La nuit était tombée sur Sheverport, drapant la ville d'un manteau de ténèbres d'une noirceur infinie. Dans le ciel de velours ne perçait se soir là ni étoile, ni lune, aucun astre n'éclairait l'immensité du ciel dissimulé par une épaisse couche de nuages grisâtres. Devait on s'attendre à des intempéries? Cette idée égaya la vampire qui appréciait tout particulièrement les jours de pluie. Adossée à la fenêtre de son atelier la brunette observait sagement l'étendue sombre du paysage qui s'offrait à elle, simplement rompu de temps à autre par l'éclairage d'un lampadaire ou d'un néon quelconque. Remettant négligemment une mèche de ses cheveux bruns qui c'était échappée de la queue de cheval haute qu'elle arborait et qui retenait tant de bien que de mal sa tignasse brune pour découvrir son visage anguleux, la belle finit son geste en se saisissant de son paquet de cigarettes. Elle extirpa l'une d'elle de son carcan de carton avant de la placer délicatement entre ses lèvres vermeilles et de l'allumer avec agilité. Son atelier empestait littéralement le tabac froid, signe flagrant qu'elle avait encore augmenté sa consommation déjà importante de nicotine et, bien que la vampire se persuada elle même que cela signifiait rien, elle savait bien, au fond, que ce soudain attrait de la saveur du tabac était du à Son odeur... Cette idée l'énervait, et paradoxalement lorsqu'elle était énervée elle fumait encore plus, ce qui indéniablement marquait encore plus l'odeur âcre et la ramenait encore et toujours à penser à lui... Sa carrure imposante, son regard perçant, sa voix rauque, et son odeur de tabac. Fermant les yeux comme pour s'ôter cette image de la tête, la belle ne fit que se focaliser encore plus sur le loup qui hantait ses pensées sans qu'elle puisse y échapper. Malgré tous ses efforts elle finissait toujours par le croiser, par penser à lui ou par inconsciemment se mettre à le peindre sans même parfois s'en rendre compte. Fronçant les sourcils la brunette posa avec lassitude son front contre son genoux replié contre elle et poussa un soupir à fendre l'âme, recrachant par la même occasion une dense volute de fumée grisâtre. Les minutes s'écoulèrent lentement, sa cigarette se consumant d'elle même tandis que la cendre tombait mollement sur le rebord de la fenêtre. Peut être devrait elle sortir, se changer les idées, aller retrouver Alessandro parce qu'en sa compagnie elle était sûre de ne plus penser à rien d'autre qu'à lui. C'était certes douloureux d'être avec le vampire parce qu'il lui rappelait un passé de souffrances mais c'était tout aussi douloureux pour elle de penser au lycanthrope sachant qu'ils n'étaient voués qu'à une haine sempiternelle au vu de leurs races respectives. Comme tout autre vampire, Camille détestait les lycans par dessus tout, ces grosses bêtes poilues, baveuses et puantes qui osaient se dresser face à eux. Elle ne rêvait que de les voir exterminés jusqu'au dernier, et pourtant voilà qu'un des leurs l'obsédait à un tel point qu'elle avait l'impression de devenir folle.

