traits de caractère.
Premièrement, Juliana est une jeune femme très indépendante et solitaire. Est-ce du à l’animal qui hante ses nuits de pleine lune ou a-t-elle toujours été ainsi ? Sûrement un peu des deux. Disons qu’elle l’était déjà, mais que sa transformation n’a fait qu’accentuer ces traits de caractères. La bête en elle ne s’est toutefois pas contenté de ces deux facettes. En effet, Juliana est également devenue bien plus séductrice qu’elle ne l’était auparavant… Du moins autant qu’elle peut l’être en se montrant boudeuse et bougonne à chaque instant. Mais que voulez-vous, ça fait partie d’elle. On ne peut pas changer une personne complètement… Même après un tel événement. Elle est également susceptible et prend donc facilement la mouche. Vous l’aurez compris, la demoiselle n’est pas des plus faciles à vivre.
Elle ne parle pas beaucoup, soignant ses paroles, ne prononçant jamais un mot de trop, comme si sa salive valait de l’or. Oh, bien évidemment, elle ne se prend pas pour le centre du monde ou une divinité. Seulement, elle n’estime pas avoir le besoin de blablater comme le fond la plupart des représentantes de son sexe. D’après elle, ces femmes ne sont que futilité et stupidité… Surtout lorsque leur babillage est tout destiné un homme. Car oui, vous l’aurez peut-être déjà deviné, mais Juliana ne séduit les hommes que pour les mettre dans son lit. Elle n’a que faire de l’amour. Elle en a d’ailleurs déjà goûté la saveur avant que celle-ci ne se fasse amère et acide sur sa langue.
Juliana n’est pas drôle, elle n’est même pas gentille, attentionnée ou tout autre chose. Comme séduit-elle les hommes alors ? Par son simple corps. Jamais elle n’offrira son âme à la gente masculine. Son corps, tous peuvent le prendre… mais son âme, personne n’y touche à moins de se retrouver avec un tigre à sa poursuite.
Avec tout ceci, on se demande quels peuvent être les qualités de la belle, n’est-ce pas ? Et bien, tout d’abord, elle a un étonnant sens pratique et elle est très maligne. Elle est également intelligente à sa façon… Surtout dans la façon de rester discrète. Après tout, elle tient du tigre non ? Il se trouve qu’elle est très câline si elle arrive à devenir assez proche de quelqu’un… Si câline qu’on s’attendrait presque à l’entendre ronronner…
occupation diurne.
Juliana travaille comme serveuse au Lunatic Café. On ne peut pas dire qu’elle soit la plus appréciée, en raison de son caractère taciturne mais il n’empêche pas les hommes de la regarder goulûment quand elle s’éloigne, son plateau à la main, roulant des hanches comme si elle avait des muscles et des articulations non-humaines… Ce qui est le cas, lorsqu’elle se transforme en tigre. Elle remplit donc ses journées avec son boulot… parfois la journée, parfois la nuit, selon ses horaires. Mais en tout cas, lorsqu’elle rentre chez elle, elle se pose devant la télévision ou met un peu de musique en fond sonore pour lire. Ou alors elle sort en boîte de nuit… Mais elle est toujours seule… On ne peut pas dire qu’elle aille au cinéma ou se promener avec ses ami(e)s parce qu’elle n’en a pas. Ses collègues de travail ne sont que ça : des collègues.
manie, habitudes & goût.
On ne peut pas dire que Juliana soit des plus coquettes. Cependant, elle prend toujours soin d’harmoniser ses vêtements pour ne pas paraître trop débraillée quand elle sort. Pourtant, si elle sait qu’elle restera chez elle toute la journée, elle se contentera d’enfiler un pantalon et un tee-shirt larges. Elle restera pieds nus car elle n’apprécie guère les chaussures… sauf si celles-ci ont un minimum de 5 cm de talons ! Qui a dit qu’elle n’était pas paradoxale ? La plupart du temps, elle porte un soupçon de maquillage pour rehausser la couleur de ses yeux et la fraîcheur de son teint. Rien de bien