✤ Traits de caractères Laquelle des trois voulez-vous connaître ? L'humaine engagée, la marquée intrépide ou la vampire intraitable ? Vivre plus d'un siècle vous forge le caractère ou vous détruit à petits feux. Après cent ans, que reste-t-il de cette fille des champs, cette marginale aux idéaux tabous ? A vrai dire, il reste pas mal de choses. Les idéaux sont toujours là, son dévouement à la cause féministe a bien mûri mais n'a pas pris une ride pour l'instant. Étrangement, la vampire garde toujours en elle ce côté de sa personnalité humaine, comme s'il était indissociable d'elle. Oui, toujours pleine de cette fougue, elle a vu le monde évoluer un peu plus dans son sens et pouvoir assister à tous ces changements l'encourage à continuer. Donc oui, c'est une féministe, mais aussi une fervente partisane de la liberté. Elle ne supporte pas l'injustice, encore aujourd'hui. Pourtant sa notion de la justice est quelque peu subjective...
Elle s'est séparée de sa candeur. En fait, l'entité infantile avait disparu complètement le jour où son Sire s'était révélé à elle. A partir de cette fameuse nuit, elle avait ouvert la porte à tout ce qui se faisait de mal et dans son délire masochiste avait complètement inversé la tendance. Aujourd'hui encore, sa notion du bien et du mal est un peu distordue, les deux extrêmes finissent même par se confondre.
Et puis il y avait aussi ce trait de caractère qui transcendait toute nature, sa capacité à aimer inconditionnellement. Bien que Jürgen soit le seul à bénéficier de cet aspect de sa personne. Pour elle c'était un trait de caractère, cette patience et cette foi qu'elle avait quand il s'agissait de lui. Et le fait que ces sentiments ait survécu à l'étreinte porte à croire qu'il est ancré en elle, postulat de son être.

