✤ Traits de caractères Son sourire vacille entre le sarcasme et la pudeur, le sadisme et la perversion. Redrum dissimule dans son regard abyssal des nuances d'imperfection, une folie frénétique ainsi qu'un fragment de bestialité. Elle est amnésique et légèrement paranoïaque, on la soupçonne également d'être factice – sa sensualité séduisante ne serait alors qu'un masque trompeur, couvrant la laideur d'une âme de volatile putréfié. Cette gamine à l'esprit bancal et indocile danse sous une démarche langoureuse, charme avec ses gestes languissants qui intensifient l'image qu'elle porte sur ses jolis traits. Innocente ? Certainement plus aujourd'hui. Sa peau pâle n'est que l'enveloppe charnelle d'une créature que la nuit entoure et que les vices animent chaque jour. Redrum, c'est un pantin aux pensées nihilistes, cyniques et impures. Rongée par la curiosité à laquelle se mêle une peur diffuse des autres, l'enfant pleure souvent la perte de ses souvenirs volés. Elle est meurtrie et mortelle, éphémère comme la dernière lueur du soleil sur une vaste étendue d'eau. Passagère d'un train qui n'a pour unique destination qu'un fatal et impénétrable Destin.

✤ Occupation diurne Quand l'astre doré s'évanouit et que l'obscurité se déploie sur la Louisiane, la demoiselle cesse d'exister en tant qu'individu réel. Elle devient un souvenir, un manque, un vide... Quelque chose qu'elle ressent jusqu'aux tréfonds de son être. Tu délaisses sa mémoire sans vraiment y parvenir, elle demeure présente dans ton crâne comme une image, un son – une apparition mystique qui hante tes songes. Seule, elle chancelle sur le plancher de son appartement, son corps se balançant au rythme de la musique que fredonne la radio. Parfois, Redrum s'endort sur le divan, son visage enfouit dans les coussins alors qu'une cigarette termine sa courte vie au fond d'une tasse de café. Parfois, la Métamorphe laisse son souffle vagabonder dans l'air nauséabond de la ville lorsqu'elle s'assoit sur son petit balcon urbain. Loin de la vue des Hommes, elle se perd dans un état juvénile et animal  – elle ne parle plus, ose enfin fermer les yeux pour laisser sa silhouette féminine s'abandonner à la nuit et disparaître dans la pénombre nocturne. Pourtant, la femme au plumage noir apparaît certains soirs entre les murs du Jazz Baby ; serveuse à la dégaine spectrale, elle ondoie ainsi entre les tables et les clients jusqu'à la fin de son service, aux aurores brumeuses et moites de Shreveport.

✤ Manies, habitudes & goûts Redrum perçoit ce que la plupart des gens ne voit pas, n'entend pas, ou considère prétentieusement comme des détails insignifiants. Néanmoins, chaque information, même infime, peut révéler l'entière identité d'une personne. Elle devient une ouverture pour l'imaginaire, une brèche vers l'inventivité que traque l'étrange volatile. Chaque histoire peut ainsi être tissée par un simple détail, et voilà un plaisir secret que celui de créer des anecdotes anonymes.
LIKE : la chasse ; la taxidermie ; la pluie ; les insectes ; les rumeurs ; les religions ; les enterrements ; se perdre quelques heures dans un livre ou quelque pensée ; s'amuser.
DOESN'T LIKE : l'eau ; les hôpitaux ; son amnésie ; l'informatique ; les zoos ; manger en compagnie de quelqu'un ; les bambins et les enfants ; les vieilles personnes, tant qu'elles sont bien portantes ; les vivants, de manière générale.

✤ Transformation Le changement d'aspect est pour elle aussi fréquent qu'indolore. Et quand la métamorphose s'accomplit, la poupée d'ivoire devient un oiseau de charbon – ses yeux cendrés demeurant presque identiques à travers les deux incarnations que prend son âme. Pour tracer le portrait de son enveloppe bestiale, il faudrait décrire un singulier corbeau ; une paire de grandes ailes sombres recouvrant une chair chétive et décharnée. L'animal disgracieux est pour d'aucuns, prophète du crépuscule funèbre, sur lequel la lumière ruisselle et le sang s'accroche. Son bec, funeste lame du charognard, surveille le trépas des autres et annonce le deuil. Redrum attend la venue de la Mort, quelle que soit la forme qu'Elle adopte, et c'est à sa voix, à son chant distinct, que l'on peut savoir où rode la Camarde. Le croassement retentit hors de sa gorge comme une promesse immuable et éternelle : « Prochainement, je serai là.  »

