✤ Traits de caractères Elle est pénible, Anka. Pas vraiment méchante, pas plus que vous autres, posez ces pierres, malandrins ! Mais pénible. Pas patiente, pas très empathique, elle ne mettra pas beaucoup de volonté à se plier aux règles sociales du moment. Elle est moqueuse, elle est tordue, elle ouvre toujours sa gueule même dans les pires moments, ça sort tout seul, c’est pas sa faute, m’sieur l’agent ! Elle est comme tout le monde, quoi : elle survit à sa façon. Mais elle est drôle, aussi. Des fois. En tout cas elle, elle se fait vachement rire. Et puis elle est passionnée, à l’excès souvent, mais la passion, c’est toujours excessif, et surtout quand ça concerne un job, comme elle. Et elle est protectrice – pas avec le premier venu, loin de là, mais on peut compter sur elle quand on a su se faire d’elle une amie. C’est un garçon manqué, peut-être que ça compte, ça aussi : vulgaire parfois, pas très fine dans ses propos et ses réactions. Le classique de la femme qui s’est mis en tête qu’en tant que telle, elle devait s’imposer, faire ses preuves. Que les mecs ferment leur gueule, ils ne peuvent pas juger ; les filles, reprenez vos pierres. Et puis cette froideur qu’elle dégage, cette distance qu’elle garde derrière ses yeux mi-clos et sa clope sans filtre, est-ce que c’est vraiment elle, ou est-ce que c’est le bon vieux truc du flic qui en a déjà trop vu dans cette ville de dingues, qui lèche ses plaies en privé, qui a appris à ne pas réagir de trop en public à force de se faire sauter à la gueule par des esprits n’importe où n’importe quand et estime vital de ne pas montrer ses faiblesses aux autres ? Suffit de la connaître pour avoir la réponse. Comme tout le monde, qu’on vous dit, rien de plus, rien de moins.
✤ Occupation diurne Elle bosse. Et quand elle n’est pas en service, elle bosse quand même. Et quand elle ne bosse vraiment pas, elle reste au boulot pour s’entraîner. Sinon, elle sort beaucoup. Deux ans plus tôt, elle s’est pris ses trente ans dans la gueule, et elle ne s’en est toujours pas remise. Voilà sa vie, une vie bigoût comme les carambars. Elle fuit, donc. Ben ouais, sortir, boire, dragouiller comme une vache ivre sans se soucier d’essayer de passer pour une lady vu que de toute façon y aura toujours des désespérés dans les clubs qui se contenteront d’elle, danser, et puis boire, fumer, et boire encore, tout ça, c’est une fuite. De quoi, par contre, ah ben ça, hein, faut pas trop lui en demander… Parce que ce qui est sûr, c’est qu’elle n’occupe pas ses heures de libre à aller chez un psy. Elle ne dessine pas, ne chante pas, ne prend pas de photos, non, ça la gonfle, tout ça, pas assez de patience, puis allez, soyons honnête, elle est à chier, pas de talent, rien. Ses quelques amis sont surtout des collègues, rah, c’est d’un triste ! Faut pas s’étonner qu’elle boive – mais on l’a déjà dit, non ? Elle se balade beaucoup en ville, elle l’aime, ce bled, même si c’est une vraie chienlit. Elle se sent tellement tordue, des fois, et puis elle sort dans la rue et elle est tout de suite rassurée ; non, vraiment, elle est au niveau zéro sur l’échelle de Richter de la dinguerie. Elle passe pas mal de temps chez le coiffeur, aussi. C’est la seule concession esthétique qu’elle fait à sa propre personne. Sinon, elle ne passe pas trois minutes sur son maquillage, ses ongles et ses fringues : alleeeez, vous le pensiez de puis le début de toute façon ! Elle passe beaucoup de temps à avoir l’air d’être toute seule dans sa tête malgré tous les geignards qui viennent pleurer dans sa veste (morts, les geignards) : elle a une poker face d’enfer, dommage qu’elle n’ait jamais rien compris au poker. Et à part ça, elle lit. Oui, elle lit. Des bouquins, hein, pas des boîtes de céréales.