Outre ces rémanences humaines, la vampirisation lui a aussi offert plus de charisme. Elle a développé plus de confiance en elle et l'âge avait aussi fini par lui apporter prestance et classe. C'est une femme avec qui on a plaisir à converser, qui se fond sans problèmes dans les événements mondains. Toujours au fait de tout, elle est curieuse et perspicace, ce qui tend sa recherche de savoir à bien des domaines.
Mais aussi elle s'en est retrouvée un peu plus sévère et cynique, avec une fâcheuse tendance à toujours pointer les mauvais côtés des autres. Intraitable, elle se montre peu patiente quand il s'agit d'affaires ou quand quelqu'un la contrarie.
Elle a la vengeance facile, et commence à vite transgresser les limites qu'elle s'était autrefois imposée. Elle cède ainsi plus facilement au plaisir de manipuler les esprits plus faibles.
Touchée à moindre dose par la même malédiction que Jürgen, elle sent quelque fois qu'elle tend plus vers les zones d'ombre. Pour l'instant, cela ne se traduit que par de bêtes sautes d'humeur, où elle va se montrer exagérément cassante ou intolérante.
✤ Occupation nocturne Son seul regret est que les nuits ne durent pas plus longtemps. L'Aurore est une briseuse de ménage. La nuit, c'est simple, elle travaille la plupart du temps. Elle occupe depuis peu un poste à responsabilités, et ça lui prend une bonne partie de son éternité. Gérer le personnel, les comptes, s'énerver un bon coup contre l'incompétence de certains, il y a là beaucoup à faire. Elle a toujours choisi de rester occupée, pour preuve avant de devenir directrice financière et administrative du Louisiana Boardwalk, elle occupait son temps comme attachée de presse de la filiale américaine de True Blood. Mais après le scandale de la contamination, elle a préféré quitter ce poste, ne voulant pas voir son image de vampire modèle ternir.
Quand la vampire n'est pas à son bureau, elle ne cède pas pour autant à l'oisiveté. Au contraire, elle s'active, multiplie les recherches pour trouver un moyen de conjurer la malédiction de son Sire. Ces activités ont même tendance à virer à l'obsession...
Il n'est pas rare cependant qu'elle se consacre des loisirs, certains un peu superficiels comme le shopping, d'autres un peu plus réfléchis comme se perdre dans un classique de la littérature, dévorant les pages pour s'éloigner de son nouveau quotidien. Mais ces moments s'espacent de plus en plus, et elle emploie ce temps de loisir pour s'adonner à son nouveau passe-temps, surveiller Jürgen ou s'occuper de lui quand il perd le contrôle.
✤ Manies, habitudes & goûts L'Infante agit souvent sous le sceaux de l'imprévisible. Des habitudes, elle n'en a pas beaucoup, chaque nuit pouvant être rythmée différemment. Elle a bien sûr ses heures de travail, mais là encore, rien de très régulier puisqu'elle prend souvent la liberté d'aménager les heures comme il lui convient. Non, vraiment, pas de petit rituel, pas de petites habitudes, du moins plus depuis récemment. Maintenant, elle vit dans une certaine frénésie, ménageant travail, recherches et Jürgen comme le peut, mélangeant parfois l'ordre et le tout.
