Il y a l’Akhsiel d’autrefois, et il y a l’Akhshiel du présent. Autant dire qu’on parle de deux caractères totalement distincts. Il faut soulever que certains évènements de son existence l’ont bouleversé, jusqu’à modifier l’essence même de sa personne. C’est ce qu’on appelle plus communément les conséquences d’un traumatisme non résolu.
Les rares personnes à l’avoir connu dans sa grande jeunesse se souviennent de lui comme d’un jeune homme effacé, peureux, incapable d’affronter l’incarnation la plus inoffensive du mal. Si vous permettez l’expression, il était à proprement parler un loup avec la queue entre les pattes. Pacifique et fuyard, il profitait toujours de la présence des autres éléments de la meute pour s'éclipser en pleine chasse. C’est à la disparition de ces derniers qu’un changement radical s’est opéré en lui.
La peur qui lui glaçait le sang quand il n’était encore qu’un enfant s’est développée en lui et a laissé place à la haine, ainsi qu’à la colère. Dès lors, deux êtres à part entière se partagent son esprit. L'un humain, désireux de vivre, souriant et avec un sens de l'humour propre à sa personne ; l'autre plus animal, animé par le désir de vengeance, parfois blessant dans ses propos, têtu et déterminé. Son assurance naturelle en fait un homme des plus charmants... Et sans tomber dans la mégalomanie c'est un stratège, un débrouillard doté d’un profond respect pour l’Humain et de valeurs plus solides que du béton armé.
Officiellement, Akhshiel se charge d'enquêter sur diverses affaires dans Shreveport. On raconte qu'il est spécialisé dans les meurtres douteux et que les autorités ont déjà fait plusieurs fois appel à ses services ainsi qu'à ceux de son jeune neveu, Camden Thrackeray. Officieusement, c'est le nettoyeur de la ville. Il s'occupe, avec un appui des plus chaleureux de l'AVL, de se débarrasser des créatures qui font tâche dans la société -celles qui s'en prennent aux humains sans se soucier au préalable des conséquences de leurs actes, pour la plupart des vampires. Entre ces deux activités pour le moins prenantes, Akhshiel tente de mener une existence relativement agréable... Il ne néglige pas les soirées entre hommes, passées avec Camden, ainsi que celles au bras de demoiselles rencontrées sur le moment -il n'est pas encore parvenu à se fixer sentimentalement parlant.
Listez vos manies, vos habitudes, ce que vous aimez faire, ce que vous n’aimez pas, bref une petite liste pour montrer votre personnage sous son vrai jour.
Lors des nuits de pleine lune et lorsque la situation le requiert, Akhshiel adopte le physique d'un loup gris. Seules ses deux iris bleu demeurent inchangées. La transformation a toujours été pour lui une épreuve douloureuse, dans la mesure où chaque fois il est contraint de perdre sa chair pour laisser place à un prédateur, une créature non-humaine qui s'empare de son âme comme une sangsue. Heureusement pour lui, les années auront su l'y habituer, et lui auront appris à dominer ses démons intérieurs avec aisance. Jadis, Akhshiel faisait parti de la meute Nolan, il était d'ailleurs le fils du chef de cette dernière. Néanmoins, cela fait bien longtemps qu'elle a été dissolue, et qu'il n'appartient plus à aucun clan.
Cachés ou sous la lumière, les vampires demeurent inchangés, assoiffés, manipulateurs, nombrilistes. Le seul point positif de leur coming out réside dans le fait qu'il puisse enfin exercer son métier librement, sans avoir constamment à justifier les actes les plus étranges qu'impose la traque des buveurs de sang.
Pourquoi faut-il toujours être différent ? Pour exister. Hélas Akhshiel n'a rien de particulier, pas plus qu'un autre du moins. C'est peut-être ce qui le ramène constamment à son passé; toujours, il n'est qu'une goutte dans un océan d'âmes prodigieuses.

Le Mercredi 27 Août 1913, Juneau (Alaska).
