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 [Terminé]The point of revenge is not in the completion but in the process.

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MessageSujet: [Terminé]The point of revenge is not in the completion but in the process.   [Terminé]The point of revenge is not in the completion but in the process. Icon_minitime3/2/2014, 00:38

Blažej Miloš Dvořák
Feat Bastiaan van Gaalen


PRELUDE

DATE & LIEU DE NAISSANCE Le 20 novembre 1989, de l'union sacrée d'une harpie et d'un héro de guerre, au cours de la Révolution de Velours, Prague. ; ÂGE 24 ans ; NATIONALITE Nationalité tchèque (illégalement sur le territoire américain) ; CAMP Au gré des vents. ; CAPACITE Contrôle de l'espace-temps ; CLASSIFICATION Potentiellement dangereux ; ETAT CIVIL Célibataire LIEU D'HABITATION Shreveport, une chambre de bonne exiguë en sous-location ; METIER Poète sans plume. CLASSE SOCIALE Pauvre, ne possède pas grand chose et se nourrit de peu. ETIQUETTE C'est un zombie. Un corps penché, tordu, douloureux, possédé par une âme apathique, léthargique et catatonique. D'immenses cernes creusent ce regard pourtant si bleu. C'est un jeune garçon, aux airs de vieillard, que l'on croirait junkie s'il n'avait pas tant l'air de souffrir. Mais encore faut-il s'y intéresser deux minutes, et ce n'est pas évident. Grise est son âme, grise est son ombre, grise est sa mine... il se fond dans le paysage urbain défraîchi avec l'aisance d'un rat. Il rase les murs, épouse les angles. Rien ne doit dépasser. Rien ne doit laisser penser que... il existe. Mais il est parfois capable d'éveiller la curiosité d'un regard, ou plus exactement la pitié. Au fond, ses traits d'enfants et ses lignes androgynes demeurent malgré l'abattement. Pour sûr, il a du vivre quelque chose de moche.

"I coulda had class. I coulda been a contender.

I coulda been somebody, instead of a bum,

which is what I am, let's face it."

Traits de caractères Je suis un gâchis, une déception. Une âme en pagaille participant à la débâcle générale. Un contrarié désabusé, traînant sa carcasse dans l'épilogue précoce de sa vie. Je suis un champs de bataille, dévasté il y a une éternité, sur lequel rien ne poussera plus que la mauvaise herbe. Un inadapté conscient de sa condition ayant assisté impavide à son propre égarement. Un incapable de rien, capable de tout. Une aporie tourmentée par ses contradictions.
Passif, l'air d'être constamment éreinté, l'air d'avoir déjà trop vécu, il m'arrive pourtant encore parfois de douter. De moi, des autres. Suffisamment pour ne jamais cesser d'essayer. Essayer de vivre, de toutes mes forces. Essayer d'être aimé, essayer de devenir. Toutes ces choses épuisantes, qui semblent être chez d'autres si naturelles. J'ai souvent l'air pathétique à me débattre frénétiquement, vainement, à la recherche de celui que j'étais supposé être. Mon entêtement n'a d'ailleurs d'égal que mon inconstance. Je ne suis ni infidèle, ni déloyal, mais versatile. Il m'arrive d'oublier, qui je suis, ce que j'ai fait. Aérien, ivre d'être libre, il m'arrive encore parfois de rire et de pleurer avec la spontanéité de l'innocence. Mais ces moments de grâce jamais ne durent. Je n'ai pas l'hypocrisie de croire que je les mérite.
Je suis une imposture rongée par la culpabilité de l'impuni. Ma bonne fortune et ma couardise me répugnent. Mon insolence me révolte, au point de me plonger dans de profondes fureurs. J'abhorre cette chance scandaleuse qu'une fée déposa au pied de mon berceau, un soir de novembre. Je suis un condamné qu'on a oublié au pied de l'échafaud. Je suis incapable de prétendre que je ne le mérite pas, mais m'applique pourtant de toute mon âme à feindre d'en avoir réchappé. Dupe de ma propre mascarade, mais lucide malgré tout, j'implore qu'un châtiment corrige cette infernale méprise ! Tout, plutôt qu'une existence sans but. Je n'aurais jamais du être amnistié, gracié. Cette absolution doit être une négligence que le Grand Ecrivain ne saurait tarder à rectifier, mais l'attente me brise et...
... et parfois je me surprends à espérer, de nouveau. A espérer qu'on continue à m'oublier, à me délaisser. Qu'on laisse en paix cette pauvre larve, pour laquelle je parviens de temps à autres à ressentir une forme de pitié. N'en mérite-t-elle pas un peu, au fond ? Si mes choix ont été terribles, ce serait encore me donner trop d'importance que de se laisser aller à imaginer un seul instant que je suis responsable de ce qui m'arrive. Au contraire, je suis plutôt irresponsable. La fatalité a pris bien des visages pour me malmener, et mes décisions - si tant est qu'il soit pertinent de les nommer ainsi - n'ont été que les répliques d'un séisme épouvantable dont je n'étais pas l'instigateur mais la victime. Oui, c'était ce que j'étais, au départ. Et finalement, peut-être le suis-je encore.

