Janvier 2013- Washington FBI Headquarters

Je faisais des vas et viens dans le bureau, refusant de croiser le regard de celui que je considérais comme un opportun, soupirant d'exaspération à chaque question qu'il avait à me poser pour le seul principe d'avoir à établir mon profil psychologique après incident. J'étais déjà folle aux yeux de tout le monde et je devais me taper l'examen quand même? Come ON !

« Écoutez, je ne vois pas pourquoi je suis là, je vais BIEN . »

Ce n'était pas totalement vrai, je savais parfaitement pourquoi j'étais là, je n'en voyais tout simplement pas l'utilité. Mais politique du bureau, l'examen psychologique était obligatoire même si je doutais du fait que ce gratte-papier puisse être en mesure d'accuser la moindre information que je viendrais à lui confier. Il ne vivait pas sa vie sur le terrain, juger de loin et le vivre au jour le jour n'avait absolument rien à voir et ça, en plus de l'idée d'avoir à être approuvée par un mec qui n'avait aucune idée de sur quoi il travaillait me rendait hors de moi. Il voulait que je m'assoie ? Pourquoi, pour que je vienne à lui rapporter le moindre petit bobo qui me soit arrivé depuis la dernière fois que je me suis retrouvée ici ? Cette bonne blague.

« Votre père est mort il y a deux mois, n'est-ce pas ? »

Quoi? Qu'est-ce que cette question avait quoi que ce soit à voir avec l'attaque du bureau par une bande de vrais ? Qu'est-ce que ce petit fonctionnaire cherchait à savoir, là. Furieusement, je balayais les ornements qui se trouvaient sur son bureau, plantait ma main sur le buvard qui protégeait le bois de son écriture et me penchait vers l'homme en pointant mon index à quelques centimètres à peine de son visage.

« Je vous interdis de parler de mon père, il n'a rien à voir dans toute cette histoire. »

Cet abruti avait l'air bien trop satisfait de lui à mon goût. Il y avait quelque chose d'absolument surréaliste à me retrouver ici, dans cette pièce, à poireauter comme un animal en cage entre deux agents qui semblaient bien plus stressés que moi à l'idée d'entrer à leur tour dans la salle fatidique. Des agents qui venaient à entrer et ressortir, certains en pleurant de joie, d'autre de déception... Certains mêmes semblaient prêts à fondre en larmes parce que leurs nerfs ne tenaient pas la distance, quoique le psy leur ait débité les abattant suffisamment assez pour les démolir moralement encore plus que lorsqu'ils étaient entrés. Et ça voulait résister à une unité?? Si ça ne savait même pas tenir un simple entretien avec un doctorant, assez banal en soit mais chiant à souhait, je ne pouvais pas les imaginer vivre au jour le jour le stress qu'un tel boulot peut imposer pendant des années. Au moins il avait eu le chic de les décourager ou au moins leur faire revoir leurs priorités mais c'était vraiment le seul avantage que je trouvais à l'homme alors que je reprenais mes distances pour refaire les cents pas. En entrant enfin dans la pièce qui avait su en effrayer tant d'autres, je ne savais pas trop à quoi m'attendre, mais certainement pas à ce qui se présenta à moi: un gringalet. Sérieusement, du haut de mes 31 ans je ne me considérais pas la plus âgée du lot mais avoir devant moi un gosse de 27 ans fraîchement sorti de l'école mit un coup à ma tolérance sur les collègues qui ne faisaient pas partie de mon unité: j'étais la bête noire du coin, et ce n'est pas en démontrant leur éternel support que les bureaucrates allaient gagner des points avec moi. Pour autant que je me sentais concernée, j'étais en territoire ennemi ici et tout dans mon attitude le fit comprendre au jeune thérapeute slash profiler. Si au moins il avait pu avoir l'air d'un vieux tout décrépi.... Mais non. Et il se tenait assis de manière relaxée et m'attendais pour pouvoir recommencer à parler; je ne devais pas être le genre à juger quelqu'un sur son âge, après tout j'étais chef d'unité avant même que lui ne s’assoie dans ce fauteuil mais vraiment... Comment vouliez-vous prendre quelqu'un au sérieux quand il se présente à vous comme ça ? Il avait su faire pleurer les agents qui m'avaient précédés ? Je restais persuadée que de nous deux, c'est lui qui allait pleurer après sa mère une fois que j'en aurais terminé avec lui. Au moins il ne tourna pas énormément autour du pot et avait coupé directement dans le vif du sujet.