Maintenant, si on parle de goût, il y a un peu plus à creuser. Une passion qu'elle s'est trouvée durant les années, c'est la littérature. Elle aime les belles lettres et a parcouru et reparcouru tous les classiques possibles. Un de ses jeux d'ailleurs, et ce depuis l'époque humaine, est de deviner quel auteur est un CESS et de quelle espèces. Elle aime l'art en général en fait, mais trouvera plus de plaisir dans un roman que dans une peinture.
Elle a un certain attrait pour la mode aussi, petite faiblesse féminine et mondaine. Ayant travaillé très étroitement avec la presse, en général elle sait toujours quelle tenue peut conquérir le coeur des gens. Mais là encore ce ne sont que des futilités...
✤ Discipline Inscrite dans la lignée du Voyageur comme son Sire, la jeune vampire est douée de vicissitude. C'est une capacité qu'elle adore et qu'elle pratique avec plaisir, même si elle a moins de temps pour s'y exercer. Elle en est au niveau deux, celui où les changements d'apparence sont plus accessibles et durent plus longtemps. Elle aime cette idée de pouvoir changer parfois de forme, mais c'est surtout son contrôle sur l'apparence des autres qui l'intéresse. Si elle est plutôt créative quand il s'agit de se faire passer pour quelqu'un d'autre, elle l'est d'autant plus quand il faut appliquer ses capacités sur d'autres. Elle maîtrise plutôt bien ses capacités actuelles, et ressent de moins en moins de difficultés. Elle n'en est pas non plus à une maîtrise parfaite, loin s'en faut, elle a tendance à manquer d'endurance en la matière, mais elle progresse assez rapidement. Déjà, elle rêve d'atteindre le niveau supérieur, rien qu'à voir ce dont son Sire est capable.
✤ Convictions Grande défenseure de l'intégration, Barbra a vu la révélation d'un très bon oeil. Elle le vit plutôt bien et a même réussi à se faire une petite place dans tout ce paysage en travaillant pour True Blood. Elle a même eu son temps de médiatisation en faveur de l'intégration. Pour elle, c'était un mal nécessaire, car elle ne se voyait pas forcément passer sa vie cachée du reste du monde. Elle sait que rien n'est encore parfait et qu'il y a encore beaucoup de travail, mais elle est plutôt optimiste, c'est dans sa nature de continuer à vivre de ses convictions. Elle espère bien que les vieux vampires réacs finiront par accepter la situation et par comprendre qu'ils en tirent des avantages, malgré la perte de quelques habitudes barbares. Après si les humains l'acceptent ? Même si elle sait que c'est plutôt favorable à leur intégration, elle n'est pas vraiment intéressée par leur opinion. Pro-intégration, oui. Pro-humains ? Loin s'en faut.
✤ Signes particuliers On aurait pu s'attendre à ce que l'étreinte la restaure complètement, mais il reste, pour celui qui a suffisamment de temps à observer, une fine cicatrice qui barre son ventre à l'horizontal. Maigre vestige de l'attaque de Saladin, il n'est cependant pas totalement effacé et lui rappelle sans cesse le côté tragique de leur histoire. si des décennies de régénération n'ont pas emporté avec elle ce triste présent, c'est parce que la blessure a quelques origines magiques. C'est un peu sa marque au fer blanc surnaturel, celle dont elle ne se séparera sûrement jamais, physiquement et mentalement.