✤ Manies, habitudes & goûts Elle fume, elle se ronge les ongles, elle dit des gros mots, elle rampe sur sa moquette les lendemains de cuite, elle a toujours un livre dans son sac, est connue pour coller son genou dans les couilles des êtres de sexe masculin, elle s’entraîne beaucoup au tir et au combat rapproché, elle court, parfois, mais ça, bwark, ça la gonfle et elle fait pitié à cracher ses poumons sur tous les passants, de toute façon elle se dit pour se consoler qu’elle n’est pas du genre endurante, mais plus explosive, pif, paf, si elle n’a pas rétamé le type en quarante secondes, elle se fera tabasser, elle le sait, elle est toute maigrichonne. Elle parle trop, ou trop mal, ou au trop mauvais moment, mais bon, c’est trop tard pour changer ça, elle a déjà trente-deux, ans, merde ! Elle aime bien les gens en général même si elle n’en a pas l’air, mais pas qu’ils tentent de l’impliquer dans leurs problèmes, non, merci, ça ira, c’est pour ça qu’elle passe souvent pour une garce. Elle est collante avec ses amis, faut dire qu’elle a du mal à s’en faire, elle est comme un tamagotchi, nourrissez-la une fois et elle restera roulée en boule sur le paillasson devant votre porte jusqu’à ce que vous lui ouvriez la porte. Elle aime les jolies femmes, de façon platonique : le matin, quand elle voit sa gueule dans le miroir, la planche à pain qui lui sert de poitrine et les cernes qui lui pendouillent sous les yeux, elle a une pensée émue pour ces femmes qui sont capables d’évoluer en société comme des reines, féminines, matures, parfaites de la pointe des cheveux à la pointe du talon-aiguille. Elle aime bien draguer, mais elle est nulle, et elle le sait, elle se lance rarement sans avoir un coup dans le nez, ça aide, pour quand on se souvient de ce qu’on a dit, le lendemain, ça donne une excuse. Elle aime bouffer, enfin, mais pas cuisiner, ça, jamais. Elle aime les jours de paye même si l’argent lui brûle les doigts.
✤ Capacité Omnipathie. Enfin, c’est sa grand-mère qui lui a dit que c’était ça. Anka, elle ne saurait même pas le trouver dans un dico, omnypatty ? omni-quoi ? On s’en fout, hein, l’important, c’est que c’est là, et que ça l’est depuis longtemps. Parce qu’apparemment, la nature avait décidé que ça ne suffisait pas de lui faire voir les morts et vice-versa, il fallut en plus lui coller ce don. Bon, ça a été un enfer, au début, mais ça va mieux maintenant, et si elle pouvait choisir, elle abandonnerait sans souci son pouvoir de médium pour garder l’omnipathie. Gamine, elle se débattait déjà avec les esprits qui la collait comme une crotte à la semelle, et ça faisait longtemps que ses parents s’étaient résignés, ils avaient enfanté une débile, qui parlait toute seule et poussait des cris en public et affirmait que le tonton Vojniak venait à chaque barbecue alors qu’il s’était fait tuer par un ours avant sa naissance – enfin, c’est l’histoire qui se racontait sur tonton Vojniak, mais à voir sa gueule de steak haché, elle ne pouvait que la croire.
Quoiqu’il en soit, vers huit ou neuf ans, elle a commencé à ressentir un drôle de truc au contact des gens. Elle a mis du temps, déjà, à comprendre que c’était à leur contact. Et plus encore de temps à identifier ce « truc », cette espèce de frisson électrique qui la parcourait, comme si quelque chose se passait, à la lisière de sa conscience. Et comme ça ne passait pas, comme ça devenait même de plus en plus fort, de plus en plus précis, que petit à petit les frissons devinrent des flashes, puis des flashes en couleurs, puis des flashes en couleurs et avec du son, elle a fait ce que toute personne raisonnable aurait fait à sa place. Elle a fermé sa gueule et fait comme si de rien n’était. Non parce que bon, ses parents s’engueulaient déjà tout le temps à cause d’elle, et elle n’allait certainement pas leur donner la bonne excuse pour la foutre dans un asile. Les asiles de fous à Belgrade, v’voyez, ils avaient encore une petite touch goulag, à l’époque. Et puis un jour, elle a compris que ce n’était pas du tout à cause d’elle que ses parents s’engueulaient. Elle tentait un de ses rares câlins à sa mère, les bras autour de son cou, son front contre le sien, et puis juste comme ça, elle a vu sa mère à poil le cul bien haut et un type en train de lui claquer la fesse. Et ça n’était pas son père, ça non. Sa mère a hurlé, Anka aussi, son père est rentré dans la cuisine en hurlant encore plus fort pour les faire taire. Anka comprit deux choses ce jour-là : quand elle voyait quelque chose chez quelqu’un, le quelqu’un en question devait aussi ressentir un truc, et sa mère était une radasse. Elle n’a jamais su comment ça s’est fini entre ses parents, son père l’a emmenée le soir-même chez sa mère, la grand-mère russe à moitié gaga d’Anka, et celle-ci ne les a jamais revus.