« Est-ce que vous avez commandité l'attaque sur le QG de Shreveport, dans le but d'attirer l'attention et de faire valoir vos opinions ? »

Là. Juste ça. J'aurais pu le tuer juste pour imaginer que j'allais m'allier à des Vrais pour le seul plaisir de revendiquer mes allégations; je ne l'avais pas fait pendant les années qui avaient mené à la Révélation, mais les costards cravates des étages d'en haut se posaient toujours la question ? Bonjour la confiance, je regrettais de moins en moins d'être de plus en plus libre d'eux. Ma réaction fut une réponse suffisante pour lui, et il ne tarda pas à lever les bras en sédition avant de me faire remarquer que certaines questions étaient nécessaires pour juger de ma façon de gérer la vérité ou de mentir. Ce type était un polygraphe humain ou quoi?! Je le voyais gribouiller quelque chose sur sa feuille de note et puis enfin relever le visage vers moi, son regard croisant le mien alors que je n'eus aucune difficulté à imaginer à quel type d'homme j'avais affaire. Il avait l'apparence d'un gringalet, mais avait les yeux d'un rebelle et c'est avec plaisir que je soutins son regard.. Un regard défiant comme celui que je venais de recevoir ne pouvait venir que des employés les plus wild du campus... et cela dessina un sourire carnassier sur mon visage alors que je tenais ce regard qu'il espérait sans doute intimidant. Ni lui ni moi ne nous lâchions des yeux, alors jusqu'à ce qu'il reprit la parole et mena l'entretien de main de maître jusqu'à m'exaspérer et guider la conversation vers la mort de mon père. Sérieusement, tout s'était si "bien" commencé, il avait fallu qu'il dérape, l'abruti. Ma famille était quelque chose de sacré chez moi et ne pouvant pas exactement fondre en larmes devant n'importe qui, la seule réaction logique qui suivit fut la colère: la colère est normale, la colère est facile à gérer. Et le petit jeune faisait l'erreur de me mettre dans une humeur sombre en ramenant un souvenir si douloureux sur le tapis. Que pensait-il, hein ? Mon père meurt d'un infarctus et trois semaines après, un groupement vampire met le QG à feu et à sang en ne laissant que peu de survivants et une multitude de blessés ? Qu'est-ce qu'il sous-entendais, exactement ?!

« Le Bureau souhaite avoir une idée de votre état d'esprit lors de l'embuscade... »

Savoir si j'avais la tête sur les épaules, oui. Trouver le moyen de voir s'ils peuvent m'imputer ce massacre et avoir leur bouc émissaire par la même occasion. Après tout, nous ne sommes plus à une forme de désinformations près.

« Parlez moi de vous... »

Assurément, il se fichait de moi. N'avaient-ils pas des tonnes et des tonnes d'informations sur "Mulder", dans les archives du Bureau ? Je devais être l'élément qu'ils gardaient le plus à l'oeil sans pour autant l'admettre et JE devais parler de MOI à un toubib qui avait probablement eu son diplôme dans une boite de poudre à lessiver ?! Cette bonne farce.

« Pas besoin, il suffit de demander à vos patrons pour ça je suis sûre qu'ils auront de quoi remplir vos jolies petites remarques sur moi. »

Je termine ma phrase sur une note presque murmurée, tâchant autant que possible de ne pas songer à quel point ces questions restaient inutiles. Elles étaient entrecoupées d'autres, plus spécifiques, moins accusatrices et c'est pendant ces occasions que je trouvais à me calmer. Tout y passa, cependant: l'internement psychiatrique de ma mère et la curiosité de savoir pourquoi elle en était là -je pris un malin plaisir à rappeler à l'homme que la schizophrénie se manifestait durant une tranche d'âge que j'avais maintenant dépassé et ce con me rappela qu'il n'était jamais trop tard pour des breakdowns émotionnels- j'allais le tuer.. Puis on vint à parler de mon frère et là, la conversation fut déjà plus courtoise, selon le type de pitrerie que je relatais au médecin pour imager un peu le genre de relation que je maintenais avec mon grand frère. Bien sûr, cet abruti ne retint que le fait qu'il s'agissait là de l'homme qui m'avait appris à me battre, à tuer, à me servir d'une arme. N'allais-je donc jamais rien pouvoir dire qui pourrait être pris pour l'innocent que c'était réellement? Tout devait-il nécessairement être mal interprété ? Du feu de mes convictions au silence presque solennel de mes déceptions, personne ne savait vraiment comment réagir.

« Maintenant me semble une bonne occasion de vous faire savoir que je lis à l'envers... »

Il plia sa feuille comme si le geste allait pouvoir protéger ses écrits de mon observation, avant de laisser tomber et la jouer "cool" en prétendant qu'il n'avait rien à cacher. Mouais. On y croit.

