✤ Traits de caractères Deux sphères sombres qui vous cueillent l'âme, pas l'ombre d'un sourire et pas une once d'amabilité. Si vous vous attendiez à de la chaleur italienne, vous pouvez passer votre chemin. Valentia est froide et implacable. On la croirait taillée dans du marbre. Stricte, imperturbable, elle ne laisse aucune place au chaos et contrôle tout avec une minutie effrayante.  Elle est surtout très froide parce qu'elle se croit mieux, elle est persuadée être supérieure aux personnes qui l'entourent. Elle n'a pas le jugement facile pour autant, car c'est une observatrice. Ce n'est qu'au terme de son observation qu'elle rendra son verdict, et il devient alors vérité immuable.
Elle est très fière et très orgueilleuse, comme n'importe quelle personne de sa trempe. Lui arracher des excuses est mission impossible. Son propre fils s'y applique depuis des années et a presque abandonné l'idée.

Quant à savoir si elle tend plus vers le bien ou vers le mal, Valentia fait partie de ces gens particulièrement ancrés à la frontière. Ses intentions sont insondables, mais plutôt simple à comprendre. Elle est conditionnée à la survie, à sa survie. Tous ses choix se font donc sur une base égoïste. Plus jeune, elle était bercée d'idéaux de justice, pensait que son devoir était de protéger autrui, mais elle a cruellement appris au fil du temps que la chasse n'était plus une question de combat pour éradiquer le mal. Elle avait compris que les membres de sa famille étaient tiraillés par le besoin de tuer, par cet instinct du chasseur qui semblait constituer l'essence même des Castelli. L'Italienne a depuis longtemps cessé de combattre cet instinct, et se laisse parfois dominer par lui. C'est l'instinct qui a redirigé ses priorités, a refaçonné sa visions des autres. Elle a complètement déconstruit les stéréotypes de son enfance pour les retravailler dans une vision plus juste. Elle a réussi à brider sa haine, à ne pas se laisser ronger comme la doctrine le voudrait. C'est grâce à cela que Valentia arrive aussi bien à comprendre les gens, car elle ne voit plus du tout juste des gentils humains et des méchants vampires, elle voit maintenant l'étalage de saloperie de chaque être, peu importe sa race. Avec l'âge, elle a aussi fini par comprendre que les CESS n'étaient pas tous dévoués au mal, qu'ils étaient capables de bien faire aussi. Une sagesse acquise qui lui a permis de freiner un peu sur la chasse.

Pour mieux se comprendre, elle a tendance à personnaliser la part d'ombre en elle. Elle se définit en tant que l'association de ses pulsions contraires. Il y a donc Vee, qui est cette création de la Guilde, cette chasseuse incontrôlable, parfois cruelle et profondément habitée par l'instinct du tueur. Et il y a Valentia, plus précieuse et hautaine, mais également placide et plus axée sur la réflexion et la patience. Vee est une personnalité mordante, avec la langue aussi aiguisée qu'un couteau et la fâcheuse tendance à négliger le monde ou à simplement se foutre d'eux. Valentia est plus dans la retenue et le contrôle, mais c'est aussi la plus sensible. C'est elle la veuve et la mère, même si elle n'est pas très douée pour la deuxième partie de l'emploi, ayant été principalement éduquée par son père.
Elle a énormément de charme, c'est indéniablement une belle femme. Pourtant, elle ne joue pas particulièrement de ses charmes. Ayant grandi dans un univers masculin, elle a toujours été sous estimée justement à cause de ses courbes généreuses. Si dans certaines situations ça a été un avantage, dans d'autres ça n'a fait qu'éveiller un appétit féroce pour la compétition et un besoin de se montrer supérieure. Elle se sent souvent obligée de battre les hommes sur leurs propres terrains. Elle ne refusera jamais un pari venant d'un homme d'ailleurs, ils ont tendance à la faire tomber dans la démesure, la forcent à prouver quelque chose.