Occupation nocturne Les notions de jour et de nuit ne m'ont jamais été familières. Tout comme celles de temps et d'espace. L'impensable relativité de ces concepts m'a depuis longtemps subjugué, par la force des choses. Je ne sais jamais, d'une seconde à l'autre, où je serais. Je suis ce que l'on appelle un désaxé, un déséquilibré. J'erre sans but, sans rythme. Alors, oui, j'ai des occupations. Chercher un sens à ma vie, par exemple. Ca sonne creux, objectivement, mais je n'ai guère plus convaincant. Depuis le 18 août dernier, je ne suis que pénitence, absence, et déchéance. Incapable de me définir une nouvelle identité, j'oscille entre léthargie médicamenteuse et ultra-violence auto-administrée. Je tente de récupérer ma vie là où je l'avais laissée, mais sans trop y croire. Tout n'a jamais été que mensonge, destruction et animosité, et je me demande bien, au fond, ce qu'il me reste. En dehors de cette détresse générale. Ces dernières années ont été éprouvantes, et le repos n'était tout simplement à l'ordre des programmes. Ou plutôt, je le concevais comme une récompense que, tôt ou tard, je mériterais. Finalement, je ne sais pas moi-même si je pensais au sommeil ou à la mort, en songeant au repos. Je me contente toujours d'hésiter entre l'un et l'autre. Des tendances suicidaires ? J'en ai toujours eu. Il faut bien peu d'instincts de survie pour se lancer dans le terrifiant abîme de la Vengeance... Mais aujourd'hui, c'est différent, j'ai tout perdu dans la bataille, y compris mon âme et mon entendement, en pensant atteindre la catharsis. J'étais convaincu que le héro tragique était voué à une fin fatale. Happy Endings are for Pussies. Et pourtant me voici, Oedipe moderne, foulant encore et toujours les planches du petit théâtre médiocre évidé par mes soins, contredisant son propre scénario par le seul fait d'être encore vivant. Ruse du dramaturge ? Peut-être, toujours est-il qu'il serait de bon ton qu'il reprenne son récit là où il l'avait laissé. Car j'étouffe. C'est d'ailleurs un crucial besoin de changer d'air qui m'a décidé à m'installer à Shreveport. On dit - dans certains milieux - qu'ici n'importe qui a ses chances pour repartir à zéro. Je n'en demande pas tant, mais qu'ais-je à perdre ? Qui plus est, personne ne sait que je vis ici. Je suis un sans-papier, illégalement entré sur le territoire américain, ni par voie des airs, ni par voie maritime, mais par la voie de l'esprit. Qui, à ma place, s'embarrasserait de formalités pour voyager ? Je n'en ai pas besoin.
Manies, habitudes & goûts Plus rien n'a de saveur, ni d'odeur. En tuant mon père, je me suis un peu tué aussi. Au début, je pensais qu'il s'agissait d'une somatisation. Le parricide est connu pour être, de tous les crimes, le plus abject. Evidemment, je ne pensais pas m'en sortir sans une égratignure. En vérité, je ne pensais pas m'en sortir tout court. Alors j'ai plutôt facilement supporté cette dégradation que je croyais momentanée. Mais les mois ont passé, et je n'ai toujours pas recouvré l'intégralité de mes capacités sensorielles. Je pourrais baiser un cadavre sans être incommodé par l'odeur. Du coup, je ne baise plus non plus. Mon psychiatre considère qu'il s'agit là d'un détail, et mon psychanalyste jure ses grands dieux qu'il s'agit de la clef de voûte de tous mes problèmes. S'il savait ! Toujours est-il que cette solitude forcée et l'absence quasi-complète de repères sensoriels m'ont contraint à changer mes habitudes. Je ne mange plus rien de cuit, parce que je n'ai pas les moyens de changer l'installation au gaz de mon taudis, et que je n'ai pas envie de tout faire sauter comme ça, l'air de ne pas l'avoir fait exprès. Ce serait un comble. Je fume, toujours, mais en essayant de ne pas m'endormir se faisant. Et puis, dans le pire des cas, périr par les flammes abandonné de tous ne serait pas une fin si illogique en elle-même - ni dénuée d'un cynisme exquis. L'improbable quantité de papier que j'accumule sous forme de livres et de journaux divers aurait tôt fait d'alimenter l'incendie. Je n'ai pas été longtemps scolarisé, je tâche de rattraper le temps perdu dans les livres, même si ça semble plus facile à dire qu'à faire. J'aime particulièrement la poésie, même si bien sûr c'est le théâtre qui m'obsède. Je crois que, peut-être, je devrais monter une pièce autobiographique, parce que ça m'ferait bander de voir des gens applaudir. Mais je n'en ai pas encore le courage...  
