➽ Il dort très peu, et à peu près une fois par mois il va s'écrouler sur son lit et dormir pour un bon 20 heures ➽ Ne peut pas dormir dans le silence s'il est seul. Il dort avec la télé ou la radio allumée. ➽ Ne s'endort généralement pas avant les premières lueurs du matin; la lumière du jour lui permet de s'assoupir. ➽ Ses habitudes alimentaires sont très aléatoires; il grignote parfois toute la journée sans manger de grands repas; parfois il ne mange pas du tout. ➽ Il a la mauvaise habitude d'instinctivement mentir pour dire ce que la personne en face de lui a envie d'entendre; même s'il n'apprécie pas cette personne, il va mentir. ➽ Il voit toujours les défauts avant de voir les qualités chez les gens.

"Rouge."

"Bravo, Lonnie!"

Il se bouche les oreilles et se met à crier avant même que je ne finisse de l'applaudir. Il a horreur qu'on le félicite, j'ai souvent tendance à l'oublier. Je tire la prochaine carte et lui pointe le carré, qui semble plus clair que le précédent.

"Jaune."

Je ne vois que des teintes de gris. Mon grand frère Lonnie, lui, voit toutes les couleurs. Mais il a un handicap mental. Il est autiste. Me voilà donc allongé sur son lit, à lui pratiquer la cervelle. Je me demande ce que c'est, de voir les couleurs… Je me demande ce que c'est, d'être autiste. Il répond à mes questions. Il est tellement distrait. Des fois, il m'oublie. Il divague; je vois ses yeux se promener. Il bouge les doigts. Il sourit tout le temps. Il a un très beau sourire, aussi… Ma mère a bu pendant qu'elle était enceinte de lui. Elle me l'a avoué, la putain de salope…

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À peine avait-il accentué le mot tabou, que le jeune homme avait capturé l'attention de tous ses camarades de classe. Il avait réuni ses amis; petit meeting clandestin dans la cour d'école. J'en faisais parti même si je ne les affectionnais pas particulièrement. C'était mieux que quand je les avais à dos, et qu'ils dessinaient des pénis sur mon pupitre. Une ribambelle de garçons en uniforme, réunis autour du banc à proximité de l'édifice privé, en entouraient un seul. Il avait les cheveux plus clairs. Le seul assis; tous pendus au secret de ses lèvres. C'est quoi? Ça marche comment? Comment tu sais? Le cortège captivé pressait l'articulé de se proférer sur le sujet qui lancinait les nuits et les culottes de tous les gamins : le sexe. Parce que ça ne suffisait à personne de chercher "seins" dans google images, le brave William avait poussé ses recherches sur la question. Élève studieux qui abusait les profs de son charme venimeux, William était un dépravé. À l'intérieur de ce bel enfant se tramait une inclinaison prématurée, et bientôt le dénaturé s'en allait corrompre de sa perversion malsaine ses pauvres camarades.

"Il y a une façon de le faire seul. Je l'ai vu dans des vidéos l'autre soir. Il faut que vous essayez, c'est la sensation la plus magnifique. Je vais recommencer ce soir, c'est clair. Attends, je vous montre."

Sans complexe, William remonta son débardeur et tira son polo à l'extérieur de ses pantalons. Hanches polies; virilité précoce qui s'affirmait sur son ventre. Je m'écoeurais d'extase. Dégoûté à l'idée qu'un autre garçon me plaise, je ne voulais pas être celui qui regardait trop. Mais je fixais. Il défit le bouton…

"Non mais t'es fou? Fais-le pas pour vrai! Fais semblant!"

Les autres, assez surpris par l'audace de William, s'étaient resserrés autour de leur ami, agités par la crainte d'être décelés par un surveillant. Acte ambitieux et éhonté qui avait levé la confusion et le tumulte bruyant des autres. Leur innocence de gamin revenait les ébranler, comme s'ils commettaient le plus impardonnable des crimes. Ce dernier rhabillé, le silence était pourtant revenu, et les jeunes frétillaient à nouveau d'excitation. Le champion reprit ses explications, élucidant le mystère de l'auto-plaisir. Il précisa un peu comment faire; démontra par des gestes. Et quand tout le monde avait finalement l'idée, ils devinrent très pressés de rentrer…

"Tu vas essayer toi aussi, n'est-ce pas, Maxie?"

Et j'avais très envie d'essayer, mais ma pudeur était encore trop grande. "Jamais. Tu t'imagines si ma mère me voit?"

"Elle était pas pute, ta mère, avant de rencontrer ton père? Elle s'en foutra alors, non?"