La suite ? Sa grand-mère était un peu sorcière, à l’ancienne, à la russe. Elle lui expliqua l’omnipathie, la rassura sur les esprits, lui apprit à interpréter les auras qu’Anka voyait chez des gens dans la rue, toutes ces choses avec lesquelles la gamine avait appris à vivre en silence et qui, sans prendre pour autant du sens à ses yeux, prirent une dimension presque normale dans la bouche de sa baba. La vieille la nourrit, la logea et au final, l’emmena aux États-Unis, et si Anka avait su avant que sa grand-mère n’était pas si gaga que ça, elle serait allée vivre avec bien plus tôt. Et aussi, quand elle regarde sa grand-mère, elle se voit. Elle aussi un jour, elle sera vieille et gaga. En attendant elle a appris à maîtriser son don à la perfection grâce à sa grand-mère psychorigide sur ce sujet.
✤ Convictions Elle n’en pense que du bien, de la révélation. Comme ça, elle n’est plus la seule à savoir qu’ils existent, pour commencer. Et puis comme ça, tout le monde est logé à la même enseigne. C’est trop facile d’être beau gosse, immortel et surpuissant, et de n’en subir aucune conséquence. L’équilibre des forces est loin d’être rétabli, mais les humains ont une chance, comme ça. Une chance de quoi, ça, elle ne sait pas. Ah, et puis aussi : maintenant que tous les regards son braqués sur les lycans, les vampires et les sorcières, merci la télé et les séries pour teenagers, les gens n’ont plus trop le temps de se poser des questions sur les gens comme elle.
✤ Signes particuliers Elle n’a pas de tatouage, pas de boucles d’oreilles, rien, son corps est un temple *rires sarcastiques dans la salle*. En revanche, elle porte des tonnes de bijoux, des bagues à tous les doigts comme une vieille garce de Beverly Hills, que de l’argent, évidemment, c’est cadeau pour quand elle colle des baffes ou des coups de poing, et puis des bracelets à chaque poignet, aux chevilles, mais pas de collier, c’est trop facile à attraper, en cas de bagarre.

♦ 12 décembre 1984 naissance de la petite Anka Evdokija, à Belgrade, en Yougoslavie, enfin en quelques sortes, et  prononcez -kiya. Et, c’est tout en fait. Tout le monde s’en fout.
♦ 12 décembre 1988 face à son gâteau d’anniversaire, entourée de plusieurs membres de sa famille et de quelques petits amis d’école maternelle dont elle ne connait en vérité même pas les noms, elle souffle ses quatre bougies. « Bravoooooo ! » soupire sa mère, « Tu as quatre ans, tu es grande maintenant », balance son père, déjà sur le départ pour aller passer sa journée au bar du coin de la rue, « Tu veux bien dire à ton père d’arrêter de mater les seins de ma femme ? » lui demande un type à la gueule ravagée et au bras arraché planté face à elle. Plus tard, elle comprendra que c’est tonton Vojniak. En attendant, elle fait passer le message – et se prend une gifle. Y a même une photo, mais le tonton Vojniak (le premier mort qu’elle voyait, ou du moins qu’elle identifiait comme tel) n’apparaît pas dessus, ce qui fait que ce fut la première fois aussi où elle passa pour une folle.
♦ 25 décembre 1991 Il neige, et Anka joue sur le trottoir avec ses amis imaginaires – des morts, donc, qui n’ont pas envie de jouer, eux. Tout le monde autour d’elle s’est habitué à la voir parler tout haut de morts et d’esprits, elle est officiellement seule depuis des années, n’a pas d’amis, en souffre en silence mais ne cherche pas à se cacher ou à se taire. L’avantage de grandir dans un pays du Tiers-monde européen, c’est que personne n’a le temps de vous interner chez les fous, alors elle est seule, mais elle est libre de ses mouvements. Ah, et aussi, l’URSS se disloque officiellement. C’est le début de la fin pour son pays, mais allez, elle s’en fout, elle a sept ans. Dans un peu plus d’un an, elle va développer un nouveau don et voir en direct sa mère en plein adultère, à la source, avant de se faire abandonner par ses parents – dans les actes, parce que dans les faits, c’est fait depuis longtemps – à sa grand-mère.