Capacité Un peu plus, et je m'urine dessus. La fièvre me fait suer et grelotter, mon échine se révulse en d'incontrôlables frissons. Il m'arrive parfois de baver, de tomber, de bégayer, de ramper. Et quand c'est terminé, j'ai froid, j'ai faim, je suis exténué. Je broie du noir l'heure qui suit, et la moindre contrariété devient prétexte à tout casser. Tout ça pour dire que oui, je vois les morts. L'expérience est à chaque fois si saisissante qu'elle me fait l'effet d'un viol avec violence qui me laisserait sur le carreau la journée suivante. Il parait que j'y suis particulièrement sensible, mon psychiatre parle de "nécropathie". Mon cas n'est pas rare. Ce qui m'inquiète, c'est que cela soit dégénératif. La perspective de finir emmuré devient peu à peu séduisante, c'est dire. En attendant, je m'entraîne à fuir. Discipline dans laquelle j'excelle, je n'vous ferai pas l'affront d'être modeste. Toutefois, il est vrai que je me prévaux. Nourrisson, déjà, à peine éjecté de la matrice glaciale, je disparaissais sous les yeux ébahis de madame ma mère et réapparaissais, l'instant d'après, lové contre son sein. Petit monstre ! A l'adolescence, c'était plutôt l'inverse. Bref, ça n'a jamais été difficile et même, c'était aussi naturel que de courir. Un battement de cil, une idée - ou, plus embêtant, un souvenir - et je disparais. Ce n'est pas plus compliqué, et je ne saurais être plus exact. Il ne se passe rien de mystique, aucune connexion avec l'au-delà, pas la moindre trace d'enlèvement du quatrième type. Cette innéité n'est pas sans malice, car longtemps je n'en ai pas été maître. S'il est fort probable que je ne passe pas l'entièreté de ma nuit là où je serais supposé la passer, je suis en revanche désormais capable de rentrer sitôt réveillé. Auparavant, je devais prendre l'avion. C'était aussi humiliant que de s'oublier au lit, en plus coûteux. Jumper, comme on dit, ce n'est pas ça le plus pénible : il suffit simplement de se représenter le lieu que l'on vise. Cela suppose donc que je me renseigne quand même un peu à l'avance, si je ne connais pas les lieux, surtout s'il s'agit d'un pays éloigné. La concentration que ça demande est proportionnelle à la distance, finalement c'est assez logique et, à force de travail et d'entraînement, on s'y habitue et on n'altère rien en se déplaçant ainsi. C'est tout à fait différent, lorsque l'on manipule le temps. Ce n'est pas plus compliqué, mais le péril est décuplé. J'ai découvert cette faculté bien plus tard, à la puberté. Pendant près d'un an, j'en usais et abusais. Jusqu'à ce que je m'aperçoive, au nouvel an, que de 2002 n'avait pas existé. Du moins, pas pour moi. Le lendemain du 31 décembre 2001, nous étions le 1er janvier 2003. Et je ne me droguais pas encore. Cette expérience reste de l'ordre de l'inexplicable. J'ai bon espoir, un jour, de rencontrer quelqu'un qui sache m'apporter des réponses, sur ça, mais sur tout le reste aussi. Personne n'a jamais pris le temps, ni la peine, de m'instruire à ce sujet. A présent que je suis libre, c'est en quelque sorte devenu une quête. Une quête de vérité, une quête de sens.    
Convictions Les jours passent et se ressemblent, mon mal-être étouffe dans sa camisole chimique. Je ne pleure plus, je ne ris plus, tout est insipide et gris. Des murs de ma chambre, à l'écran de la télévision de la salle commune, en passant par les nurses et "mes amis". Il y a Zebulon, à seize ans il a frôlé l'overdose de kétamine. Il est resté perché. Son pire ennemi, c'est Barnabé, il a connu Vercingétorix et son dernier fait d'arme, c'est l'assassinat d'Hitler. L'été dernier, il a couché avec Zezette. Tout le monde a couché avec Zezette. Y compris moi. Moi, Diablo, comme le personnage de Marvel, puisque je prétends pouvoir me téléporter. Et, un jour, on est en 2007. J'ai bientôt dix-neuf ans, mais je n'en ai pas conscience. Je n'ai conscience de rien, d'ailleurs. Ni de ça, ni de ma sortie de l'hôpital. La Réhabilitation a eu lieu, sans que je ne m'en aperçoive.
La Réhabilitation ? C'est le nom que j'emploie pour parler de la Révélation. Parce que pour moi, ce n'était pas vraiment ce qu'on pourrait appeler une découverte. En revanche, mon statut est passé de fou-à-lier à "person of interest" en l'espace d'une année. J'exagère un tantinet, quoi qu'il en soit les hôpitaux psychiatriques se sont considérablement déversés sur le monde, relâchant des fous qui ne l'étaient probablement pas au départ, mais qui l'étaient devenus certainement. On découvrit que Barnabé avait bien connu Vercingétorix - bon, pour Hitler par contre... -, Zezette était en fait un métamorphe - un bonobo-garou, on s'en serait douté. Seul Zebulon était resté Zebulon.