✤ Convictions L'époque de la Révélation appartient aux jours lointains – et pourtant si proches, que la Métamorphe égara dans les limbes de son esprit. Par conséquent, il n'y a pour elle ni avant, ni après, mais seulement un amer présent dans lequel les êtres surnaturels infectent la population humaine. Entendons-nous : Redrum n'éprouve nulle aversion particulière envers les simples mortels, car pour elle, tout homme  agité par cette convulsion bouffonne que l'on appelle vie se vaut. Une cervelle bouillonnante ou un cœur vrombissant ne change guère d'un étui à un autre. Non, ce qui importe véritablement, ce sont les actes et les paroles. L'existence et le déclin en tant que concepts fondamentaux ; c'est à cela, et cela uniquement, que l'on peut considérer autrui. Est-ce alors faire preuve de tolérance, d'une naïve outrecuidance ? La réponse, lecteur, repose derrière le miroir des orbes profonds et sur les lèvres rougeâtres et sanguines de la fausse ingénue.  

✤ Signes particuliers De grandes cicatrices courent sur son dos, montant sur son échine et étendant leur disgrâce sur le cou immaculé de la jeune femme. Du reste, Redrum est sourde de l'oreille gauche mais n'éprouve aucune gêne par rapport à cela. Disons qu'elle n'a jamais connu de meilleure condition physique, et que cela ne l'empêche pas d'être une excellente chasseresse.

« J'ai perdu mon identité au fond d'une rivière poisseuse. Dépouillée de ma mémoire, je n'ai que quelques vagues et brèves apparitions de mon passé. Je suis encombrée par ce vide, et pourtant je sais qu'il me procure une délicieuse liberté. N'est-ce pas paradoxal, d'être soumise à une liberté trop vaste ? » son regard se détourna du reflet qui apparaissait dans le verre vide. Elle sourit un instant, d'un sourire songeur et inconscient, avant de reprendre son monologue intime avec une soudaine lassitude.  

« Par moment, la vie me semble si lointaine. Si proche ! Je ne sais plus quoi en penser, je dois avouer que cela est, en un sens, déroutant. Le corbeau se repaît de la dépouille fétide de la vie et c'est ainsi. Cela me convient tout à fait, cependant j'avoue ne pas pouvoir résister à l'attrait des vivants. Eux qui ont cherché à retrouver mon histoire, n'ont rien trouver de probant. » elle se tait  quelques minutes. « Je n'ai pas d'ami, ni d'amant. Mais j'ai des secrets, et des envies. Vois-tu, on a abusé de moi. Les balafres que tu vois sur mon dos ont été causées par des individus dont je ne connais rien. Rien. Je n'ai aucun souvenir de ce temps-là, aucun. » une étincelle lubrique traversa ses prunelles. « Mon véritable prénom est oublié et n'a plus d'importance. Aujourd'hui, je suis Redrum. Murder. Les pensées qui percent mon âme, qui se déploient en moi comme les ailes d'un grand volatile ont fait de moi celle que je suis à présent. Redrum, c'est moi. Le spectre rieur qui oscille entre femme et animal, que les hommes caressent ou maudissent. Je suis l'instrument de la Fatalité, celle que l'on ne voit pas mais que l'on ressent malgré tout. Un soupire dans la foule, un frôlement discret et délicat. Une présence invisible, un oiseau charognard depuis ma renaissance. C'est ce que je suis, et cela me plait. »

Sur ces paroles, elle se pencha en arrière et croisa les bras sur sa poitrine. Un rictus satisfait apparut aux commissures de ses lèvres tandis que sur son épiderme, un fin duvet noir commençait à apparaître. Puis, en l'espace d'un battement de cils, le duvet se changea en un plumage épais et presque admirable. Presque, car certaines plumes étaient abîmées, cassées. Toutefois, l'oiseau avait cette même beauté qu'avait son alter ego ; quelque chose d'attirant en dépit de son caractère atypique. Elle était belle oui, et meurtrière. Ses mains comme ses serres avaient l'emprunte inaltérable du sang, et son vol, souple et agile, démontrait une parfaite maîtrise de ses capacités surnaturelles.