♦ 1998 Ces dernières années, Anka a fait des progrès. Sa grand-mère, sa baba, elle l’adore. La vieille a compris, toute seule ou grâce aux confidences à demi-mots de la gamine, ce que la gamine cache sous son crâne, et avec elle, ce n’est pas la même ambiance qu’avec ses parents. Sa baba ne plaisante pas avec ça et lui a inculqué, dans la douleur, les réflexes de survie de base pour une dérangée – pardon, une « médium » comme elle. Arrêter de parler aux morts, arrêter d’attirer l’attention, ne pas montrer ce qu’on ressent, paraître normale, tout simplement. Il y a un truc dans ce pays dont on n’a pas encore parlé mais qui compte beaucoup : la religion. N’importe laquelle, on s’entretue au nom des trois, ici. Mais il y a truc sur lequel elles se mettent d’accord, main dans la main et doigt accusateur pointé sur les coupables : voir les morts, c’est de la sorcellerie. C’est beau, cette entente. Et c’est devenu vital pour Anka de se cacher, désormais. On ne brûle plus les sorcières, ici, c’est bien dommage, on s’en lamente, mais enfin, on tue toujours impunément, alors… Elle s’améliore vite à ce jeu-là et elle doit bien reconnaître que ça lui facilite la vie. On crève toujours de faim et de froid l’hiver, comme partout dans ce pays, enfin, ce truc, mais les gens qui ne la connaissent pas encore lui parlent au lieu de la fuir. Ça sert donc à ça, de faire semblant.
♦ 3 mars 1999 Victoire ! Elle a si bien su faire semblant qu’un pauvre boutonneux de sa classe a bien voulu la dépuceler. Mais non, on s’en fout pas !
♦ 1er juin 1999 C’est la merde. Ils – elle ne sait pas qui, elle ne comprend rien et elle n’écoute pas en cours – bombardent la ville ! Apparemment, c’est la fin de la Yougoslavie, enfin ça l’est depuis longtemps, mais les guerres de toutes sortes, les conflits civils et les déclarations d’indépendance à gogo ont fini de foutre le bordel. Baba prend Anka sous son bras et fait ce que tout le monde fait depuis des décennies en cas de guerre : elle émigre aux États-Unis.
♦ 6 avril 2002 Elle rentre à la fac. Personne n’y croyait, ni ses profs du lycée, ni sa grand-mère, ni elle-même, mais voilà, c’est fait. En trois ans, elle a appris l’anglais (et le fait que les morts qui la suivent partout parlent en anglais l’a beaucoup aidée, mine de rien), s’est fondue dans la masse, a adopté l’american way of life, a conservé son air bizarre et sa réputation de tordue mais en plus de ça, a appris à répondre, à gueuler, à griffer, à cracher et à mépriser. Et, donc, elle rentre à la fac, une fac merdique, publique, parce qu’elle n’a pas beaucoup d’argent et qu’elle veut rester aux côtés de sa grand-mère, à Westport, dans le Connecticut. Un premier cycle lui suffira, elle sait déjà ce qu’elle veut faire : l’école de police.
♦ 10 septembre 2006 L’académie de police. En parlant de police, les services d’immigration ont essayé de les expulser, sa grand-mère et elle, mais ils n’ont réussi qu’à expulser baba (spoiler alert : elle est revenue avec un visa louche quelques mois plus tard). Anka s’est mariée deux ans plus tôt, à dix-neuf ans, avec un ami rencontré à la fac et qui a accepté de faire ça pour qu’elle obtienne sa carte verte. Ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air, le mariage blanc, mais passons sur les détails. Elle a dû suivre l’amour de sa vie (ha…) à Bâton Rouge à la fin de leur cycle universitaire, alors elle est rentrée à l’académie là-bas et fait ses premières armes de flic là-bas aussi. Facile.
♦ 2007 Ah ben merde alors. « COMMENT ??? DES VAMPIRES ??? » Bon, elle a dû trop en faire, son faux-mari l’a regardée avec méfiance. Anka savait depuis longtemps, elle. Comme ça, ça lui fait un mensonge de moins à entretenir dans son couple – parce qu’évidemment, elle fait croire à Faux-Mari qu’elle est complètement normale, elle.
♦ novembre 2009 « COMMENT ??? DES LYCANS ??? » Bon okay, j’arrête. Anka est flic, donc. Dans le bas du tableau, mais partout dans les bureaux, on ne parle que de ça : la BRIS. Elle sait que c’est fait pour elle. C’est fou ce qu’avoir un objectif, ça vous change la vie. Pour la première fois de la sienne, Anka a envie d’un truc, au point de s’arracher pour l’obtenir.