énorme, juste un peu de fard, de mascara et de kôhl. Mais plus que tout, sa tenue préférée est encore la nudité. On pourrait se demander pourquoi une jeune femme ayant son caractère ne rechigne pas à se montrer nue, n’est-ce pas ? A manquer ainsi de pudeur ? Et bien tout simplement, depuis qu’elle a subi sa transformation, elle aime se mouvoir comme son animal… et la plupart du temps, les vêtements ne font que gâcher cet effet. Bien que ceux qu’elle achète ne fasse que l’accentuer, la plupart du temps. La nudité ne la gène pas non plus parce que, de toute façon, elle a du s’y faire. Après chaque métamorphose, elle apparaît nue, bien entendu… Alors si elle devait se retrouver gênée ou tout autre émotion du même acabit, ce ne serait pas drôle tous les jours.
Pour ce qui est de ses goûts, elle adore le sirop d’orgeat mélangé à du lait froid ou à de l’eau. Elle apprécie également beaucoup tout ce qui est au parfum de fraise et d’ananas. On ne peut pas vraiment dire qu’elle soit portée sur l’alcool… mais elle raffole de piña colada. Bien que sous sa forme animale, elle soit friande de chair fraîche et bien saignante, ce n’est pas du tout le cas lorsqu’elle est sous sa forme humaine. En effet, elle ne parvint pas à digérer la viande de boeuf sauf quand elle est très très très bien cuite, et se contente donc de viande blanche et de volaille.
En ce qui concerne les goûts un peu plus “normaux”, la belle aime les chats — logique me direz-vous — ainsi que l’eau (les tigres sont de bons nageurs, rappelez-vous). Ses couleurs préférées sont le noir, le gris, le rouge sombre et le pourpre.
transformation.
La forme adoptée par Juliana lors de sa transformation est celle d’une somptueuse tigresse, tout aussi prédatrice que pourrait l’être un animal normal… Même si, évidemment, elle ne chasse pas comme elle l’aurait voulu. D’une à cause des humains… de deux à cause de l’excitation qui la parcourt à chaque fois qu’elle voit un humain courir. Que voulez-vous, c’est l’instinct. Si ça court, il faut le pourchasser pour son bon plaisir. Cependant, Juliana sait parfaitement que pour maintenir son existence, sa nature, secrète, elle doit se montrer discrète. Si bien que lorsqu’elle chasse, elle se rend dans les marécages et s’assure qu’il n’y a pas d’odeur humaine dans le coin.
Elle n’a pas vraiment choisi cet animal. A vrai dire, celui qui l’a mordu se transformait aussi en tigre. Peut-être a-t-elle pensé qu’elle ne pourrait se transformer en autre chose. Mais tout ceci sera raconté plus loin.
Arrivée à Shreveport, Juliana a rejoint la meute de loups qui résidait là. Bien que ne faisant pas partie des lycanthropes, elle a tissé des liens avec ceux-ci. En échange de sa puissance d’attaque, elle bénéficiait d’une famille et de la protection d’un groupe, n’est-ce pas équitable ?
conviction.
La révélation… Que dire de plus là-dessus que Juliana n’aime pas ça du tout ? Car oui, maintenant que les humains savent pour les vampires et autres créatures, chacun semble passer à la loupe pour savoir s’il est bien humain ou non. Autrefois, son déhanché séducteur n’était pour autrui qu’un mouvement acquis après des années d’expérience… maintenant, il est sûr que la plupart se demande s’il n’y a pas quelque chose de surnaturel là-dedans. Juliana doit faire encore plus attention à ce qu’elle est et à ce qu’elle fait. Avant, elle pouvait encore faire plus ou moins ce qu’elle voulait… dans les limites de la discrétion… mais maintenant, elle doit redoubler d’attention.
Certes, ça a marché pour les vampires… mais pour elle et les siens, ça s’annonce bien plus difficile…
signes particuliers.
Juliana a une très petite cicatrice sous l’oeil droit, vestige d’une quelconque chute au cours de son enfance. Sinon, elle ne possède aucun autre signe particulier...

