◊ LE DEBUT DE TOUTE CHOSE

Zéphyr était tout jeune lorsque ses parents sont morts, à Chicago. La ville du crime. Enfin, aux Etats-Unis du moins : il y a des villes au taux de criminalité bien plus élevé ailleurs dans le monde, comme au Brésil par exemple. Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse.
Il a donc été élevé par ses grands-parents, du côté de sa mère, qui étaient grecs et étaient venus en Amérique avant la naissance de leur fille.
Quand il était petit, il a toujours cru qu'il descendait du dieu du vent, à cause son prénom surement. Mais en fait il n'en était rien, il le découvrit assez vite. En effet, il ne l'avait pas remarqué au début, ou peut être ne comprenait-il tout simplement pas ce qui lui arrivait mais petit à petit, il découvrit qu'il parvenait à sentir les émotions des gens autour de lui. Ses grands-parents, en premier, surtout sa grand-mère en fait. Plus les gens étaient proches (famille, amis) plus il avait de facilité à capter leurs pensées. Peut être juste parce qu'il les connaissaient mieux.
Il trouvait ça étrange, et parfois ne savait plus si ce qu'il pensait venait de lui ou des autres, mais ça l'intriguait et d'un côté, ça lui plaisait de ne pas être comme les autres.

L'inconvénient, c'est que peu à peu, il se mit à ressentir les émotions des gens à une plus grande échelle autour de lui et sa tête se fit pleine de choses qui ne lui appartenaient pas. Il avait souvent des migraines affreuses et ne savait plus où il en était. Plus il grandissait et plus il s'isolait des autres pour ne pas que ça s'agrave mais ça ne s'arrêtait jamais, même tout seul, il captait toujours quelque chose.
Il hurlait parfois, seul, quand ce qui se passait dans sa tête le dépassait et le faisait souffrir, quand il ressentait la peine ou la colère des voisins qui avaient des problèmes de couple. Ou l'inquiétude de sa grand mère quant à ce qui lui arrivait.
C'était en plein dans son adolescence et c'est dans cette période-là que sa grand-mère, le voyant s'isoler de plus en plus et ne pas savoir comment se débrouiller avec son esprit, lui appris à coudre. Petit à petit, ne restant pas longtemps avec lui dans sa chambre pour ne pas qu'il ressente trop fort ses sentiments à elle. La couture eut, contre toute attente, un effet grandement bénéfique sur Zéphyr, qui, même s'il s'isolait toujours, allait mieux. Son esprit occupé à former des points de plus en plus compliqués, il laissait de côté les sentiments des autres, mais malheureusement aussi les siens, et se sentait plus à l'aise à présent.
Ces exercices incongrus mais pourtant efficaces lui permirent de maitriser en partie ce pouvoir qu'il avait. Il arrivait maintenant à masquer de façon volontaire les sentiments les moins importants des autres.

◊ MAGIE, MORT ET NOUVELLE VIE

C'est à cette période là que le grand-père de Zéphyr mourut. La peine et la douleur de sa grand-mère explosèrent dans sa tête et il s'isola encore plus, malgré le fait que cela puisse augmenter le mal de son aïeule. Ca lui faisait tellement mal à l'intérieur qu'il ne parvenait pas à passer outre pour l'aider à supporter son chagrin. Il voulu partir loin, très loin de toute cette douleur mais au fond de lui, il ne pouvait s'y résigner.
C'est à cause de tout cela qu'il ne prit jamais tellement la peine de développer son autre pouvoir, élémentaire de glace. Il avait peur que le fait de travailler ce pouvoir là ne fasse qu'envenimer les choses, il avait déjà bien assez à faire avec l'empathie. Le soucis étant que lorsqu'il craquait face à son premier pouvoir, le second finissait irrémédiablement par faire des siennes également... Cependant, son pouvoir sur la glace ne se manifestant que très peu en temps normal, il ne s'en souciait pas tellement.

Ce moment fut la période la plus dure de toute sa vie et encore maintenant, on fond de lui cela le fait souffrir et il s'en veut terriblement. Sa grand-mère est morte quelques années plus tard, après lui avoir donné une amulette qu'il ne quitte jamais. Il croit que la porter l'aide à garder les gens qu'il aimait auprès de lui mais aussi à faire taire les émotions qui passent dans son esprit, qu'elles lui appartiennent ou non.
C'est ce sentiment de culpabilité envers sa grand-mère qui le pousse à vouloir faire de grandes choses que les gens soient fiers de lui, d'une manière ou d'une autre, pour qu'elle puisse être fière de lui - elle aussi - là où elle est à présent.

Il quitta alors cette ville qui lui avait retiré ses êtres chers, une fois ses études finies, et se mit à errer dans le pays, travaillant par-ci par-là pour continuer à voyager et ne pas s'attacher à un endroit, ni aux gens qui y habitaient. De nombreuses fois, il eu l'idée de se rendre en Grèce, pour découvrir ce pays qui l'attirait de part ses origines, mais il n'en fit jamais rien. Par manque d'argent, mais aussi parce qu'il pensait que ce serait une perte de temps au final.
Zéphyr voyagea de la sorte pendant plusieurs années, apprenant seul à contrôler plus ou moins son pouvoir, mais toujours solitaire pour éviter de s'y confronter. Depuis qu'il a compris son don, il ne peut pas s'empêcher de se demander si le caractère qui est devenu le sien lui vient vraiment de lui ou si il a été influencé par toutes les choses qui ne lui appartenaient pas et qui sont apparues dans sa tête toutes ces années et le fond encore.
Sa recherche de reconnaissance va de paire avec son désir de découvrir s'il serait qui il est maintenant s'il n'avait pas été empathe dès le plus jeune âge. S'il s'était contenté de n'avoir que ses sentiments à lui.