On pourrait tomber sous le charme, peut-être. Certains y sont parvenus. Mais c'est au péril de votre vie, car il y a une constante avec Valentia, c'est qu'elle détériore tout ce qu'elle touche. Elle a été élevée dans la destruction et la moindre de ses relations est déséquilibrée. C'est du tout ou du rien, mais c'est vous qui perdez à la fin.
✤ Occupation diurne La nuit, paraît-il, porte conseil. Mais pour cela, il faudrait encore pouvoir s'abandonner aux bras de Morphée. Vee ne connait pas le sommeil, ou alors très peu. Son repos est relatif, souvent une poignée d'heures précédant l'aube et ses rayons faiblards. La journée donc, elle est occupée à travailler, ou plutôt à se faire rabaisser par son chef misogyne qui la traite plus comme une secrétaire que comme un officier de police. Confinée à des activités bien maigres comparées à ses véritable compétence, elle ronge son frein en attendant la fin de son service.  Elle préfère ne pas faire de vagues, se sachant en équilibre sur une corde raide à cause de son passé de chasseuse. Elle jette un œil au loin sur les affaires, se permet quelques commentaires à ses collègues quand son lieutenant a le dos tourné, mais sinon elle se contente de paperasse administrative. Elle sait que le soir venu, elle peut sortir de ce trou misérable et poursuivre son entraînement avec acharnement. Car malgré l'âge, malgré son passé trouble, Valentia veut ce poste d'Exécutrice et elle n'a pas peur des mises à l'épreuve qui arrivent à grand pas.
✤ Manies, habitudes & goûts Chaque matin est un rituel. Ils commencent tous par une heure de méditation et d'étirement très tôt le matin, et ce peu importe l'état dans lequel elle se trouve. Il s'agit lors de cette heure de se connecter à son corps, de se parer de son armure pour affronter son quotidien. C'est une heure où elle n'existe plus, elle n'a plus d'identité et elle se concentre sur tout ce qui fait le monde et non pas sa vie. C'est une habitude qu'elle a prise au détour d'un voyage avec Saddler, son défunt mari, lui-même passionné de tout ce qui est spirituel. ₪  Ensuite il y a un petit déjeuner, tout aussi ponctuel et dont elle ne peut se passer. Il tourne principalement autour d'un expresso servi comme en Italie. En fait le café revient souvent dans la journée, très souvent même. Car le café est bel et bien uns institution en Italie et il est servi à tout bout de champs et à toutes occasions. ₪ Et ensuite il y a une traditionnelle engueulade avec son fils Dante, autrement, elle ne peut pas arriver de mauvaise humeur au bureau. Quand il n'est pas là donc, elle l'appelle et il l'envoie la plupart du temps sur les roses. Ils se disputent un peu jusqu'à ce que l'un d'eux raccroche à cause de la colère. ₪ Le reste de son temps est livré ensuite à l'improvisation. Mais elle consacre toujours un moment de sa journée pour aller s'entraîner au stand de tir. La précision c'est ce qui a toujours fait sa réputation de chasseuse, il ne faudrait pas qu'elle perde la main. ₪ Il y a également toujours un moment aussi consacré à la lecture des journées et au recensement des derniers événements liés aux CESS. Bien qu'elle ne chasse plus, elle pense toujours important de devoir connaitre la population locale et ce qui s'y passe. Et si ses plans se concrétisent et qu'elle devient Exécutrice pour la B.R.I.S, il devient d'autant plus important de s'informer. ₪ Les mauvaises habitudes ayant aussi la vie dure, elle ne sort pas sans un minimum vital, c'est-à-dire une arme avec des balles en argent, au moins deux lames en argent également et un pieu. Ce qui est encore moins négociable, c'est sortir sans son amulette de protection, un briquet et sa croix. ₪ Elle mange sainement et de manière équilibrée et n'aime pas le gras. Ces bonnes habitudes alimentaires cependant ne l'empêchent pas de se détruire à la cigarette et au Bourbon. ₪ Valentia aime le silence ou les mélodies harmonieuses. Tout le reste pour elle est nuisible. Pas étonnant qu'on la trouve antipathique. ₪ En partant de chez elle, elle laisse souvent un tout petit morceau de papier dans le battant de sa porte, pour vérifier si quelqu'un est entré dans son appartement ou non. De même, il y a des petits pièges à de nombreux endroits stratégiques de son appartement au cas où il prendrait à quelqu'un l'envie de venir fouiner.
✤ La traque continue Castelli. Le nom seul devrait vous éclairer sur le sujet. La chasse pour eux, c'est une institution familiale, une organisation quasiment militaire. Valentia n'y a pas échappé. Endoctrinée dès son plus jeune âge, elle pensait "traque" et "survie" quand les autres enfants de leur âge apprenaient encore à colorier sans dépasser.  Si elle est née sur le sol américain, ses parents et elle ont très vite déménagé à Milan pour se rapprocher du reste de la famille et surtout pour l'élever dans la tradition italienne plutôt que dans les manies américaines. Ainsi, elle a emmagasiné les connaissances de la vieille Europe, l'histoire et les mythes sur les créatures locales et comment au fil du temps les chasseurs ont appris à s'en débarrasser. On lui a appris à détester ces êtres surnaturels et on lui a appris que tous les moyens étaient bons pour s'en débarrasser. Si dans son enfance, elle a été bercée par une vision ultra manichéenne et le sentiment de devoir protéger plus faible que soi, elle a fini par comprendre que tout était largement nuancé en passant à la pratique.