histoire.
Qu’est-ce que c’est que ça ? Je me penchai en avant pour ramasser une sorte de livre. Ou était-ce un journal ? Je l’ouvris et sur la première page se détachait un seul et unique mot : “WRITE”. Ecrire. Soit, je voulais bien écrire… mais j'étais sensée raconter quoi ? C’est une blague, une caméra cachée ? Je regardai autour de moi en quête d’indices qui m’indiquerait l’arnaque. Mais rien, il n’y avait rien, à part moi, sur mon perron, pieds nus, uniquement vêtue d’un peignoir en soie noir. Je rentrai chez moi et refermai la porte d’un coup de pied. Assise sur le canapé la seconde d’après, stylo en main, je commençais mon récit.

Il n’avait rien à dire de bien intéressant sur mon enfance. J’avais mes deux parents. Ils étaient gentils, attentionnés et ne me gâtaient pas de trop. Qu’espérer de mieux ? Il n’y eut pas de drame familial, pas de divorce ou d’accident de voiture, pas d’adultère ou de maltraitances.
On ne pouvait dire que l’adolescence était plus mouvementée. A part pour mon éveil sexuel évidemment. Les hommes et moi, c’est toute une histoire d’amour ! Enfin, non pas vraiment d’amour, il ne faut pas exagérer. Une histoire de sexe, de désir et de plaisir, oui, c’était bien ça. Durant mon adolescence, la première fois passée, j’étais presque increvable. Que voulez-vous ? J’étais une séductrice dans l’âme, maîtrisant cet art à la perfection, jouant sur mon air angélique de l’époque. Mes cheveux blonds et mes yeux bleus… on ne pouvait rien me refuser. Et je ne me refusais rien ! J’enchaînais les conquêtes les unes après les autres… Remontant la plupart des garçons du lycée contre eux-mêmes. On se battait pour moi ! J’étais sur un petit nuage ! C’était mon âge d’or. Cet âge où l’on vous demande rien, où vous ne devez aucun compte à personne. Cette époque douce mais révolue où mon seul soucis était de préserver ma beauté aussi longtemps que j’avais d’amants différents.

Puis il y eut le déménagement. Je ne savais pas pourquoi mes parents avaient décidés de quitter notre chère Angleterre. Mes moeurs étaient-elles trop frivoles pour le Vieux Continent ? Mes frasques sexuelles les mettaient-elles mal à l’aise ? Ou ma réputation s’était-elle trop envenimée ? Après tout, ce n’était peut-être même pas à cause de moi que l’on avait quitté le pays. Aucune idée. Toujours était-il que ça n’allait pas me changer ! Du moins, c’est ce que je croyais. Car à peine quelques semaines après notre arrivée en Louisiane, j’ai séduit un garçon. Pas n’importe lequel. Il était plus séduisant que la plupart… De lui émanait un magnétisme auquel j’étais incapable de résister. Etrange non ? La célèbre mangeuse d’hommes finissant par tomber amoureuse d’un Dom Juan. Il ressemblait à s’y méprendre à ces vampires dont je raffolais dans les livres, sans jamais trouver un homme qui ne leur arrivent à la cheville, ou ne serait-ce même qu’aux orteils. Cette fois, j’étais tombée sur la perle rare. Pourtant, il n’était pas comme les autres. Pas aussi facile à séduire. Il me testait, jouait avec moi comme s’il voulait être sûr que j’étais bien la bonne, que j’étais bien celle qu’il lui fallait pour jouer à ses petits jeux.

Je ne voulais être celle de personne. Je me suffisais à moi-même… mais pourtant cet homme, si dangereusement séduisant m’électrisait. Qui était-il pour me faire cet effet là ? Comment osait-il même penser qu’il ne pourrait être plus qu’un coup d’un soir ? J’avais envie de le rejeter, de le réduire à néant. Mais plus cette haine enflait en moi, plus l’amour grandissait, s’en nourrissait à chaque seconde. Etait-cela le véritable amour ? Je n’en avais que faire. Je n’étais encore qu’une adolescente. J’allais passer mon baccalauréat. Je ne pouvais penser, envisager de rester des années avec le même homme. Ce n’était pas mon genre.

Je levai le stylo, le faisant quitter la page à moitié noircie. Je jetai un coup d’oeil à ce que j’avais écrit. Comment avais-je pu écrire autant en si peu de temps ? Certes, j’avais une vitesse accrue, grâce à mon statut de métamorphe, mais tout de même, je m’en serais rendue compte ! De la sorcellerie ! Ça ne pouvait être que ça ! Je jetai un regard mauvais à l’ouvrage que j’étais en train de compléter. Je glissai une main dans mes cheveux blonds pour les repousser vers l’arrière.