Noir abyssal

« C’est une histoire en rouge et noir, drapée de velours et de satin. Un théâtre d’amour et de désespoir, de triste destinée et de découvertes macabres. C’est une histoire où la mort est plus longue que la vie, et il s’y épanouit des liens plus forts. C’est l’histoire d’une plaie ouverte, d’une litanie sans fin, de choix misérables. En équilibre au bord de l’abysse, on a le choix de tomber ou de résister. »

Elle est née dans le noir, fille de rien. Du moins, sa naissance humaine s’est faite dans le noir. La nuit en fait. C’est une folle campagne d’Irlande, une de ces campagnes agricoles où la pauvreté est courante. Coincée dans un système économique stérile, la famille de Barbra tient une ferme qu’ils se passent de générations en générations. C’est la première née de la famille, et elle est a priori destinée à reprendre les rênes de la ferme, si un nouveau-né mâle ne fait pas apparition par la suite. Mais très vite, on se met à douter en ses capacités à tenir ses responsabilités. Distraite, de nature beaucoup trop aventureuse, l’enfant n’a jamais tenu en place, plus préoccupée à aller se perdre dans les champs et forêts qu’à s’occuper des bêtes. Elle développe un goût prononcé pour tout ce qui effraie le reste des enfants de son âge. Elle raffole de mythes de fantômes et de sorciers, elle s’épanouit dans les contrées obscures, elle trouve des rayons de vie là où les autres voient l’horreur. Sans pour autant être cynique, c’est une enfant insouciante, qui ne réalise pas vraiment sa différence.  Comme ce n’est pas vraiment la progéniture qu’ils ont rêvé d’avoir, ses parents prennent le risque d’avoir une nouvelle bouche à nourrir, malgré les séquelles encore présentes de la grande famine.  
Elle accueille sans problèmes et même avec enthousiasme un petit frère, mais très vite l’écart entre sa réalité et la sienne se creuse. Il devient rapidement très mignon et serviable alors qu’elle continue à grandir en marge. Et surtout, c’est un homme, et comme le voulait la tradition, la ferme allait à l’homme. Même physiquement elle semble faire tâche. Plutôt grande, trop mince, trop brune avec des yeux marron, elle réunit à elle seule les origines franco-italiennes de sa mère, alors que son frère entre plutôt dans un standard local. C’est le mouton noir. Mais elle ne s’est jamais laissée démonter pour autant.
Barbra, aussi lointaines pouvaient vagabonder ses pensées, n’était pas un être de silence. Des babillages jusqu’aux grands cris de protestations, le monde a toujours été empreint de son ton mélodieux, bien loin des standards qu’on essayait de lui inculquer. On voulait qu’elle s’efface dans cette société patriarcale, qu’elle ne dise mot et passe son temps à acquiescer bêtement et à sourire. Ce fut surtout relevant quand elle atteint la puberté. Les bruits couraient qu’elle ne serait jamais suffisamment éduquée pour trouver un mari, au grand dam de ses parents. Trop farouche pour devenir ce que l’on attend d’elle, la petite a toujours répliqué ne jamais vouloir d’homme de toute façon. Quand elle était enfant, c’était sujet de plaisanterie, tout le monde riait de sa candeur… mais à l’adolescence, c’était tout simplement le signe d’une anomalie. Oh bien sûr, on n’en était plus à l’époque des mariages forcés, mais se trouver quelqu’un de respectable n’était pas non plus à reléguer au second plan. Pour la génération avant elle, c’était même nécessaire. C’était ce que l’Eglise voulait, c’était ce que la famille voulait, c’était ce que toute la société voulait, mais l’adolescente n’en voulait pas. Révoltée par le patriarcat irlandais, elle entre dans une crise où elle rejette en boule tout ce qu’on veut lui apprendre. Les gens autour d’elle plaisantent, disent que c’est le nouveau siècle qui commence à lui monter à la tête. Mais à vingt ans, elle n’a toujours pas de mari. Pire, elle commence à embrasser les idées féministes, à s’intéresser sérieusement à des sujets plutôt tabous. La femme à la maison, perpétuant les traditions catholiques, c’était exactement le contraire de ce qu’elle aspirait à être.
Soit, si elle n’aspirait pas au mariage, alors seuls deux autres choix s’imposaient à elle : partir ou se retirer au couvent. Sa famille l’encourageait à choisir la deuxième option, devenir nonne lui offrait au moins du respect et de la reconnaissance. Mais les réseaux plutôt cachés de féministes qu’elle fréquentait s’organisait pour partir, s’exiler ailleurs pour pouvoir poursuivre librement leur combat. Pourquoi pas le Nouveau-Monde ? On y promettait une liberté sans restrictions. Mais elle préfère rester d’abord sur sa  terre natale, pas encore prête à dire au revoir à la beauté du Connemara. Et puis son combat se trouve ici, ce n’est pas en partant que les mentalités allaient changer.
Pourtant les années passant, sa conviction commence lentement à flancher. Elle voit bien qu’elle ne suscite que le rejet. Même sa famille commence à pâtir de la réputation de cette femme rebelle. Elle devient très vite persona non grata, et ce partout où elle se présente. Sa différence est extrapolée, on la voit comme un être possédé ou malade. Plus aucune jeune fille ne veut lui parler, car l’on a peur qu’elles attrapent cette étrange maladie. Alors quand la guerre éclate, Barbra n’hésite pas à finalement tout lâcher, à poursuivre ses idéologies plus loin en Europe. Sans un regard en arrière, sans un mot à sa famille elle embarque pour la France, décidée à vivre au cœur du conflit.