◊ REVELATION ET NOUVELLE VILLE

J'étais dans le Wyoming lorsque j'ai appris la Révélation. Suite à ce procès avec le vampire, tout ça. Moi je connaissais déjà l'existence des non-humains. Ca ne m'a pas supris. En revanche, ce qui m'a surpris, c'est le fait que l'annonce de leur existence se fasse. Je n'ai jamais cru que les humains soient apte à gérer une telle chose. Et je ne le crois toujours pas à vrai dire.
J'étais dans un bar au moment où les informations annonçaient ça à la télévision. Je mangeais tranquillement mon repas quand il y a eu un flash spécial ou quelque chose comme ça. C'était une petite ville, l'annonce faite, je rentrais un peu la tête dans les épaules, sachant pourtant que ça ne servirait à rien. Pourtant, il y a des réflexes de défenses contre lesquels on ne peut pas aller. Oui, je parle bien d'un réflexe de défense car à peine l'annonce fut faite qu'un mélange d'émotions explosa dans ma tête alors qu'elles explosaient dans le même instant dans les têtes des gens présents. Moins d'une seconde plus tard, c'étaient les cris qui éclataient dans la pièce. Les cris étaient encore moins compréhensibles que les pensées et ma tête me fit vite tellement mal que je ne finis pas de manger, déposais l'argent pour payer sur le comptoir et quittais l'endroit immédiatement, au milieu de ces humains surexcités, sans m'inquiéter de savoir si je pouvais avoir l'air suspicieux à leurs yeux. De toute façon, je pense que je passais plutôt inaperçu pour la plupart.
Bien entendu, peu importait le nombre de kilomètres que j'aurais pu parcourir, les émotions vrilleraient toujours mon crâne. Tout ça se passait dans le monde entier et j'allais subir ça pendant encore plusieurs semaines.
J'aurais du fuir dans une de ces landes désertiques que l'on trouve dans le pays, mais je ne pouvais pas m'y résoudre, je devais gagner de l'argent pour vivre et j'avais tellement d'espoir pour tout ce que je voulais entreprendre que je ne pouvais pas quitter ainsi la société juste à cause de migraines chroniques.

J'apprenais donc à vivre avec ça, cousant la plupart du temps pour aider à me concentrer sur autre chose et bloquer tout ce qui arrivait dans ma tête.
Mais bientôt, les sorciers se dévoilèrent également. Devais-je faire de même? À vrai dire, je n'en voyais pas l'intérêt, ma vie était déjà bien assez compliquée comme ça, pas besoin de rajouter l'imbécilité humaine... Parce que j'étais toujours intimement convaincu que les humains ne pouvaient pas être prêts pour ce genre de révélation. Et mon jugement est assez fiable, si je puis dire puisque je peux ressentir ce que les gens ressentent.
Fort heureusement, les humains finirent par se faire à l'idée que les vampires et la magie existaient bel et bien, alors je pus reprendre une vie à peu près normale. Autant qu'elle pouvait l'être avant tout ça, bien entendu. Mais ça n'a pas duré longtemps. Les lycans ont montré leur museau quelques années après ça. Alors tout a recommencé. Peut être en un peu moins intense parce que les gens s'étaient fait une raison. Après les vampires et les sorciers, pourquoi pas les loups-garou.

Je continuais à voyager dans le pays, pour les mêmes raisons qu'auparavant, seulement maintenant, les autres connaissaient l'existence des non-humains.
Deux ans plus tard, j'appris l'attentat à Philadelphie. Au fond de moi, je leur aurais bien dit "Je vous l'avais dit" même si à la base je ne l'avais pas dit. Alors comme d'habitude, je me taisais. Je regardais et ressentais le monde plonger dans une nouvelle crise et oublier la frêle innocence de ces dernières années. Cette année-là, 2011, j'arrivais également dans une nouvelle ville : Shreveport, où j'ai vite trouvé du travail. Je ne connais pas grand chose de cet endroit, tout comme cet endroit, et personne dessus ne m'y connait.
Je ne sais pas comment ça va se passer, il y a une assez forte population de non-humains et je ne suis pas sûr de vraiment y être à mon aise. Mais il faut bien que je reste, je n'ai de toute façon pas assez d'argent pour déménager une nouvelle fois...

Et puis j'ai alors découvert le V-Juice. Je ne sais pas comment je ne l'ai jamais fait avant, parce que je suppose que ça existais déjà ailleurs, mais peut être que les autres villes n'étaient pas assez importantes, je ne sais pas. Mais j'y ai goûté. Je me sens tellement mieux en en prenant. Je crois que c'est aussi à cause de ça que je ne peux, ou ne veux, pas vraiment partir. D'un côté, ça amplifie mon pouvoir, mais d'un autre, j'ai tellement plus confiance en moi. Au fond, cette nouvelle drogue me rend plus fort et cette nouveauté m'attire autant qu'elle me fait peur...
Mon pouvoir sur la glace ne se manifeste pas beaucoup plus qu'au début, je sais qu'il est là, mais je ne vois pas l'intérêt de m'en servir sciemment, à part pour les glaçons. Parfois il arrive cependant qu'il agisse tout seul, mais ça n'a jamais été pire que l'empathie...