Cela faisait plusieurs mois que je sortais avec Anthony. Car tel était son nom. C’était bien la première fois que je me souvenais du nom d’un garçon. Et, surtout, que je restais aussi longtemps avec le même. Le pire, c’est que nous formions un des plus beaux couples que j’ai jamais vu. Tout nous opposait sur le plan physique. Je n’étais pas très grande, il me dépassait de plus d’une tête. J’étais blonde, il avait de longs cheveux noirs doux comme de la soie. Il était finement musclé, j’étais plutôt menue. Il était pâle comme la mort, j’avais le teint légèrement halé. La seule chose que nous avions en commun était nos yeux d’un bleu électrisant. Et notre passion pour le jeu de la séduction. On aurait pensé qu’une fois passé ce stade, c’était devenu morne… mais non. Nous trouvions toujours de nouveaux jeux pour nous divertir.

Il arriva un jour où il m’avait conviée chez lui, dans ce petit appartement si miteux que je me demandais comment il pouvait habiter là. Arrivée là, il n’y avait personne. Où était-il donc passé ? A travers les fenêtres, la pleine Lune était la seule source de lumière illuminant les lieux. J’avançais, hésitante, à travers la pièce dénuée de toute décoration. Il ne semblait y avoir personne. Je l’appelais légèrement, n’osant pas élever la voix. J’entendis un bruissement provenant de la chambre d’à côté. Puis un éclair de fourrure orange et noire me bondit dessus. Avant même d’avoir touché le sol, tout fut sombre.

Je me passai la main sur le visage, fermant les yeux, comme si je voulais oublier ce souvenir. C’était si douloureux. Autant ma vie avant cet instant avait été paradisiaque, autant les mois, les années qui suivirent furent insupportable. Cet éclair orange et noir était un tigre. Mon tigre de petit ami. Je ne me souvenais pas de grand chose… mais une chose était sûre, j’étais bien heureuse de m’être évanouie… Parce que ne serait-ce qu’imaginer quelle charpie était devenue mon corps me donnait la nausée. J’ai passé ensuite plusieurs mois à me remettre de ces blessures. Chez lui. Dans une chambre qui semblait encore plus propre et aseptisée qu’une chambre d’hôpital. Durant ces longs mois, je compris qu’il me maintenait en vie, qu’il me guérissait peu à peu. Je compris qu’il voulait me garder près de lui, pour toujours et à jamais. Dans le moindre des instants de sa vie… que ce soit l’humaine ou l’animale. J’avais frémi. Mon coeur habité par ce rêve romantique venait d’exploser en morceaux. J’étais tombée amoureuse d’un dingue. Jamais je n’aurais souhaité à quiconque cette vie.

Les années qui suivirent mon rétablissement s’étaient enchaînées lentement et terriblement vite à la fois. Je peux encore me rappeler de chaque scène qui s’était déroulée alors. Durant des années, il m’avait appris à contrôler, à accepter ce que j’étais devenue. Il était attentif, redoublait d’attentions à mon égard, comme s’il avait peur que je m’enfuie s’il ne le faisait pas. Il avait raison. J’avais pensé à m’enfuir. Mais je m’étais vite rendue compte que si je le quittais, je ne pourrais pas survivre bien longtemps. Comme lui, je me transformais en tigre. Un tigre, en Louisiane, ne passait pas inaperçu. Mais, surtout, le plus dur fut d’accepter que tout ceci était bien réel, que ce n’était pas un cauchemar qui se prolongeait sans que j’aperçoive les lueurs du jour. Accepter que les métamorphes, les lycanthropes, les vampires et tout le reste existaient. Les vampires… Ah ! Ils avaient été ma seule passion avec les hommes et le sexe. C’était étrange de savoir qu’ils existaient réellement. Mais je n’avais pas eu le temps de m’en formaliser. J’apprenais avec celui qui m’avait transformée, qui avait ruiné ma vie. Je venais juste d’avoir mon diplôme. Je ne pouvais pas devenir une bête tous les mois. Cela mit du temps. Enormément de temps. Et lorsque je me sentis prête, j’exerçais enfin ma vengeance.