Rouge ardent

« As-tu trouvé dans les feux, dans les flammes, ton idéal rouge ardent ? As-tu froid ? As-tu peur de l'aurore ? Tu disais tout s'évapore, tu as eu tort. »

C’est dans l’horreur qu’elle finit par le rencontrer. Elle avait appris à connaître la mort, mais jamais sous cette forme. Il y a quelque chose d’hypnotisant chez lui, quelque chose de transcendant. Mais rapidement elle oublie. L’oubli devient un leitmotiv dans sa vie. Elle ne retient de lui qu’une personne qu’elle fréquente, quelqu’un de son entourage. Elle ne sait rien de l’intimité qu’ils partagent la nuit, elle ne sait rien des abus qu’elle subit, tout ce qu’elle sait, c’est que quelque chose chez lui l’ensorcèle presque. Appelez-ça de la naïveté humaine si vous voulez, du masochisme tant que vous y êtes… c’est toujours cette histoire de la faiblesse qui rencontre la force. Sûrement à cause du caractère facilement impressionnable de la race humaine, elle finit par s’intéresser à lui plus qu’elle ne le devrait. Sa bouille d’enfant, sa prestance, l’œil avec lequel il regarde le monde, tout chez lui éveille des sentiments inconnus chez l’humaine. Inconsciemment elle joue avec le feu, va même jusqu’à chercher à se brûler volontairement. Papillon attiré par la lumière, elle est prête toute entière à se jeter dans un brasier.
Leur sombre histoire dura des mois, des mois durant lesquels Jürgen ne cessait son manège d’abus et d’oubli alors qu’en elle se formaient à grande vitesse les fondations d’un amour platonique.  Finalement le suspense de leur étrange relation trouva son apogée dans la sombre révélation de la vérité.  D’abord horrifiée, elle se persuada que ses sentiments étaient alors factices, l’intervention malsaine du vampire. Elle voulut fuir, mais malgré l’Abominable Vérité, elle continuait à réagir étrangement. Comme si son corps était indiciblement relié au sien, tout ce qu’il faisait provoquait une réaction en chaîne en elle. Elle fonctionnait avec lui comme un satellite autour de sa planète. Malgré l’Abominable Vérité, il ne fallut pas longtemps à Jürgen pour la calmer, pour l’amener à l’accepter. Et elle l’accepta. Aussi différent, impressionnant, dur, glauque et mort fut-il, elle l’accepta. Parce que malgré l’Abominable Vérité, il était toujours cet homme de savoir, cet homme spécial, cet homme éloquent…
Peu à peu, elle fut introduite à son monde, elle fut initiée aux créatures peuplant la nuit. Ses mythes de l’enfance se transformaient en réalité. Tout se fit à pas mesurés, tout doucement, elle surmontait l’angoisse qu’il ne la fasse encore oublier des choses. Elle surmonta le fait d’avoir vécu des mois dans l’ignorance, des mois où finalement elle avait fait des choses, on lui avait fait des choses, dont elle ne se rappelait pas et ne se rappellerait jamais.

Elle le découvre tout entier, et alors qu’elle en apprend toujours plus sur les décennies qu’il traîne derrière lui, elle consent en parallèle à donner toujours plus d’elle-même. Peu à peu, il reprend les habitudes qu’il s’était octroyé sur elle, mais cette fois avec le consentement de la jeune femme. Leur histoire prend ainsi peu à peu forme, toujours à petits pas. Il finit même par lui accorder la marque. Pour elle il n’y a plus de doute, c’est son idéal marqué à tout jamais en elle, c’est la flamme vers laquelle elle tangue dangereusement. Avec lui elle ne se sent plus différente, elle se sent spéciale, et ce n’est plus la candeur qui parle désormais en son nom.
A son contact, elle commence à s’endurcir. Il l’encourage – pour ne pas dire l’intime – à s’instruire, à consolider ses connaissances, à se séparer de cette fille de la campagne qu’elle était. Elle s’éloigne du noir abyssal. Le gouffre est derrière elle et devant, l’éternité.

Elle ne vieillissait plus. Quand elle touchait son visage, elle touchait l’expression d’une jeunesse figée à tout jamais dans la pérennité. Des fois elle découvrait cela avec effroi. Et toujours avec effroi, elle se disait qu’elle ne vieillirait jamais, n’aurait jamais d’enfants et n’aurait pas le plaisir de les voir grandir, s’épanouir, faire leurs propres expériences et leurs propres erreurs. Puis elle se rendait compte que cette vie humaine n’était de toute façon par pour elle. Elle n’en avait jamais voulu, n’en avait de toute façon pas besoin. Pourquoi s’en incommoderait alors qu’elle avait déjà Jürgen et que c’était déjà un tout ?

Les années passent ainsi, toutes ponctuées d’aventures. Insatiables, toujours à la recherche de quelque chose de nouveau, ils développent ensemble une vie où ils se complaisent mutuellement. Elle le sert du mieux qu’elle peut, a appris à en tirer du plaisir, et en contrepartie il lui offre le monde. Tout va pour le mieux, tout va toujours pour le mieux, c’est ainsi qu’elle aime s’en rappeler. Tout va mieux finalement, jusqu’à ce que tout aille mal.

Noir désir

“Seven devils all around me! Seven devils in my house! See they were there when I woke up this morning; I'll be dead before the day is done.”

Le monde est à eux, mais de la manière dont elle le voit, eux ne pouvait être qu’eux deux. Leur équation tombait complètement si l’on y rajoutait une inconnue. Pourtant, c’est ce que le capricieux destin leur offrit.