♦ décembre 2012 Faux-Mari a été muté à Shreveport. Anka a vingt-huit ans tout juste et se demande ce qu’il fout encore avec elle. À ce stade, soit il est gay, soit il est vraiment amoureux d’elle. Elle préfère ne pas savoir. Ils ne se croisent que rarement, de toute façon, et ils ont chacun leur chambre, comme en coloc, et ne sont même pas foutus de s’accorder sur les soirs de cuite, un qui reste sagement à la maison pour tenir les cheveux de l’autre, tout ça, non, ils font leur vie chacun de leur côté. Baba est revenue dans la pays par un biais beaucoup moins légal que la première fois, mais elle est là, dans un appartement beaucoup plus chic, et elle reste sous le radar. Comment elle vit, comment elle paye son loyer, Anka ne sait pas et ne veut pas savoir non plus. Elle a grimpé dans la hiérarchie policière, et elle aime son job. Elle aime ce pays, et elle se sent aussi bizarre, aussi tordue et aussi contente qu’on puisse l’être dans sa situation. Elle vient d’apprendre que la BRIS de Shreveport a validé ses examens : elle y est acceptée comme cadet. Pour fêter ça, l’esprit d’une petite fille qui a été violée et étranglée dans l’immeuble où elle habite désormais est venu pleurer debout devant elle, pendant plus de six heures. Cela deviendra un rituel quasi quotidien.
♦ septembre 2013 Alors ça, ça la tue. Enfin, pas littéralement, contrairement à d’autres. Cette ville, c’est le chaos, elle en est sûre, maintenant. Ces histoires avec le True Blood et les conséquences qu’elles ont eu ont pas mal secoué Anka et elle se blinde, petit à petit. Plus les vampires se font attaquer et plus elle se vide de ses émotions, pour mieux bosser. Les protéger ? Ils s’en foutent, eux, de ce qu’elle fait ou pas pour eux. Ils n’ont pas besoin d’elle, mais c’est son job, et c’est le seul truc où elle excelle. Elle n’a pas levé un sourcil devant sa télé quand le gouverneur a révélé ce qu’il était. La paix, elle n’y croit pas, et franchement, elle n’aurait plus de boulot si ça arrivait, mais merde, les humains ne sont pas foutus de s’entendre entre eux, alors les CESS et les humains, on se marre. Cette année a été pourrie mais ça lui a permis d’apprendre son métier à la dure, plus sûrement que dans un bouquin. La gamine morte continue de pleurer debout à côté d’elle, et Anka lui jette sa canette de bière dessus. C’est le chat de Faux-Mari, qui ronronnait derrière, qui prend à sa place. Bien fait, Anka ne l’aime pas plus que le reste.
♦ 1er janvier 2015 Bonne année ! Elle ne pourra pas être pire que 2014, de toute façon, si ? Et dire qu’elle se plaignait de 2013, elle aurait mieux fait de fermer sa gueule. L’apothéose, ça a été ces humains qu’ils ont trouvé dans la cave d’un club à vampires. C’était vraiment pas beau à voir. Et de l’eau pour le moulin des HA. Anka ne s’est jamais sentie humaine, mais ne s’est jamais non plus vue comme une CESS. Il faudrait inventer une troisième dénomination pour les gens comme elle, qu’on appellerait : « les Tordus Alcooliques ». En attendant, elle peut s’asseoir sur ses congés pays, la direction a été claire : tous les groupes de la ville se sont fait décapiter, ça va être le bordel, et encore une fois, vraiment, bonne année.
♦ Novembre 2015 Bien sûr que ça existe, les Hérésies. Mais elle ne doit pas commenter, pour ne pas que la panique se répande. Ben voyons, parce que ça a tellement bien fonctionné, cette méthode, depuis dix ans.
♦ Aujourd’hui Elle n’est plus une bleue depuis longtemps. La police, c’était déjà rude, la BRIS, c’est pire, évidemment. Les morts sont toujours là, partout, et franchement ce pays en prend plein la gueule depuis la grande révélation. Les cadavres se ramassent à la pelle, mais le pire, ce sont les esprits : ils sont déchaînés. Anka mentirait si elle disait regretter ses choix : elle aime ça, mais des fois, c’est épuisant. Peut-être bien qu’elle ne s’attendait pas à ce que cette vie soit aussi sombre. Et la plupart du temps, elle se dit que c’est la vie parfaite pour elle.