C’était lorsque nous étions partis chasser dans les marécages. Au début, je rechignais à m’y rendre, surtout parce qu’il fallait reprendre forme humaine dans ces eaux nauséabondes après la chasse. A la fin de notre petite partie, nous avions coutume de nous chamailler comme le faisait des lionceaux. Sauf que pour moi, cette fois, ce n’était pas un jeu. Je le laissais me mordiller et je le mordais en retour. Jusqu’au moment où, prenant sa nuque entre mes crocs puissants, je serrais un peu de trop. J’eus à peine le temps de voir scintiller un étonnement tout humain dans ses prunelles félines avant que son corps ne pende inerte entre mes mâchoires. Quelques jours plus tard, je quittais la ville pour Shreveport.
test rp.
Je rentrais de ma journée de travail. Pour une fois, je n’avais pas eu droit à toute une tripoté de pinçage de fesses ou de sifflements. Ça m’allait parfaitement. Depuis cette fichue révélation, je devais surveiller mes manières de séduire. Faire fonctionner des muscles qui ne semblait exister que chez les félins ne serait pas bon pour mon image. Non pas que j’y accorde vraiment de l’importance… mais les métamorphe ne sont pas aussi bien vu que les vampires. Ce soir, c’était la pleine Lune. Le bar était fermé, évidemment, vu qu’il n’embauchait que des métamorphes. Je laissai tomber mon sac sur le canapé et me déchaussai d’un coup de pied. Je montai à l’étage tout en me débarrassant de mon uniforme de serveuse. Je défis la queue de cheval que je portais pour travailler et laissai retomber mes cheveux dans mon dos, savourant leur caresse. J’avais encore un peu de temps avant que la Lune ne se lève. Sans même voir l’astre lunaire, je pouvais le sentir, croissant toujours plus haut dans le ciel à mesure que les minutes s’engrenaient. Je pouvais sentir son influence réveiller la bête qui sommeillait en moins. Cet animal, cette sauvagerie dormait encore aux tréfonds de mon être. Mais il remuait dans son sommeil. La moindre chatouille l’en sortirait. Et cet déclencheur viendrait de ce cercle luminescent.

J’avais rendez-vous dans quelques heures avec quelques métamorphes. Nous avions prévu de nous retrouver aux marécages pour notre course lunaire. J’avais encore du temps devant moi. Je pris une douche. Il n’y avait rien de tel qu’une bonne douche chaude pour se sentir revivre après une dure journée de labeur. Me glissant sous le jet brûlant, je sentis le moindre de mes muscles se détendre. Je sentais ma bête, au fond de moi, se vautrer dans la chaleur avec une aise toute féline. Je sentais sa langueur mais aussi sa soif de sang. Elle savait que c’était la pleine lune. Même si je rechignais à chasser hors de cette période, je ne pouvais y couper le moment venu. Je profitai de la chaleur de l’eau jusqu’à ce que toute la salle de bain soit remplie de vapeur d’eau, presque impossible à respirer. J’ouvris une fenêtre. L’air frais rentra, chassant la nappe flottant dans la pièce. J’essuyais prestement le miroir. Mes yeux reflétait la soif de ma bête. Elle voulait sortir, rugir à travers ma gorge. Mais elle devrait attendre encore un peu. Je me séchai rapidement avant d’enfiler une robe légère, sans sous-vêtement. Je ne craignais pas le froid. Et je n’avais pas besoin de sous-vêtements. On s’était déjà tous vu à poils — sans mauvais jeu de mots — au moins une fois. Il n’y a pas de pudeur chez les métamorphes… Ou alors on apprend à l’oublier. Je redescendis au rez-de-chaussée pour prendre une paire de chaussures et mon sac.