1940, une guerre a de nouveau éclaté. Mais l’un comme l’autre, ils sont habitués à ce défilé macabre. Fascinés et en même temps forcés à la prudence, ils se retrouvent de nouveau dans le sillage des conflits. Mais cette fois, quelque instance vampirique s’était invitée dans leur vie pour intimer à Jürgen de s’occuper d’un vampire retors. C’est ainsi que Yago est introduit dans leur quotidien.
Barbra a toujours vu son arrivée comme celle d’un petit animal de compagnie indésirable, un chiot dont on est obligé de s’occuper parce qu’autrement il va mourir et que notre conscience ne peut accepter cela. Peut-être que cette antipathie n’est que pure jalousie, peut-être aussi est-ce pure anticipation, juste la peur de voir son importance diminuer au profit d’un vampire. Après tout, elle n’est qu’humaine, et Yago le lui fait vite comprendre.
Rien de bon n’émanait de lui, elle ne lui trouvait rien qui vaille la peine qu’on s’y intéresse. Pure mauvaise foi féminine ? Définitivement, mais pas que. Alors ils jouent tous les deux à l’aveugle, s’évitent le plus possible, et quand ils sont forcé à se côtoyer, ce ne sont que des disputes infantiles et des regards dédaigneux. Dans son dos, elle opère auprès de Jürgen comme un lobbyiste, essaye de lui faire comprendre que cette situation doit changer au plus vite. Mais elle voit bien que ses paroles périssent peu à peu, écrasés par la relation qui se forme sincèrement entre l’intrus et son maître. Et c’est ainsi que les mois de cohabitation se transforment en années. Elle profite allègrement du jour pour échapper aux scènes de camaraderie des deux vampires, et quand la nuit arrive se confond en caprice pour un peu d’attention.
Mais au final, une harmonie se forme dans leur triangle chaotique. Et c’est peut-être ce qu’il n’aurait jamais fallu. Peut-être que sans cet équilibre précaire, encore rien de tout ça ne serait arrivé. Oui, c’est au moment où leur nuage gris s’est unifié que tout a basculé. La malédiction tacite qui les privait de tout instant de repos devait alors s’abattre et sceller leur destin. Alors qu’enfin elle pensait que rien ne pouvait être pire que, finalement elle pouvait bien se contenter de ces petits inconvénients de son quotidien, le pire se matérialisa et se présenta à eux.

Pour la première fois depuis des années, elle comprit que l’éternité n’était peut-être pas aussi longue qu’elle ne le pensait. A l’instant où Saladin vint récupérer Yago, jusqu’à sa transformation, la peur de perdre son maître ne la quitta pas. Mais cette fois ce n’était pas juste l’idée de le voir s’éloigner, cette fois c’était la terreur de voir la Mort Véritable l’emmener.  Que ferait-elle alors ? Elle n’y survivrait pas, simplement. C’est sûrement pour ça qu’elle a encore peur de Saladin aujourd’hui. Parce qu’il est l’instigateur de la plus grande frayeur qu’elle ait pu connaître.

Combien de temps est-ce que cela durerait ? Combien de fois allait-il falloir qu’elle supplie son maître d’abandonner Yago à son sire ? Lui n’avait pas besoin de Jürgen autant qu’elle. Il avait déjà un Sire après tout. Combien de combat allait-il encore y avoir ?  Eh bien aucun. Plus aucun. Plus de combats, parce que lassé de ne pas dominer la situation, le vampire renégat  s’était tourné vers d’autres méthodes. C’est sans vraiment réaliser la situation que la malédiction s’abattit sur Jürgen, l’enchaînant éternellement au vide qui allait grandir en lui et finir par l’engouffrer. Peu à peu, il glisserait dans l’abysse. Mais peut-être n’était-ce pas une peine suffisante ? Pour Saladin, il fallait encore finir en beauté, finir dans le sang. Et pas n’importe lequel, celui de la marquée.