« Nos archives indiquent l'enregistrement d'un suspect, un certain A. Llywlyn. Mais nulle personne de ce nom corresponds à l'enregistrement des témoins après l'incident, pouvez-vous m'expliquer pourquoi ? »

Je laissais un ricanement soufflé s'échapper de mes lèvres avant de m'installer de nouveau un peu plus confortablement sur le siège où je mettais précédemment installée. Je lui parlais du fait qu'il avait été enregistré en qualité de suspect, mais que les circonstances avaient fait qu'il n'avait pas été retenu. Je soutenais d'ailleurs son regard, songeant à quel point j'allais faire regretter cette décision à la personne qui l'avait engagé comme suspect dans notre base de données: le vampire n'était même pas encore au poste qu'il était déjà dans notre fichier ?

« Si vous pensez que l'arrestation d'Alessandro est ce qui aura causé l'attaque, vous pouvez déjà retirer cette idée absurde de votre tête. Il n'était qu'une personne d'intérêt dans une affaire que j'étudiais, et je n'ai pas jugé utile de le garder après le capharnaüm général qu'a été cette nuit là. Si vous voulez blâmer quelqu'un, je vous en attends. »

Ouvrant les bras dans une invitation narquoise, j'attendais sa prochaine question avec appréhension, mais en même temps je m'attendais à ce qu'elle serait.

« Donc il n'y a rien entre vous et ce vampire ? »

Ewww, non pas qu'Aless' soit moche mais je préférais de loin jouer avec lui plutôt que lui tomber dans les bras.

« Écoutez, la seule chose dont se soit rendue coupable Alessandro est d'être l'une des raisons pour laquelle nous comptons autant de survivants aujourd'hui, alors lâchez l'affaire, vous ne saurez rien de plus à ce propos. »

« Il n'y a donc rien entre vous et lui. De manière non professionnelle, je veux dire... »

C'est qu'il insistait, le gaillard ! Il fallait se douter du fait que la question de la compromission émotionnelle risquait de se montrer d'une manière ou d'une autre. Peut-être était-ce pour ça que les autres étaient sortie en larmes plus tôt? Parce qu'on avait osé leur rappeler à quel point elles avaient pu être solitaire de ce côté là? Personnellement, mon regard se voila l'espace d'un instant alors que je revoyais une chevelure châtain voler au vent devant moi, alors que dans un jeu qui nous était commun je courais après celui qui aurait pu tout changer en savourant son rire. Le souvenir mourut sur un écho de sa voix alors que je reprenais doucement mes esprits et offrit à mon interlocuteur un sourire désolé et ne manquant pas de conviction.

« Pourquoi ? Jaloux ? (...) Écoutez, je passe mes journées au boulot, bien souvent au delà des horaires normaux de travail tout simplement parce que mon job n'a rien de conventionnel. Je n'ai pas le temps pour une aventure; il faudrait d'abord que je soie intéressée, pour ça. Mais promis, dès que j'ai le temps je t'appelle... »

Il m'offrit un regard horrifié alors que sa main vola derechef vers son col comme si cela pouvait le protéger d'une quelconque manière. Pensait-il que j'allais l'étrangler ? Le prendre par la cravate pour l'attirer à moi et le ravir sur ce bureau ? Ce type m'avait tellement énervée aujourd'hui que je me voyais bien me détendre un bon coup en profitant de lui mais ce n'était pas sûr que le Bureau voie d'un bon œil une employée qui profite de la moindre occasion pour se faire laminer juste parce qu'elle n'y met pas du sien en temps normal. Libertine, peut-être, accumulant les one night stand comme personne, le thérapeute avait finalement perdu de sa superbe et déglutissait difficilement en craignant sans doute que je m'empare de lui.. Je venais à en rire doucement, avant qu'il finisse par me rejoindre dans mon ricanement, terminant ainsi l'entrevue sur une note plutôt agréable... Il me remercia de ma patience, tremblant légèrement en prenant ma main, annonçant faire part de ses découvertes à qui de droit et que j'allais sous peu avoir droit à une copie. Le sourire resta sur mon visage, bien qu'un peu moins volontaire et spontané qu'avant, alors que je me disais que chaque examen psychiatrique qui leur passait entre les mains était "la plus intéressante de la journée". Mais je ne m'arrêtais pas sur ces détails et me leva pour le saluer -en aucun cas le remercier!- souriant toujours alors que je tournais le dos pour quitter la pièce et attendre finalement le fameux "verdict"... Avec un vocabulaire pareil, l'entrevue passait presque pour un procès et c'est avec un sourire aux lèvres que je songeais au caractère idiot de mes pensées....