleksandr.

Aucune réaction.

- Aleksandr.

Aucune réaction.
Vladimir le secoua par les épaules, l’obligeant à le regarder dans les yeux.

- Réveilles toi ! C’en est assez, je n’accepterais pas que cette saleté te détruise.

Il plongea la main dans la poitrine d’Alek, serrant son cœur entre sa main. La douleur irradia le corps du vampire, qui cligna des yeux plusieurs fois, comme un brusque retour à la réalité.

- Que…
- Qui es-tu ?
- Quoi?
- Qui es-tu. répéta-t-il.
- Je…Aleksandr.
- Aleksandr comment?
- Konstantinov…
- Tu as mis le doigt dessus, Konstantinov. Tu as le nom d’un prince, tu étais un prince et tu vas le redevenir. Cette larve pleurnicharde n’est pas l’héritier de mon royaume et de mon titre. Je t’ai mieux élevé que ça. Tu es un prince et tu vas retourner à la conquête de ton royaume. Tu vas repartir sur le nouveau continent et reprendre ce qui est à toi. Tu vas terminer ce que tu avais commencé et ne t’avise pas de revenir ou même de mourir avant que ça ne soit fait, tu m’entends ? Parce que je trouverais toujours un moyen de t’obliger à achever tes ambitions. Tu voulais régner sur le monde de la nuit, tu voulais asservir les humains, tu voulais créer l’apocalypse, et bien tu vas le faire, rien ne t’en empêchera plus jamais, tu m’entends ? Rien. Ni lui, ni personne. Je ne te demande pas de l’oublier, je t’ordonne de passer outre. Retourne là-bas et sois cruel, mon fils. La cruauté est un bon remède aux orgueils blessés. Redeviens ce que tu étais, redeviens le Prince que j’ai élevé. Qui es-tu ?

Avec un peu plus de conviction, Aleksandr répondit :

- Aleksandr Konstantinov.
- Et qu’est-ce que tu vas faire?
- Reprendre mon trône.