La douleur est immense, une déchirure à proprement parler. Le sang s’écoule à une vitesse incroyable de son abdomen lacéré. Quand elle ferme les yeux, elle pense ainsi les fermer à jamais. En sombrant, elle emporte avec elle le souvenir du rictus de victoire de Saladin.

Crépuscule pourpre

« Voici le soir charmant, ami du criminel ; Il vient comme un complice, à pas de loup ; le ciel
Se ferme lentement comme une grande alcôve, Et l'homme impatient se change en bête fauve. »

C’est le réveil d’entre les morts, une renaissance. Qui aurait pu croire que la mort était une deuxième chance de vivre ?
Quand elle ouvre les yeux, elle rencontre d’abord les ténèbres. Où est-elle ? Que fait-elle ici ? Quelle est ce gouffre déchirant qu’elle sent en elle ? Ensuite les souvenirs se mettent à affluer, Jürgen, la malédiction, Saladin, sa blessure… N’est-elle donc pas morte ? Puis sa vision se précise, et elle commence à distinguer le visage de Jürgen. Elle veut soupirer de soulagement, mais bizarrement n’y arrive pas. Le réflexe ne lui paraît plus si évident, il est même étranger. Son sourire meurt avant même d’avoir vu le jour. Il a ce regard qu’elle connait bien, il attend qu’elle parle, qu’elle se confesse. Mais qu’est-ce qu’il y a ? Et toujours ce besoin crevant d’elle ne savait quoi. Encore un regard circulaire, et elle aperçoit Yago, le même air renfrogné peint sur le visage. Elle reporte son attention vers Jürgen, elle voudrait qu’il parle, lui explique ce qu’il s’est passé, la rassure, mais il a toujours la même posture. Alors elle esquisse un geste vers lui, et tout semble complètement différent. L’étrange impression qu’elle est étrangère à ce corps assoiffé éclot dans son esprit. Assoiffé… Assoiffé ? Alors elle comprend. Oui, elle est bien morte, Saladin l’a tué d’une certaine manière. Et elle revivait parce que son maître l’avait transformé.

Les premières nuits se passent dans une certaine détresse. La crainte de se perdre, de ne pas se contrôler, la fascination pour ses nouvelles capacités, tout se mélange, cherche à prendre le dessus. Mais elle peut compter sur la sagesse de son Sire pour la guider. Avec patience, il lui apprend. Lui aussi apprend de nouveau, il apprend d’elle. Ils se reconstruisent, retrouvent peu à peu leurs marques dans ces nouvelles conditions. Elle sent en elle que les choses ont quelque peu changé, mais elle ne veut pas l’admettre. Elle commence sa nouvelle vie de vampire tourmentée entre l’acceptation et le déni.

Pour ne pas arranger la situation, ses relations avec Yago se dégradent. Qu’ils se décrochent quelques mots courtois était déjà miraculeux, il faut maintenant composer avec la haine viscérale. Finalement n’y tenant plus, l’Infant d’adoption s’enfuit. La nouvelle-née voit bien que son Sire en est affecté, mais elle n’arrive pas à affecter le chagrin. Son départ est pour elle un cadeau inespéré, une façon plus ou moins juste de la dédommager des derniers évènements. Oh bien sûr, il est impossible pour Jürgen de l’abandonner aussi rapidement, et l’Allemand tente maintes et maintes fois de le ramener, en vain. Alors à défaut de l’avoir près d’eux, ils le surveillent au loin. Mais Barbra se lasse vite de devoir materner Yago. Elle avait plus pressant à faire, comme tout simplement apprendre à contrôler sa nouvelle nature.
Pour elle, toute la décennie précédant sa transformation devient presque tabou, elle n’aborde le sujet de Yago que lorsque ça devient nécessaire. Elle laisse Jürgen dans sa traque personnelle et commence à s’épanouir de son côté, à étendre peu à peu son indépendance. Leur tandem se développe ainsi jusqu’aux années quatre-vingt-dix, quand commencèrent à gonfler des rumeurs de révélation. Jürgen est alors appelé à rejoindre la Louisiane, car c’est aux Etats-Unis que tout pourrait bien commencer. Alors ils quittent leur vieille Europe pour aller conquérir le Nouveau-Monde, le pays qui promet des rêves et n’offre finalement qu’un large et triste panel de consommateurs obèses.