Elle a bien sûr été une pupille de la Guilde, mais aussi intégrée fut sa famille dans l'organisation, elle savait qu'ils n'étaient pas forcément appréciés de tous. C'est au contact de la Guilde qu'elle a appris à se battre et à manier les armes. Un apprentissage très dur et rigoureux pour lequel elle se révéla plutôt douée. Elle compensait son manque de force par beaucoup d'agilité et d'adresse, ce qui fit d'elle une experte en tir et en lancer de couteau. Si elle ne brillait donc pas forcément dans le combat rapproché, elle avait une faculté terrifiante à se faire discrète et à attaquer dans l'ombre.
Au fil des années donc, elle s'est spécialisée dans les armes à distance. Oh bien sûr, elle sait se défendre suite à des années et des années à pratiquer les arts martiaux, mais elle se sent nettement plus à l'aise en possession d'une arme. Elle n'utilise le combat qu'en dernier recours, ce qui est plutôt conseillé quand la grande majorité de ses cibles est plus forte et plus rapide qu'elle.

Si elle est restée longtemps au service de la Guilde, elle n'a pas toujours été en bons termes avec eux. Fidèle aux traditions des Castelli avant tout, elle a très vite troqué ses grands idéaux de justice contre des principes de survie. Très observatrice, elle n'a jamais cédé à l'idéologie de la supériorité des humains. Elle n'a pas plus d'estime que ça finalement pour les humains, car elle a compris qu'ils étaient autant enclins que les surnat' à céder à la cruauté. Elle la première.
Sur cette base donc, elle a développé son réseau d'informations sans vraiment regarder à la race. Elle s'est souvent retrouvée à collaborer avec des vampires, des loups et même des métas quand cela s'avérait nécessaire. C'est ce comportement qui lui a valu de nombreux problèmes avec l'organisation de chasseurs. Des rumeurs lui attribuèrent même des relations avec des CESS. A la Révélation, elle sentit le vent tourner pour l'organisation et quitta sa vieille Europe pour se rendre aux Etats-Unis. Son instinct fut récompensé quand la Guilde se retira définitivement du territoire.
✤ Convictions Il va sans dire que pour l'Italienne, la Révélation est mal passée. Pourtant, ça n'a pas poussé les chasseurs à s'arrêter, loin de là. Le coming out des CESS n'a été qu'un ralentissement tout au plus, qu'une complication à prendre en compte, des données de plus dans un calcul déjà établi et répété. Au fond ce qui la dégoûtait le plus, ce n'était pas vraiment les créatures qui marchaient maintenant sous le feu des projecteurs, mais plutôt les réactions de la communauté humaine face à ça. Le fanatisme la répugnait. De même, elle trouve les mouvements extrémistes complètement stupides et désorganisés. Elle frapperait une groupie aussi bien qu'elle frapperait un HA.
