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Personnellement, cela ne m’arrangeait pas vraiment la pauvreté de l’argumentation du laboratoire. Comment pourrais-je les juger coupable alors que j’étais tout à fait pour ces vaccinations et quand j’avais entendu ses témoignages je savais d’hors et déjà que les autres jurés les prendraient en pitié. Comment s’apitoyer à ce point quand l’on efface une anomalie. Pouvais-je seulement voté non coupable, quand je pouvais entendre le verdict de ses autres ? Je ne pouvais pas compromettre ma couverture, j’étais un HA mais pas franchement suicidaire. Pas du genre à me mettre la corde au cou pour un procès à priori perdu d’avance. Il y avait comme un problème d’éthique… En observant les autres Jurés, je comprenais qu’il me serait absurde de prononcer des mots contraires à toute logique si ce n’était de vouloir défendre quelque chose. J’avais été nommé par tout hasard, ce ne fut pas une machination de la part des nôtres. Je songeais que nous avions nos propres stock de vaccins et…

« Je juge le laboratoire Reckiyy Benckiser coupable… » Ma voix n’est pas très puissante, je disparais derrière ma masse de cheveux et j’imagine qu’ils peuvent sentir l’amertume présente dans ma bouche. L’atroce sensation que les monstres gagnent toujours…
Ah non… Nous sommes les monstres.
Les terroristes.

Ce procès avait secoué quelque chose dans le fond de ces tripes. Conrad avait écouté chaque témoignage avec attention. Il avait reconnu Toki et il avait été peiné de voir l’ancien loup au procès. Il regardait chacun des autres jurés, se demandant bien ce que chacun allait décider. Coupable ou pas coupable ? Lui n’hésiterait pas, c’était inscrit dans le fond de ses tripes. Son loup grondait intérieurement de mécontentement, assez. Peu à peu, chacun donnait son avis et sa sentence. Le lycanthrope se sentait nerveux. Les effets indésirables du vaccin ne pouvaient être contestés. Alors pourquoi se sentait-il mal à cet instant ? Car il n’aimait pas avoir autant d’importance dans ce genre d’histoire. Cela le dérangeait énormément. C’était pourtant son rôle en tant que citoyen, d’agir. Il ne pouvait pas être indifférent toute sa vie aux malheurs des autres. Le lycan se racla la gorge pour prendre son tour de parole.

« Après réflexion, je déclare le laboratoire coupable. »

Et adieu le vaccin, n’est-ce pas ? C’était du moins ce qu’il espérait. Ou alors qu’il n’y ait plus jamais des gens vaccinés contre leur gré avec des effets secondaires indésirables.

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Qu'est-ce que je fais là sérieusement ? J'ai les mains qui tremblent et la gorge sèche. Tout ça c'est bien trop solennel, c'est trop tout. J'ai l'estomac qui se noue. Chacun prend la parole tour à tour, et je vois le cercle se restreindre, se refermer sur moi. J'ai passé tout le procès dans un état second, à me demander vraiment qui on jugeait et à qui revenait vraiment la faute. Les témoignages des plaignants m'avaient fendus le coeur, mais j'avais du mal à vraiment faire le lien entre leurs différents accidents et le fameux laboratoire. Je veux dire, c'est pas les scientifiques qui leur avaient injecté de force le vaccin. J'avais un sale goût dans la bouche, celui que le procès allait bien au delà de tout ce qu'on nous avait présentés, qu'il y avait d'autres personnes impliquées mais qui n'avaient pas été ramenées par la peau des fesses dans le tribunal pour qu'on démêle vraiment tout ça.
Et il y a cette sentence, celle que je dois prononcer. Et jusqu'à ce que ce soit mon tour je n'étais toujours pas sûre de ce que j'allais dire. Mais les arguments sont là et je ne vois peu à peu qu'une seule réponse possible.

- Je déclare le laboratoire coupable.

Voilà, c'est dit, c'est fait, mais je n'ai pas ce sentiment de satisfaction que justice est vraiment faite. Je sais que ça n'arrêtera pas les vaccinations et ça n'arrêtera pas la haine.

Une erreur administrative forcée *rires dans la salle* avait effacé son passé de malfaiteur de bas étage. Et c'était ce qui l'avait amené sur les bancs de la justice. Du bon côté des bancs. Le regard de son frangin en disait suffisamment long sur ce qu'il en pensait. Le reste ne semblait y voir que du feu ou avait d'autre chats à fouetter que de s'attarder sur son cas.

Et maintenant et non sans mal, après avoir protesté sur à peu près chaque règle imposée par le tribunal, il s'était joint au reste des jurés pour délibérer. Sa tenue contrastait avec la rigueur de l'endroit, mais il n'avait jamais su s'habiller, et ce n'était pas en quelques heures qu'il aurait pu gagner en goût et en prestance. Fallait pas non plus déconner. Et côté intelligence c'était la même chose. Benjamin était un petit peu con, rusé certes mais franchement pas une lumière, et il avait été largué la plupart du temps en écoutant les gens qui défilaient sans cesse. Des fois il comprenait, mais d'autres il s'était contenter d'écouter ceux semblaient s'enfiler un dico chaque jour. Du coup il se sentait hors du coup, très peu concerné par cette histoire, mais en plus il n'avait pas tout compris, et le café était dégueulasse, et en plus ils n'avaient pas de bière, et même pas le droit de rien faire, alors vous pensez bien, m'sieux dames et le reste, que c'était vraiment très gonflant tout ça. En bref il n'en avait pas grand chose à cirer de tout ça.

C'était sa cannette de coca à la main qu'il avait rejoint le reste, et après une longue gorgée – une envie de se faire désirer sans doute – qu'il se décida à parler.

L'idée de perdre ses capacités ne lui plaisait pas, et globalement les actions du laboratoire l'enthousiasmaient pas des masses. Les poilus il les trouvait plutôt cools, comprenez, utiles, et du coup son jugement, sans grande valeur, tomba :

- Eh bah je vais dire comme tout le monde.

Et il se replongea dans son coca.