Signes particuliers Ce n'est pas mon corps, qui a morflé. C'est mon âme. Je n'ai donc aucune cicatrice dont je puisse être fier. Quelques vilaines brûlures de cigarette ici ou là, ou quelques griffures de chat qui n'ont jamais tout à fait disparu de ma peau laiteuse. C'est tout, pour ce qui est du marquage corporel indélébile.

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VIDEODROME

PERSONNAGE INVENTE, SCENARIO OU PV? Ceci est une bouillie de cerveau malade. ; PSEUDONYME Sham'Shamois d'Or (sinon Lou Bee) ; DERRIERE L'ECRAN Nah, c'est bon. CODE DU REGLEMENT Alors ça cause de Dracula  :choked:  ; COMMENT NOUS AVEZ VOUS DECOUVERT? Euh c'est toujours grâce à Grace  heart  ; AVIS GENERAL SUR LE FORUM TROLLOLOLOLOLOLOLOLOOOO ; AVATAR UTILISE Bastiaan van Gaalen


Dernière édition par Blaise M. Dvořák le 17/2/2014, 00:27, édité 24 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé]The point of revenge is not in the completion but in the process.   [Terminé]The point of revenge is not in the completion but in the process. Icon_minitime3/2/2014, 00:38



Dans l'encre de l'incertitude, je plonge ma plume pour me raconter. Donner une forme à la matière, modeler les souvenirs pour être capable de les transmettre, donner du sens à ce qui n'en a plus. Puisque tout est perdu. Puisque tout est à construire.

Ci-gît ma vie.


Even Oedipus didn't see his mother coming.