Mais ce que la Révélation lui a apporté, c'est une raison valable de s'éloigner de la Guilde. Elle avait compris d'avance que l'organisation de chasseurs n'obtiendrait aucune légitimité si les surnaturels obtenaient des droits. Elle a donc mis le cap vers les Etats-Unis en 2009, au grand dam du clan Castelli. En posant les pieds sur le sol américain, elle a consenti à arrêter la chasse et à sa consacrer à des activités légales. Mais dernièrement, elle est de nouveau tiraillée par son instinct, c'est c qui l'a poussé à vouloir obtenir le poste d'Exécutrice.
✤ Signes particuliers Comme tous les membres de la famille Castelli qui ont subi l'initiation, elle a eu droit au tatouage d'une croix surmontée d'une flamme. Son tatouage s'étend tout le long de sa cuisse droite. Sur chaque poignet elle a également un tatouage. Sur le gauche, il s'agit de toutes les phases de la lune, sur le droit, une rose des vents. Elle est également passé sur la table d'un tatoueur magique en Roumanie, et un serpent s'enroule ainsi autour de sa cheville gauche. Les propriétés ont augmenté son endurance et son agilité.

C'est une histoire qui se conte en maux. Est-ce que vous aussi vous aimez vous épanouir dans les ombres effrayantes ? Est-ce que la haine réchauffe parfois les longues nuits d'hivers ? Est-ce que vos songes vous mènent aussi dans le royaume des morts ? Même les plus lointaines banquises se mettent à fondre quand la température augmente trop. Le coeur s'écrase dans sa prison thoracique. Il n'y a pas de fin au chagrin.

25 ans

Quand elle sort de la ruelle, elle voit son père qui se tient droit et qui attend. Il affiche un air indifférent, mais Valentia voit bien la fierté danser avec l'éclat des flammes dans ses yeux. Elle aussi se tient droite, ne se retourne pas pour contempler une dernière fois son oeuvre et jugule un sourire carnassier. Elle ne doit pas avoir l'air fière, elle ne doit pas se vanter, elle doit prendre l'air solennel du devoir accompli. C'est comme ça que les Castelli chassent. Ils se drapent de manière princière, alors qu'ils ne sont que des raclures de l'humanité qui soulèvent les pavés à la recherche d'un peu de sang à verser. Ils se murmurent tellement de choses à leur propos que le souffle des rumeurs a enflé jusqu'à former un ouragan. Les humains se méfient d'eux, ont l'impression d'avoir affaire à une autre branche de la Mafia. Les autres familles de chasseurs les respectent, mais il y a toujours une pointe de mépris et de désapprobation quant à leurs alliances. Tout est vrai et tout est faux à leur sujet. Ils cultivent religieusement les secrets autour de leur famille.