Balançant son mégot consumé dans son cendrier de cristal la brunette se leva et se traîna jusqu'à son grand lit aux draps de soie. Elle s'y laissa tomber mollement en gémissant contre elle même. Stupide, stupide Camille! Se recroquevillant sur le matelas de laine elle agrippa un oreiller dans lequel elle enfouit son visage. Vaine tentative pour ôter ces pensées impures de son esprit torturé. Elle essaya de s'imaginer lui tordre le cou, s'extasiant de bonheur à la vue de sa vie quittant son corps, mais son rêve dériva malgré elle vers d'autres étreintes toutes aussi brutales mais plus... intimes. De telles idées l'auraient sûrement rendues pivoine si elle avait été encore en vie. Se redressant brutalement elle balança rageusement son oreiller qui s'écrasa dans un bruit sourd contre son mur. Cette fois c'en était trop. Elle devait juste être en manque d'amour voilà tout. Elle avait besoin d'un amant pour extérioriser son désir. Fière de cette prise de résolution elle se leva sa plus attendre et attrapant un petit sac à main contenant le nécessaire de survie, sortit de son grand appartement. La chasse était ouverte. Il ne fallut pas bien longtemps à la brune pour trouver son bonheur. Un bel humain se baladant seul dans les rues de Sheverport. Elle pouvait déjà sentir le goût sucré de son sang perlé sur ses lèvres et glisser le long de sa gorge. En quelques secondes à peine elle était devant lui. Sans un mot, d'un simple regard, d'un simple geste, elle l'avait déjà fait sien. D'une caresse elle dissipa ses doutes et ses craintes, d'un baiser elle fit tomber ses dernières barrières de réticence et quelques minutes plus tard il la faisait entrer dans son appartement. Quel était son nom? Elle ne le savait pas, et à dire vrai, elle s'en fichait pas mal. Elle poussa l'apollon sur le lit sans attendre, s'installant à califourchon sur son futur amant, elle l'embrassa fougueusement avant de descendre parsemer son cou de baisers empressés. Une main dans ses cheveux l'autre arrachant littéralement la chemise de l'humain tandis qu'elle plantait ses crocs dans sa gorge palpitante. Il se crispa quelques secondes sous la douleur puis se laissa aller au plaisir de l'étreinte, ses mains parcourant avec avidité de corps galbé de la vampire pour s'arrêter sur son fessier. La saveur du sang de l'inconnu transporta la brunette , tandis qu'elle se laissait docilement déshabiller. Alors qu'il lui retirait son long tee shirt gris qui laissait ses épaules découvertes, l'instant magique fut rompu par une sonnerie bien familière. Le portable de la belle s'agitait dans son sac à mains et elle fut contrainte d'extraire son visage du creux du cou de son amant. C'était la sonnerie affiliée à Lorenzo et elle ne l'avait déjà que trop ignorée. Dans un soupir résigné, elle se tortilla afin d'attraper l'appareil auquel elle répondit d'une voix contrariée.

« Allo? »
L'homme sous elle se redressa, finissant de lui retirer son tee shirt il commença à faire glisser les brettelles de son soutien gorge en embrassant la peau de son cou. Camille sentant qu'elle ne pourrait se concentrer sur la conversation sous de telles caresses, plaqua brutalement son compagnon humain dans le lit avec la main qui lui restait en écoutant les dires de son Infant. Comment ça il voulait qu'elle vienne tout de suite? Depuis quand la prévenait il au dernier moment de leurs réunions... Elle lui rétorqua qu'elle était occupée mais le ton du maitre de la ville ne laissait place à aucune équivoque. Résignée, la belle rendit les armes.