20 novembre 1989

Beatrix Dvořák avait une curieuse façon d'aimer. Elle aima Klauš comme le vice aime la débauche, comme le cancer aime la tumeur. Elle l'aima comme la camisole aime le fou, comme la corde aime le suicidé. Et ce dès l'instant où elle posa les yeux sur le beau quadra. Elle aima immédiatement la rectitude de son nez, l'intransigeance de son menton, l'intelligence de ses mains, la vigilance de ses tempes, et, plus que tout, l'emprise qu'il avait sur elle. Klauš, quant à lui, l'avait convoitée bien avant qu'il ne la rencontre. La légende voulait qu'il tombât amoureux de la nièce de son frère d'arme, en trouvant une photo de l'enfant dans sa veste d'uniforme, tandis que, fais prisonniers par les Yankees, ils en étaient à se présenter leurs familles respectives. Beatrix devait avoir quatre ans, à l'époque. Malsain ? Mais non, vous n'y connaissez rien. Beatrix trouvait cela charmant. Klauš, ça l'amusait beaucoup de narrer sa petite anecdote à qui voulait l'entendre. Ca l'égayait, de voir se peindre le trouble sur les visages bien-pensants. Tout cela, évidemment, Beatrix a du me le conter elle-même. Car le beau bureaucrate, héro de guerre, un beau jour, quitta famille, patrie, emploi. Et ma jeune mère, qu'il abandonna cassée en deux au-dessus de la cuvette des latrines. Elle était enceinte, elle le savait, lui aussi.
Neuf mois plus tard, déchirée par la rage, la haine et par mon os occipital, gisant pauvrement dans son sang, ses larmes et sa merde, elle me donna naissance sous les regards placides du clan Dvořák, dont je porterais dorénavant le nom. Pour prénoms, je reçu Blažej Miloš, à l'instar de mes deux oncles. Tout était dit. Un petit bâtard, certes, mais la famille Dvořák n'avait déjà plus beaucoup d'honneur : le mur de Berlin était tombé, Gorbatchev parlait de Perestroïka et la Nomenklatura, dont les Dvořák faisaient partie comme les balles aux barillet, se préparaient à un rude combat de survie. Pénible affrontement qui les laisserait presque pour morts, en l'espace d'une poignée d'années, au cours desquelles ils perdirent leur fortune et leur confort. En revanche, pas leur réputation. Ni leur aura. Ces gens étaient malfaisants, mais ils étaient aussi puissants. Non pas qu'ils aient encore à leur disposition de conséquents moyens de pression, mais leur gloire d'antan suffisait à imposer, sinon le respect, au moins la crainte, dans le cœur des modestes habitants du bourg, près d'Holašovice, sur lequel ils régnaient en maîtres incontestés. En vérité, lorsque je naquis, nous ne possédions plus qu'un patrimoine considérablement entamé par la corruption dont nous ne profitions plus désormais. Il ne restait, d'intact, qu'Ostrov - l'île, en tchèque - une vieille demeure environnée de pâtures dignes de l'Astrée ou d'un tableau de Boucher. Oslov, le havre du misanthrope, tel que mon grand-père l'appelait, devait sa survie à l'application du célèbre adage épicurien : "Dissimule ta vie". Précepte qui, par ailleurs, gravait autant la pierre de l'édifice, en maints endroits, que l'âme de chaque Dvořák. Frappés du sceau du secret, nous vivions terrés à la façon des petits seigneurs médiévaux européens au temps de la féodalité. Seuls mes oncles, Blažej et Miloš, étaient connectés à Prague, et donc d'une certaine manière, au reste du monde, échappant au huit-clos oppressant dont ma mère, mon grand-père, Luboš, et sa sœur, tante Drahuška constituaient tout à la fois les acteurs principaux et les metteurs en scène.