Sans un mot, ils quittent le théâtre de leur tuerie nocturne. Les dernières flammes lèchent la chair morte du vampire et finiront pas s'éteindre. Première mort. Premier sang. C'est la concrétisation de toute une vie à apprendre et à s'entraîner avec acharnement. Dès ce soir, elle est officiellement dans l'Ordre, elle peut finalement voler de ses propres ailes. Elle est prête à déchirer la vie avec les dents, à tordre les boyaux des créatures qui peuplent la nuit. Elle les déteste. Est-ce qu'elle les déteste ? Elle pense que oui, elle a grandi comme ça.
Ses doigts ne desserrent pas leur prise sur la petite boite d'allumette qui a apporté la touche finale du spectacle. Elle a encore l'odeur de l'essence dans le nez, s'en délecte, pyromane plus par obligation que par conviction. Pour se donner plus de contenance, elle se dit que c'est le feu de la justice qui sévit derrière. Ce soir elle rentre chez elle, et c'est le début de sa nouvelle vie. Désormais, ses pas traînent la mort derrière eux. Finies les longues heures à apprendre les vieilles légendes, à survoler des bouquins pour connaître ses ennemis sur le bout des doigts. Finis les entraînements de rapidité, où en quelques secondes à peine ils devaient remonter une arme. Dans sa famille, on était éduqués avec la peur et dans l'esprit de compétition. Celui qui terminait en dernier se voyait marqué d'un point rouge sur le front, la cible, la honte. Elle n'a jamais terminé en dernier.
Le soir dans les cottages entre apprentis, ils jouaient à la roulette russe, avec des balles factices. Ils s'amusaient à vouloir écraser les autres, ils vivaient avec un seul motto en tête : "Crée les règles ou suis le leader." Elle jouait la carte de la discrétion. Elle ne surprenait pas par sa force, mais plutôt par sa précision. Une as du tir et des plans bien ficelés. Son maître mot, la minutie.

Et ce soir elle abandonnait enfin les jeux d'enfants pour arpenter la cour des grands. Elle avait obtenu son droit de passage dans le sang. Et dans le sang, elle ferait sa réputation, elle ferait l'histoire.

29 ans

Une main délicatement posée sur son ventre proéminent, elle penche la tête sur le côte, comme si ce geste lui révélerait un angle nouveau du visage de son interlocuteur. "Ah mais ma bonne dame, j'peux rien pour vous là. J'vous dis que je les connais pas." Elle hoche lentement la tête, mais ne décampe pas pour autant. Son autre main vient se frayer un passage jusqu'au col du bonhomme dont le teint commence à blêmir. Elle a un air indéniablement féroce qu'elle approche au plus près de son petit visage rond et aplati. Tellement rond et plat qu'elle s'imagine pouvoir l'allonger sur un tourne disque. "Je crois que je n'ai pas été assez claire. Je vais commencer par répéter mon nom. Valentia Castelli. Castelli, ne retiens que ça. Et je sais de source sûre que vous vous occupez de l'entretien de la mairie. Alors je vais redemander clairement. Je vais bien articuler, parce que tu n'as pas l'air de bien comprendre. A quelle heure commence la cérémonie ?" Son autre main quitte son ventre et se glisse jusqu'à sa ceinture d'où elle tire une petite lame. L'éclat de l'argent attire l'oeil du bonhomme, et il ne parvient pas à réprimer un hoquet d'horreur quand il voit le couteau se glisser vers son entrejambe. "20h30. Ils commencent à 20h30." Aussitôt, il sent la pression se défaire, et un sourire étire les lèvres de la chasseuse. "Ah eh ben voilà. Surtout, tu ne devrais pas trop parler de cet entretien. En fait, je te conseille de l'oublier dès maintenant." Aussitôt plus libre de ses mouvements, il semble se enhardir. "Sinon quoi ? Hein ?" Valentia hausse un sourcil, mais ne perd pas son sourire. De sa poche, elle sort un petit sac en plastique dans lequel s'éparpillent des cheveux d'un noir de jais. Elle le lui lançe entre les mains et l'accompagne de son petit commentaire : "Tu les rendras à ta femme."