Nous n’avions pas d’endroits précis où nous retrouver. Chacun arrivait où il voulait, il serait facile de se retrouver ensuite. Je garais ma voiture assez loin de la route pour ne pas qu’on la voit. J’avais opté depuis un moment déjà pour une tout-terrain pas trop chère. C’était plus pratique pour arriver jusqu’aux marécages. Sortant du véhicule, je levai les yeux vers la Lune parfaite et lumineuse. La bête à l’intérieur de moi grogna et le son se répercuta jusqu’au bord de mes lèvres. Le nez en l’air, je humai la moindre fragrance à ma portée. Je pouvais sentir un lapin, d’autres rongeurs, un alligator. Je n’aimais pas les alligators. Il y en avait qui avait failli me croquer une patte une fois. Depuis, je les évitais comme la peste. Je ne sentais pas les autres. Soit ils n’étaient pas encore arrivés… soit ils étaient hors de portée. Le tigre enfla en moi. Il voulait sortir. Il voulait déchirer ma peau comme du papier pour sortir et se dégourdir les jambes. C’était comme si je pouvais le voir tourner en rond dans la prison de mon corps. J’attendis encore un peu. Cette attente, ce frisson de pouvoir le long de ma peau était une sensation magnifique. J’inspirai une grande goulée d’air. Je jetai chaussures et robe dans la voiture après m’en être débarrassée. Je me laissai tomber à quatre pattes dans le sol légèrement boueux. J’allais avoir plein de boue dans mes poils. Je soupirai. Ma bête en profita pour manifester son impatience et un grondement félin franchit les lèvres. Mon visage se tourna vers la Lune sans vraiment la voir alors que ma peau ondulait sur mes muscles et mon squelette. Tout était modifié. Mon squelette changea, mes muscles se déplacèrent et changèrent de forme, ma peau se tendit, s’épaissit et se couvrit d’un poil orange, noir et blanc. Un nouveau grondement remonta le long de ma trachée pour franchir des mâchoires puissantes ornées de crocs acérés. Mais cette fois-ci, ça ne semblait pas incongru ou bizarre. Non, c’était juste le grondement satisfait d’un tigre.

Je m’étirai. Mes pattes avant tendues presque à l’horizontale, celles de derrière à la verticale, la queue bien droite, je faisais craquer ma colonne vertébrale. Après un bâillement à faire pâlir le dernier lion que j’avais vu au zoo, je secouai la tête, ébouriffant mes poils mordorés. Je grattai légèrement le sol de mes griffes avant de les rentrer sans un bruit. Je tournai un moment autour de la voiture, reniflant l’odeur des chiens qui avaient marqué leur territoire. Un grognement insatisfait s’échappa de mes babines. Je n’étais plus en état de penser comme une humaine. D’un nouveau grognement, je me promis toutefois de leur faire payer. Levant ma grosse tête poilue vers le ciel sombre, je humai une nouvelle fois l’air avant de m’élancer. Un lièvre venait de passer guère loin de moi. Mes coussinets ne faisaient pas le moindre bruit sur ma terre meuble. Mon poils arrachait quelques branches mais rien de trop grave. Je contournai le lièvre pour le prendre de face. Alors qu’il allait se dissimuler sous un buisson, je pris de l’élan et poussai sur mes pattes arrière. Avec une détente qui n’avait rien à envoyer à une grenouille, je m’élevai dans les airs avant de retomber, toutes griffes dehors, sur le pauvre petit animal. L’odeur de son sang chaud emplit mes narines et je poussai un hurlement satisfait avant de plonger le museau dans la petite carcasse. Une fois que j’avais prélevé ce que je souhaitais, je relevai le nez. Mon poils était rouge de sang. Un peu collant et visqueux. Ma longue langue rose foncée et râpeuse s’égara sur mes babines pour les nettoyer du mieux qu’elle le put. Et là, je les sentis. Les autres étaient arrivés. Et, pendant que je mangeais, ils s’étaient déjà presque tous regroupés. Ils n’attendaient presque que moi. Quittant mon pauvre lapin, je m’élançai de nouveau à travers la végétation. La vraie chasse pourrait enfin commencer.
famille.
Ah… La famille. Que dire de ma famille ? Je ne les ai pas revu depuis qu’Anthony m’a attaquée. Je n’ai pas cherché à savoir s’ils s’étaient inquiétés, s’ils pensent que je suis morte ou tout autre chose. Ils sont sortis de ma vie, point. Comme des amis que l’on ne revoit plus… qu’on oublie à moitié. On se dit parfois qu’on va les appeler avant de se raviser et de reporter à plus tard. Et bien moi, c’est pareil. Ma vraie famille, maintenant, ce sont les miens. Les métamorphes.