« Très bien, j'arrive tout de suite. »
Raccrochant sans ménagement, elle fit un sourire d'excuse à l'homme en sortant du lit. « Ça sera pour une prochaine fois. » Léchant le sang qui coulait le long du cou de l'homme, bien que sur la plaie il commençait déjà à coaguler, elle l'embrassa, se rhabilla promptement et sortit en appelant un taxi. A peine la voiture jaune fut elle arrivée que la Miss montait gracieusement dedans, signifiant au chauffeur qu'il devait l'emmener au vieux manoir du Nord. Son air peu rassuré exaspéra la jeune femme qui lui lança un regard de démon en lui lâchant durement un « Sur le champs » qui ne laissait place à aucune discussion. Non mais, voilà qu'elle rappliquait aux ordres de son propre Infant, les rôles n'étaient pas un peu inversés? C'était lui qui devait lui obéir et non le contraire. La vampirette ronchonna ainsi tout le trajet et lorsqu'elle arriva enfin devant l'imposante bâtisse, paya le chauffeur qui ne demanda pas son reste pour s'en aller aussi vite qu'il était venu. Camille ne comprenait vraiment pas la frayeur que ce lieu inspirait aux humains. A quoi s'attendaient ils, à voir surgir tous les démons de l'enfer par la porte d'entrée? Gravissant les marches de pierres sans se hâter une odeur de loup vint lui titiller les narines. Fronçant les sourcils, elle décida de ne pas y prêter attention, la paix était établie depuis assez longtemps pour qu'elle n'ait pas à s'en faire. Ne prenant même pas la peine de frapper, elle poussa les lourdes portes de la masure et, ne prêtant pas attention à la décoration qu'elle connaissait déjà plus qu'assez, entra sans se faire prier, accrochant son manteau au meuble qui y était destiné comme si elle avait été dans sa propre maison. Une odeur de tabac trop familière attira son attention et la conduisit plus avant dans le hall. Sans étonnement véritable elle avisa la silhouette tourné de son opposé et ne put retenir une petite grimace. C'était quoi, un guet-apens? Lorenzo avait intérêt à avoir une explication qui tienne la route sur la présence de cet animal tout juste bon à finir en tapisserie dans son hall, chef de la meute ou non, il n'avait rien à faire ici. Il écarta les bras en étant secoué d'un rire mauvais... Mince il l'avait senti, elle qui avait espéré pouvoir se servir de cette rencontre comme excuse pour rentrer chez elle. Il l'alpagua méchamment, lui demandant pourquoi elle était si silencieuse avec de se retourner vers elle, la toisant de sa carrure imposante. La réminiscence du trouble qui c'était emparé d'elle quelques heures auparavant la faisant rêver d'eux s'imposa à elle et elle manqua de détourner le regard une seconde. Se reprenant elle répliqua avec indifférence, comme s'il n'était pas là.

« Je ne savais pas qu'on laissait entrer les chiens errants ici, mais cela explique l'odeur nauséabonde qui m'a prit le nez en arrivant. » Ces mots s'accompagnèrent d'un froncement de nez ostensible, histoire d'appuyer ses paroles. Les bras de l'homme retombèrent avec négligence, comme pour montrer la fin de toute attitude accueillante tandis qu'il crachait une volute de fumée au visage de la brunette. Celle-ci ne broncha par se retenant de venir lui écraser son mégot entre les deux yeux. Ce qu'elle pouvait détester cette attitude d'arrogance et de prétention, ce besoin de se donner en spectacle pour prouver qu'on est le plus fort. « Pitoyable. » Souffla telle simplement tandis que la fumée de dissipait et que le visage du loup se drapait d'un sourire mauvais tandis qu'il lui signifiait son décalage avec le chic de la maison. Il ne la trouvait pas assez habillée peut être? Elle lui rendit son rictus. Il était vrai que simplement vêtue d'une long tee shirt gris qui semblait trop grand pour elle et dévoilait ses épaules diaphanes ainsi que son cou sculptural et d'un simple slim, sans compter sur sa coiffure légèrement débraillée, elle ne faisait pas grand dame. Mais son port altier naturel et son charme vampirique était bien suffisait pour la faire briller plus que n'importe quelle autre créature. Elle finit par répliquer à sa provocation par une autre.

« Comme tu vois ce n'est pas très difficile d'être la catin du roi. Mais je vois que j'ai été devancée, je savais bien que tôt ou tard tu finirais à quatre pattes devant les vampires. Mais je ne te savais pas de telles tendances. »
Les hostilités étaient clairement lancées et Camille n'y allait décidément pas de main morte. Avec lui elle se sentait bouillir de l'intérieur et n'avait pas pour habitude de prendre des gants. Le but? Se provoquer à tel point qu'ils en viendraient tôt ou tard à se blesser physiquement l'un l'autre. C'était toujours comme ça.