Sans un mot en plus, elle s'éloigne de la petite impasse pour retrouver l'agitation de l'artère principale. Elle s'engouffre dans une voiture, et Isaac l'accueille avec un air perplexe. "C'était nécessaire ?" La brune hausse les épaules avec désinvolture. Elle conclut simplement. "Il faut ce qu'il faut." Le chasseur ne relève pas, et il démarre en trombe pour rejoindre la demeure des Castelli. "A quoi tu penses ?" Au début, elle ne répond pas, puis se fend d'un soupir. "On sait où, on sait quand et à quelle heure, on sait qui. Mais on ne sait toujours pas comment rentrer." Avec sa grossesse, ses gestes sont restreints, et une entrée fracassante lui est déconseillé. "C'est simple non ?" Elle tourne la tête vers Isaac, sans comprendre. "C'est une mairie, on n'a qu'à se marier." Elle ouvre la bouche, mais aucun son ne lui échappe. Coite.
C'est comme ça entre eux, ça tombe par surprise. Ils ne cherchent pas à jouer dans le romantisme, ils ont même du mal avec ça. Toutes les décisions se prennent sur des coups de folie. Et si on se mariait ? "Ouais. C'est... une excellente idée."  Elle ne réalise pas, mais elle sait quelque chose. Si mari il doit bien y avoir, ça ne peut pas être quelqu'un d'autre que lui. Alors c'est un oui.
Du bout des doigts, il caresse une mèche de cheveux, étrangement plus courte que les autres.

36 ans

"Il faut que tu dormes maintenant, l'histoire est finie." L'enfant a sept ans. Serré contre son doudou, il n'arrive pas à fermer les yeux car les monstres nocturnes peupleraient sa chambre. "Il n'y a pas de monstres, Dante. Maman leur arrache la tête. Elle t'apprendra comment faire" L'Italienne dépose un baiser sur le front brûlant de son fils, seul geste de tendresse qu'elle se permet. Elle ferme ensuite la porte et commence à se préparer pour une nuit de chasse. Depuis qu'il est parti, elle n'a pas cessé de s'activer. Si elle arrête, elle tombe, tout simplement. Dans le plus grand des silences, elle s'entend agoniser avec lui. Alors pour supporter le deuil, elle s'est lancée corps et âme dans la chasse, dans l'espoir de panser un peu les plaies.
Elle est à la dérive, à la recherche de nouveaux repères, à la recherche de sang pour étancher sa soif de tueries. Il ne va pas sans dire qu'elle fonce dans le mur. Elle trace, s'informe, poursuit, tue, c'est un véritable ouragan. A la longue, elle s'épuisera, elle le sait. Son corps ne supportera pas longtemps son rythme insensé. Mais tant que le spectre de la vengeance flottera près d'elle, elle ne s'arrêtera pas. Pourtant elle est au pied d'un dilemme. Si elle se venge véritablement, si elle se fait justice et tue les humains responsables du meurtre d'Isaac, alors elle sera exclue de la Guilde et tombera en disgrâce. L'Honneur des Castelli est trop important pour qu'elle ne le fasse vraiment. Alors elle ronge son frein.

Pour garder un oeil sur l'affaire, elle s'est engagée dans les forces de police. Et même si par souci d'impartialité, on la garde loin du dossier, elle se console en restant active. L'avantage, c'est qu'elle a un oeil sur tous les phénomènes surnaturels du coin, et trouve ses victimes parmi les affaires non résolues.
Alors la journée elle enquête, et le soir elle laisse traîner ses oreilles dans les bars, s'informe, joue à la roulette russe, mais cette fois avec de vrais balles. Maintenant, elle prend les informateurs comme ils viennent, humains, loups et même vampires font partie de ses alliances. Des méthodes et des pactes qui commencent à soulever le questionnement du reste de la communauté des chasseurs. On connait les tendances des Castelli à manigancer, même avec le diable, mais Valentia semble pousser encore plus loin. Et surtout, elle n'en a strictement rien à foutre des autres blaireaux de la Guilde et de leurs fausses bonnes intentions. Il n'y a que l'avis des Castelli qui compte. Et encore. Lancée à pleine vitesse dans le train de la destruction, elle bousille tout ce qu'elle touche, à commencer par elle-même.