03 septembre 2004

Très tôt, j'ai compris le paradoxe qu'incarnait ma mère. Beatrix était une femme à la beauté particulière et magnétique. Je crois qu'aucun homme sur terre n'aurait été capable de résister au cobalt de ses prunelles autrement qu'en les fuyant. Beatrix était fascinante car elle était à la fois une femme-enfant - elle n'était âgée que de dix-sept ans lorsque je suis né - à la fragilité apparente et une succube qui réveillait chez les mâles des instincts morbides et violents. Par ailleurs, ses aliénations la rendait profondément repoussante. En revanche, la pâleur lunaire de sa peau, l'ébène de son abondante chevelure, l'andrinople de ses baisers la rendaient intensément désirable. Tous ses aspects hideux, répugnants, qu'elle me montrait parfois contre son gré, je les lui pardonnais sans même qu'elle n'ait à se repentir. J'aimais profondément Beatrix, comme une fils aime sa mère, comme un chien aime son maître. Inconditionnellement. Les années passaient, sans que je ne ressente le moindre besoin de changement. Nous passions nos longues journées dans les bras l'un de l'autre, son souffle jamais loin du mien. Je l'adorais, je la sacralisais, et c'était réciproque. Avec le temps, grandissant contre son sein dans une fusion quasi-corporelle, j'étais devenu le seul être vivant en présence duquel elle ne craignait ni le poignard, ni le poison. On ne parle pas, ici, de confiance. C'était bien plus que cela. Elle me possédait, autant que je la possédais. Je haïssais, tout autant qu'elle, l'idée qu'un intrus me vole de son temps, et il m'arrivait de sombrer dans de profondes asthénies lorsque j'apprenais qu'elle devait s'absenter. Parce qu'alors, elle devait m'abandonner, parfois plusieurs jours d'affilé. Je ne dormais plus et refusais toute alimentation jusqu'à ce qu'elle me revienne. Sous les suppliques et les menaces de Luboš, nous avions pourtant essayé de m'envoyer à l'école. Mais tante Drahuška était revenu me chercher avant même la fin de la première heure : ma mère venait d'intenter à ses jours. Si bien que, de peur de perdre sa fille unique adorée, Luboš avait cédé.
Les circonstances changèrent, lorsqu'elle entra dans notre vie. Miluška. Mon oncle Miloš revînt un jour s'installer à Oslov avec, dans ses bagages, cette petite créature d'un an ma cadette. Lorsqu'on nous présenta, elle ébranla mes certitudes avec la violence d'un ouragan. Comprenez bien : c'était un enfant ! Un enfant, comme moi ! Dès lors, je n'avais plus qu'une obsession. J'en tombais fou amoureux, sans avoir seulement conscience de ce que cela impliquait. Bien qu'elle eu presque mon âge, j'étais absolument incapable de la considérer comme une jeune fille. C'était une poupée blonde, aux joues pailletées d'éphélides et au regard lagunaire. Nous avions respectivement quinze et quatorze ans. Nos moments d'intimité était d'une simplicité innocente, nous discutions de tout, de rien. Elle me parlait du collège, et je l'écoutais religieusement réciter ses leçons. Mais nous devions nous séparer trop vite, trop tôt... et je découvrais cette faculté spéciale, dont j'usais et abusais, remontant les minutes les unes après les autres pour les revivre, à l'identique, dix, vingt, trente fois d'affilée. Elle, elle était scolarisée. Alors grand-père, cette fois-ci, céda. Beatrix frappa, brisa, cassa, caressa, embrassa, pleura, cria, jura... rien n'y fit. Oh, bien sûr, on du m'y envoyer de force le premier jour. J'étais bien trop faible pour lui résister... mon grand-père et mon oncle, en revanche, en s'alliant parvinrent à défaire la dragonne.
Le soir venu, tandis que le jour déclinait, elle vînt me rendre visite. Elle ne prononça nul mot. Son visage défait, baigné de larmes, maculé de rouge et de noir, trahissait les successives crises que mon absence avait provoqué. Tandis qu'elle émergeait de l'obscurité grandissante et venait me rejoindre dans la lumière déclinante éclaboussant ma chambre, je découvrais horrifié ce qu'on lui avait infligée. Sa nuque si fine était violacée, comme si on avait tenté de l'étrangler. Le velours de ses bras avait été griffé, rossé, et d'imposants hématomes violacés commençaient à apparaître à divers endroits. Au fond, je savais. Je savais qu'elle s'était infligée cela elle-même, je savais qu'elle était folle, et qu'elle avait besoin d'aide. Je savais tout cela. Mais lorsqu'elle s'offrit à moi, je feignis l'ignorance. Je ne l'avais jamais trouvé si belle. Chétive, malade, abîmée, elle ne minauda pourtant pas un seul instant. Le pacte était scellé, croyait-elle. Beatrix capitulait, en revanche plus rien ne la retiendrait dorénavant. J'étais sien.
Et sa bouche matérialisa mes terreurs et mes faiblesses.


Avons-nous donc commis une action étrange ?
Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi :
Je frissonne de peur quand tu me dis : " Mon ange ! "
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.

Femmes Damnées II, Baudelaire.

Les Métamorphoses d'Ovide Oedipe

28 décembre 2005 - 13 octobre 2007

Un an, neuf mois et seize jours
Comment narrer l'indicible ? Comment conter l'ineffable ? Je ne ferais pas partie de ceux qui, sous prétexte de la crainte de ne pas y parvenir, se taisent à tout jamais. Toutefois, comment s'y prendre ? Un cauchemar me hanta longtemps après ma sortie de l'hospice. Un tourment nocturne, un concentré d'épouvante, mêlant tout à la fois le vécu et le perçu. Un délire qui, retranscrit, pourrait avoir le mérite de donner à voir l'effroi pur en son essence.

Jouons à un jeu. Il suffit pour cela de vous convaincre n'avoir pas le moindre souvenir de ce que vous avez été auparavant, ni de ce que vous avez vécu, aimé ou détesté. Imaginez que vous n'êtes qu'une enveloppe physiquement cohérente, mais vide de sens et de substance.