« Why should we live with such hurry and waste of life... When we are unhurried and wise, we perceive that only great and worthy things have any permanent and absolute existence, that petty fears and petty pleasures are but the shadow of the reality. » Une main se posa sur son livre, l’empêchant de poursuivre sa lecture. Elle portait une bague qu’il connaissait bien, puisqu’il possédait exactement la même. Il suivit des yeux la continuité de son poignet, fin, puis de son avant-bras, de son épaule, pour voir enfin le visage de sa sœur. Comme à son habitude, Mona était rayonnante, fière, avec cette malice au fond du regard qui la caractérisait. Il lâcha l’ouvrage qu’elle rattrapa tout en s’asseyant près de lui, sur le divan de la bibliothèque. Mona lut quelques lignes avant de le jeter sur la table basse, la mine désintéressée. Finalement, elle approcha de son frère, posa sa tête contre son épaule avant de soupirer : « Je ne vois vraiment pas pourquoi tu passes ton temps enfermé ici, il fait un temps magnifique dehors… » Un sourire confiant s’esquissa sur le visage du jeune homme, dont le regard se perdait au milieu de nulle part, avant de se poser sur une silhouette qui pénétra également la pièce. Ce même sourire s’évanouit soudainement. « Si tu te caches de la lune, rassure-toi elle n’arrive que ce soir. » Un rire cinglant s’échappa de la bouche de son cousin qui, avec toute la nonchalance du monde, s’affaissa dans un des grands fauteuils qui lui faisaient face. « Akhshiel, Akhshiel, Akhshiel ! Sors un peu de tout trou, ou bientôt tu auras le teint si blafard que tu père te confondra avec un vampire. » Il but une gorgée du brandit qu’il tenait entre ses doigts fins avant d’ajouter. « Il va falloir chasser, j’espère que tu ne l’as pas oublié. » « Laisse-le tranquille, Fenrir ! » Sourire carnassier de sa part. Tourmenter son cher cousin était entre toutes ses occupations la plus amusante et pour cause, Akhshiel était une victime idéale; il ne répondait jamais à ses interminables monologues. C’était un faible et il en était parfaitement conscient, au grand damne de son père. Il n’avait pas l’étoffe d’un chef de meute, d’ailleurs à sa disparition, Nethanël comptait sur la présence de Mona pour veiller sur lui et sur ses décisions. Elle l’avait toujours fait malgré son jeune âge, c’était une louve pleine d’entrain et de bonne volonté, qui refusait de croire que son frère était un bon à rien et qui ne cessait de le chaperonner, au risque d’aller à l’encontre des autres membres de leur famille qui peinaient à accepter qu’un jour, Akhshiel serait à leur tête. Ils avaient bien plus de respect pour Mona, qui contrairement à lui était devenue une des leurs au péril de sa vie –les profondes marques de morsures et de griffures sur l’ensemble de son corps en témoignant.


Le Vendredi 14 Février 1926, une forêt perdue en Alaska.
La terre était recouverte d’un épais manteau blanc, la neige tombait depuis la tombée de la nuit et à présent elle s’étendait à perte de vue, figeant les forêts du nord dans l’espace temps. Pas un bruit ne se faisait entendre, rendant la silencieuse chute des flocons encore plus accablante. Sous le conifère qu’il avait choisi pour s’abriter, Akhshiel admirait la nature sans un mot. Quelques larmes roulaient sur ses joues, et se cristallisaient au contact du froid. Un drame était arrivé quelques heures auparavant. Un drame qu’il n’avait évité que par un acte : la fuite. Alors qu’une lutte sanglante avait éclaté entre les siens et les non-morts et non-vivants, il avait pris ses jambes à son cou et s’était effacé du champ de bataille. Mona l’avait suivi, refusant de le laisser seul en pleine nature, et dès lors voilà qu’elle gisait inerte dans ses bras, pétrifiée par la température excessivement basse des alentours. Akhshiel avait pensé à faire du feu, mais il aurait certainement alerté les créatures aux dents longues jusqu’à eux, aussi il s’était contenté de l’envelopper tout contre lui, dans son manteau de cuir. Il approcha sa bouche de son front et l’embrassa comme il le put. Le lycan releva finalement la tête, scrutant le ciel parsemé d’étoiles. Il espérait tant que l’aube daigne enfin se montrer. Lui-même commençait à douter de sa capacité à survivre jusqu’aux premiers rayons du soleil. Il maîtrisait jusqu’à sa respiration, elle ne devait pas se faire trop insistante… Attirer l’attention sur eux dans un moment pareil signerait leur arrêt de mort. S’efforçant de ne pas s’endormir, il attendit que le voile de la nuit se retire.