Alors qu'elle est apprêtée, elle entend les sanglots étouffés de Dante, sûrement en proie à d'autres fantômes de son imagination. Elle marque une pause, soupire, hésite à faire demi-tour pour le consoler, mais quitte finalement la maison sans un regard.
C'est comme ça, c'est à la dure.

39 ans

"Tu ne coucheras point avec une bête, pour te souiller avec elle. La femme ne s'approchera point d'une bête, pour se prostituer à elle. C'est une confusion."La chasseuse serre les dents. Si d'ordinaire la colère ne motive jamais ses gestes, elle a quand même du mal à contenir son indignation. "Inutile de me le rappeler. Tout comme toi, j'ai lu le Lévitique."
Beaucoup moins tempéré que sa fille, Giuseppe Castelli donne de la voix. "Valentia, ce dont on t'accuse est plus que grave. Tu pourrais être répudiée." Elle ne réagit pas. A peine un mouvement d'humeur. Droite, accrochée plus que jamais à sa fierté, elle poursuit dans le plus grand calme. "Je n'ai rien fait de ce qui est dit. Ce ne sont que des bruits de couloir, de quoi occuper les commères quand elles lavent leurs linges." Chaque mot est articulé avec soin, comme si elle expliquait la vie à un enfant. Un affront qui ne manquera d'énerver le patriarche. "Des gens t'ont vu Valentia. Ils t'ont vue fricoter avec des lycans, avec des métamorphes, et je ne sais quelle engeance démoniaque encore." L'accusée se contente d'un sourire las. "Des mauvaises langues encore. Pour eux, le sourire d'une femme veut forcément dire plus. Père, je fais affaire avec ces créatures, mais ça ne veut pas dire que je m'allonge dans leur lit ensuite."
Ses yeux s'animent soudain, le mettent au défi de ne pas la croire, d'oser remettre en cause ses affirmations. Le vieux chasseur reprend contenance, il ne crie plus maintenant, il siffle avec dédain. "Tu affirmes donc que ton fils n'est pas de nature impure ?"

Pause. Le sourire se crispe. Disparaît. La question la transperce de part en part, la retourne. Difficile de garder la couche de calme. La colère fissure le marbre, délie sa langue. "Dante est le fils d'Isaac. Et de personne d'autres ! Alors là... On peut m'accuser de bien des choses, mais ça c'est bien la seule chose que je ne laisserais pas passer." Cette fois, les rôles s'inversent. C'est Valentia qui s'emporte, et Giuseppe qui écoute calmement. Ces deux là n'en sont pas à leur première confrontation. Ils n'ont vécu que de ça, de disputes, de défi et de défiance. Mais même dans leur relation chaotique, ils n'ont jamais cessé de se respecter. Jusqu'à aujourd'hui.
Duel de regard. "Ce n'est pas moi que tu dois convaincre, Valentia." "Mais je m'en fous de toutes ces vieilles brêles de la Guilde. Ils peuvent crever en enfer. Ils ne sont plus dans l'air du temps. Le monde change, mais eux ils sont toujours au Moyen-Âge." Et s'ils veulent de la justice pas arbitraire et basée sur le déshonneur, alors elle va leur en donner. Parce qu'elle est comme ça Valentia, c'est un bateau qui vogue selon ses envies, et peu importe que le capitaine tente de virer d bord, elle maintient le cap qui l'enchante.  La poigne encore lourde son père s'abat sur son épaule, stoppe toutes ses envies de vendetta. "Peu importe ce que tu penses, c'est une mauvaise idée. Valentia, pour ta famille, prends la bonne décision. Emmène Dante, présente-le, commence son apprentissage. Tu ne devrais pas te mettre la Guilde à dos." Elle secoue la tête. "Je ne cache pas Dante parce qu'il abrite une quelconque nature monstrueuse, mais plutôt parce qu'il abrite un faible. Il n'est pas taillé comme nous. Il est fragile. Il se fera dévorer. Il portera la cible rouge." Son ton trahit l'amertume, celle de ne pas pouvoir aider son fils, celle de ne pas pouvoir faire de lui le chasseur que la famille Castelli attend.
Mais Dante reste son fils, et comme n'importe quelle maman lionne, elle le protège férocement. Quand bien même elle ne comprend pas, quand bien même ils ne communiquent pas beaucoup, elle ne laissera aucune insulte impunie. "Il est tout ce qu'il y a de plus humain, la faiblesse avec." Le patriarche Castelli rumine ces paroles, mais Valentia voit bien qu'il persiste du doute dans son regard sévère. Déception. "Ce sont les paroles de ces inconnus contre celles de ta fille." D'un pas déterminé, elle quitte ce tribunal familial improvisé, où on ne lui accorde même pas la présomption d'innocence. Elle n'aime pas avoir à se justifier, elle n'aime pas avoir à rendre des comptes.


