Abdiel est né dans une classe populaire de l’Espagne, ni trop pauvre, ni trop riche, il avait simplement ce qu’il fallait pour vivre décemment, et cela lui suffisait amplement, sans savoir que son jumeau était mort à leur naissance. D’autant plus que si un titre était parvenu à se greffer à son existence, il n’aurait pu s’adonner à sa passion : la sculpture, tandis qu’il travaillait également le bois en tant qu’ébéniste, et ses œuvres étaient bel et bien recherchées, de par la qualité irréprochable dont elles faisaient preuve. Il était de ces talents qui n’avaient besoin que d’un mécène pour se dévoiler pleinement… et pour cela, ce fut l’arrivée d’Elisius qui servit de catalyseur. Le jeune homme appréciant la présence de cet homme qui possédait des biens dont on ne savait où, qui préférait l’obscurité à la clameur du jour.

Rapidement, il lui proposa de le sculpter dans une tenue d’Adam, ce que l’Ancien trouva plutôt amusant, aussi se plia-t-il à la demande de son jeune ami mortel… première différence pleinement visible qu’il existait entre Abdiel et Narsès, peut-être était-ce la faute à leurs âges différents, au fait qu’Abdiel n’avait besoin que d’un mécène et non d’un véritable maître. Néanmoins, lorsque la statue fut finalement terminée, Elisius s’en approchant, simplement vêtue de la lumière opaline de la lune et des bougies, sans avoir honte de sa nudité, laissant le jeune garçon effleurer ses courbes, les laissant céder à un désir palpitant qui les laissa partager pour la première fois un sol, des draps étendus à même celui-ci, les crocs du vampire venant même faire de lui son calice durant leurs ébats.

A cet instant, Abdiel sut ce qu’était l’historien, mais n’en fut pas effrayé le moins du monde, pour la simple et bonne raison qu’il avait appris à le connaître, et ne le voyait absolument pas comme un démon. Cela durant en tout cinq ans, cinq ans depuis l’instant de leur rencontre, avant que le jeune mortel n’en vienne à lui demander d’en faire l’un des siens, de devenir un vampire également, de sombrer dans les ténèbres à ses côtés. Les laissant rester quelques temps de plus ensembles, tout en veillant à s’éloigner de l’Europe sous les assauts des croyances religieuses, avant que chacun ne finisse par partir de son côté, le jeune caïnite ayant appris ce qu’un sire était supposé offrir à son infant avant de le quitter. Et puis, comment oublier les liens qui s’étaient tissés entre eux.

Ils se revirent graduellement, sombrant sous l’amitié, ou l’errance des chairs… mais une chose est sûre, si depuis la Louisiane ils ne s’étaient pas revus, ici même, c’est autre chose. D’autant plus sous la vision de Lux aux côtés de son sire… le laissant peut-être espérer une relation à trois. Après tout, après la Louisiane, il avait appris à découvrir la saveur des femmes…