Au petit matin ils se remirent en route avec difficulté mais ils parvinrent à quitter le pays, saufs mais meurtris. Leurs chemins se séparèrent trois ans plus tard, quand Mona rencontra un sorcier duquel elle s’éprit. C’était un dénommé Thackeray, Howard Thackeray. Akhshiel garda contact avec sa sœur par le biais de lettres, mais un jour les lettres se firent moins fréquentes, et finalement, ils cessèrent définitivement de s’écrire. Néanmoins, en dépit des années, les sentiments sincères qu'ils avaient l'un pour l'autre restèrent intacts. Akhshiel n'avait juste plus besoin d'elle pour survivre dans la jungle que formait le monde, le prédateur qui sommeillait en lui avait repris ses droits. Peut-être trop tard. Les hurlements des siens hanteraient à jamais son esprit. Et au fil des mois écoulés il ne parviendrait qu'à une conclusion : Fenrir avait raison, pour lui la chasse avait enfin commencé.

Le Dimanche 29 Mars 1996, manoir des Thackeray, Shreveport (Louisiana).
Neuf heures trente-quatre du matin. La ville s’était comme évanouie, méconnaissable. On discernait à peine les lampadaires qui se perdaient dans Shreveport ; tout était dissimulé par un étrange brouillard, et çà et là on percevait des éclairs qui s’abattaient comme des javelots envoyés par les dieux, qui se contentaient d’illuminer un quart de seconde le blizzard avant de disparaître sur le bitume. Conduire par ce temps était un véritable cauchemar pour tout un chacun, mais conduire par ce temps suite à une pleine lune agitée s’avérait d’autant plus agaçant pour quiconque craignait les foudres du satellite. Akhshiel avait déjà du retard, -beaucoup de retard-, une heure trentre-quatre pour être précis. Il s’était réveillé à l’heure à laquelle son rendez-vous avait été fixé, à moitié nu au milieu d’un parc départemental… En dépit du temps qu’il lui fallu pour revenir totalement à lui, il avait dû retourner à sa chambre d’hotel pour prendre une douche et se vêtir convenablement. Acte manqué ou non, il ne savait plus exactement s’il devait se rendre à Conven Garden à présent. Comment pouvait-on prendre au sérieux un homme qui se permettait une heure de retard dans un moment pareil ? Il reconsidéra la possibilité de ne pas y aller, d’abandonner, mais alors sa conscience le rappela à l’ordre, et lui remémora tout ce qu’on lui avait déjà dit la veille. Orphelinat. Familles d’accueil à répétition. Non, il ne voulait pas de toutes ces choses pour lui, certainement pas. Comment s’appelait-il, déjà ? La mémoire lui reviendrait certainement une fois au manoir.
Face à cette immense bâtisse, Akhshiel sentit un certain malaise le prendre. C’était ici. C’était ici que sa sœur avait vécu, qu’elle avait enfanté et qu’elle avait finalement succombé. C’était ici que ses neveux et nièces avaient à leur tour vécu et donné naissance à d’autres membres de sa famille. Les survivants. Les gênes lycans avaient certainement dû se perdre dans ceux des sorciers Thackeray, pensa-t-il. Il n’avait pas tord, puisqu’il n’en restait rien, mais il ne découvrirait assez vite. Parvenu jusqu’au porche, il leva enfin la main et frappa trois grands coups distincts à la porte d’entrée. L’instant était critique, certainement pas idéal pour l’appel qu’il reçut au moment même où l’assistante sociale lui ouvrit. « Hey, Akh ! C’est James… J’aurais besoin de toi, je suis à la cinquième avenue, on vient de retrouver le cadavre d’El… » « James, écoute c’est vraiment pas le moment je te rappelle plus tard. » Il venait de le couper, ne tenant pas à en entendre plus. Il n’avait certainement pas la tête à ça, et le temps lui faisait toujours défaut. « Quoi ? Non mais c’est hyper important, ce que j’essaye de te dire c’est que… » Que pouvait-il y avoir de plus important ? Strictement rien. « À plus tard, James. » Il coupa court à la conversation en raccrochant sans plus attendre et se chargea d’éteindre son téléphone. Son regard était encore dur quand la demoiselle lui fit signe d’entrer. « Monsieur Nolanssen, vous voilà enfin ! Très heureuse, Margaret Fincher. » « Excusez-moi du retard, je… La nuit a été relativement mauvaise. » Margaret s'empressa de lui serrer la main, visiblement peu rancunière. « Je comprends tout à fait, j'ai moi-même eu du mal à m'endormir la nuit dernière... C'est probablement la peine lune, on sous-estime trop ses effets ! » Rire jaune. Lui qui cherchait à détendre l'atmosphère, inconsciemment Margaret venait d'en rajouter une couche.