La nuit approche, et la fatigue étreint son corps. Avant d'aller s'accorder quelques heures de sommeil, elle ose un coup d'oeil dans la chambre du petit garçon. Elle aperçoit sa frêle silhouette qui barre en diagonale un lit trop grand pour lui. La chasseuse repense à la dispute avec son père, à ses mots concernant l'enfant. Il est trop faible, elle peut le sentir. Il n'a pas l'esprit qu'il faut pour la chasse. Sauf qu'elle, elle ne sait pas quoi en faire de cet enfant. Ou du moins, elle ne sait plus. Isaac savait, lui. Il avait la fibre pour ça, à croire qu'il était né père. Elle en revanche, ne sait jamais quels mots choisir ni comment le prendre. Elle n'arrive qu'à le brusquer, à l'image de sa propre éducation, brutale.
Elle laisse le silence parler, mais à leur âge, ils ne savent pas interpréter ça.

45 ans

Derrière elle, elle ne laisse finalement qu'un empire désuet, dont le nom se fait rapidement oublier. Elle a besoin de courir sur de plus grands espaces, comme un félin dangereux retenu trop longtemps en cage. Ruminer plus longtemps sa frustration aurait pu conduire à la rupture de ses nerfs, pourtant solides.
Alors elle a choisi un autre terrain de jeux. Elle a quitté l'Italie de son enfance, tiré un trait sur sa vie d'avant. Elle repart de zéro, mais vogue quand même sans but. Seul l'enfant qu'elle protège l'aide à maintenir le cap, même si leurs relations se dégradent à grande vitesse. Mais ici, elle doit se défaire de bien des attaches, à commencer par la chasse.

Valentia rend les armes sans trop rechigner, vidée du feu de la chasse qui l'habitait auparavant. Le précieux instinct du tueur du patriarche Castelli a rentré la queue entre les jambes et s'est sagement couché, remplacé par une entité plus calme, mais pas moins dangereuse, l’amertume.
En ruminant les événements des dernières années, l'Italienne s'efforce de reprendre un chemin plus droit, plus près de Dieu et de tout ce qui pourrait d'une façon ou d'une autre, la paix intérieure qu'elle n'arrive pas à trouver. Alors elle met ses écarts de côté, recommence tranquillement une carrière dans la police avec laquelle ils essaient de ramasser les pots cassés de la Révélation, et de freiner l'engouement de toute une nouvelle génération de fanatiques.

Si le nom de Castelli lui vaut parfois quelques regards méfiants et des moues contrariées, elle pense pouvoir recommencer une vie plus plate et plus posée. Mais est-ce qu'on échappe vraiment à tous nos fantômes ?


Quand le monde s'écroule une première fois, le reconstruire n'effacera jamais les souvenirs qu'on avait d'avant et ne pansera jamais la déchirure de la perte.