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J'y avais pensé toute la journée en cours, et quand la cloche a sonné, j'ai fuit les lieux le plus vite possible. Sac à dos trop lourd étrillant mes épaules, j'enjambai ma bicyclette et je décampai. Mes camarades avaient leurs chauffeurs, ou alors papa dans sa voiture de luxe pour venir les chercher. Mais pas moi. Mon père était obnubilé par son travail depuis qu'il lui rapportait des sommes extravagantes; nos échanges étaient toujours limités à deux-trois leçons de morale par semaine. Et quand il n'avait rien à me reprocher, c'était bonjour-bonsoir-bonne nuit. Pareil pour maman; quand elle ne nous faisait pas à manger, elle s'en allait poursuivre ses fantasmes masochistes de jeune femme mal-aimée. À la connaissance de mon père, et de presque tout le quartier (les riches se connaissaient tous). Le pauvre Lonnie restait avec l'éducatrice spécialisée la journée longue, perdant toute notion de familiarité avec ses proches. Mais tout va bien quand on a des sous… C'était donc le vélo pour moi. Je me débrouillais assez bien sur la route malgré mon léger… handicap. Il fallait seulement faire plus attention aux feux de circulation. Mais quand on a personne pour veiller sur soi, on se débrouille. On devient absolu. Je tournai à droite, dans ce qu'était l'un des plus beaux arrondissements de San Francisco, et j'étais fier de dire que j'y habitais, même si je devais m'y rendre en vélo… Je l'ai vue, super belle, pleine de grâce, toute de blanc vêtue. Une magnifique dame aux cheveux sombres, au regard de braise, aux origines métissées, tantôt italienne, tantôt espagnole mais surtout, toujours latina. Il s'agissait de Mme Figaro, une amie de longue date de mes parents.

"Hé, Maxie! S'il-te-plait, j'ai besoin de ton aide. Tu peux approcher un peu? Il va faire quatre degrés cette nuit! C'est du presque jamais vu ici! J'ai peur que les pommes dans mon jardin meurent. Pourrais-tu m'aider à en cueillir les meilleures? Si tu fais un bon travail, tu auras une très bonne tarte aux pommes!"


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"Vous êtes sûre, Mme Figaro? À la cueillette de pomme, avec l'école, ils nous obligeaient à tourner la pomme avant de l'arracher, pour ne pas briser la tige."

"Non, non, petit. Crois-moi, j'ai fait ça toute ma vie. Il faut tirer la pomme avec sa tige."

Bien-sûr, Mme Figaro m'avait laissé tout faire seul. M'abandonnant dans son énorme jardin avec mes sacs en plastique, elle s'en retourna chez elle, son rire comme une poule qui glousse. Aussitôt ayant commencé à cueillir les pommes, je sentis ma nuque se détériorer. Mon bras éreinté saisit d'abord une pomme, et la fit tourner, avec répréhension, jusqu'à ce qu'elle s'arrache. Mais l'impatience me rendit la main fébrile, et je tirais les pommes dans le sac. Je ne voulais qu'une seule chose, et je n'allais plus pouvoir attendre… J'arrachais des branches entières, et avant de ne décimer tout le jardin de Mme Figaro, je laissai tomber le sac par terre et je courus à l'intérieur. Je n'allais pas non plus pouvoir attendre de rentrer à la maison. Il fallait le faire là, et tout de suite. "Je vais aux toilettes." Elle me demanda si je savais où elles se trouvaient, et je n'en avais aucune idée, mais je continuai mon chemin sans rien dire. Dans cette grande maison, il devait y avoir au moins quinze chambres d'amis. Elle n'allait jamais me trouver si j'en occupais une pour quelques moments. J'en trouvai une, je fermai la porte derrière moi et je m'exécutai. Comme William me l'avait montré. J'enlevai mon débardeur; mon polo. La porte grinça, poussée par un désir de convoitise. Je défis le bouton, la fermeture. Un oeil pervers observait, à travers l'entrebâillement. Mon pantalon et mes culottes tombèrent à mes chevilles étroites. J'agrippai mon…

"Dios Mío, mais qu'est-ce que vous faites?"

Complètement figé. Mes jambes caramélisées; mes bras refusaient de bouger, ne serais-ce que pour me revêtir. Elle était rentrée dans la chambre; j'avais peur qu'elle me gifle. Elle s'assit sur le lit; me fit signe d'approcher. Elle remonta mes culottes et mes pantalons, comme une mère qui habillait son enfant. Je retins mon souffle. Silence absolu. Elle me demanda ce que j'essayais de faire au juste, me fit signe de s'asseoir auprès d'elle. Honteux, je lui ai tout raconté.

Elle me caressa la cuisse.

Un sentiment noir me traversa le corps, remonta jusque dans ma gorge. Ce n'était certainement pas une certaine masculinité hâtive qui la poussait à toucher mon corps. C'était malsain, et je le savais. "Tu veux que je te montre, ce que ton ami William essayait de t'expliquer?" Je fis oui de la tête. "Mais tu ne dois pas dire à personne. Même pas à papa. Même pas à maman…"

Mme Figaro laissa libre cours à sa concupiscence, oublieuse du fait qu'elle insufflait en moi le désir d'être humilié.

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