L’Irlandaise et son Sire commencent cependant à y percer leurs trous. Ils se font de plus en plus connaître et œuvre chacun à leur façon à la Révélation. Barbra commence à s’intéresser au True Blood, et la marque le lui rend bien. Elle se construit peu à peu l’image du vampire modèle, et quand la Révélation éclate et que la marque prend de l’ampleur, elle travaille parmi leur service de relation publique, se fait attachée de presse. On ne manque pas alors son sourire éclatant, son côté accessible et le génie avec lequel elle manie l’image de l’amie des humains. Elle fait partie de ces visages de vampire qu’on veut vendre aux humains. Oui, regardez comme ils ne sont pas mauvais, comme ils sont civilisés.
Elle commence un peu sa vie de son côté et beaucoup lui disent que ce sont les signes qu’elle va prendre son envol, que l’Infante va quitter le nid. Elle ne sait pas trop si elle doit y croire, se figurer sa relation avec son Sire la laisse souvent dans le flou. Mais elle élude la question en s’absorbant dans son travail. Lorsque le scandale de la contamination éclate, Barbra commence d’abord par essayer d’éponger la crise, de jouer la bonne attachée de presse, mais l’ampleur des dégâts est bien trop importante pour qu’elle ne se permette de compromettre son image. Alors elle se retire des devants de la scène et préfère replonger dans un quotidien plus sobre. Surtout que les zones d’ombre l’attendent, et qu’elle ferait mieux de s’y préparer avec ardeur.

Zones d'ombre

“I wanna give you back the open sky, give you back the open sea... Open up the ages, darling, for you to see. You put the gun into your mouth to bite, you pull it and spit out”

Elles peuvent survenir à tout moment, les surprendre avec cruauté ou les faire languir avec haine. Les zones d’ombre, c’est comme ça qu’elle les appelle, ces moments où la folie supplante la raison. Elle n’est que triste spectatrice et les zones d’ombre sont des comédiennes qui aiment la tragédie.
Barbra le voit ternir de plus en plus, sombrer de plus en plus dans l’abysse. On en revient toujours à l’abysse. Foutue malédiction, et foutu Saladin et qu’ils aillent tous se faire foutre avec le politiquement correct.

La frayeur revient. Cette frayeur terrible, unique, qu’elle pensait avoir relégué à des souvenirs d’humanité.  Depuis qu’il glisse dans l’ombre, elle-même perd pied dans sa réalité vampirique. Il lui semble renouer avec la femme qu’elle était, celle qui craignait que le seul, l’unique, l’objet de tout son amour ne disparaisse. Mais cette fois la perte n’est que plus douloureuse. Est-ce que c’est une punition pour les pensées qu’elle a pu avoir ? Est-ce que le voir devenir monstrueux est son châtiment pour avoir envisagé ne serait-ce que de le quitter pour grandir de son côté ? L’amour qu’elle avait pour lui en tant que marquée aurait-il finalement transcendé sa condition vampirique ? Elle s’en rend cruellement compte, se maudit pour tout le temps qu’elle passé sans lui. Son idéal se meurt, et elle regarde, impuissante.
Depuis, il ne se passe pas une nuit sans qu’elle ne s’agite, sans qu’elle ne cherche à le ramener à elle. Elle ne veut pas, ne peut pas le laisser comme ça. Elle essuiera tous les coups, toutes les tempêtes, mais coûte que coûte elle le retrouvera ou sombrera avec lui.