Étendue dans l'herbe, les yeux rivés sur le ciel noir, la tête qui tournait légèrement, je planais. C'était la neuvième fois que je testais les effets de la drogue. Il devait être très tard, je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, seules les lueurs des bungalows au loin éclairaient les environs. Iliana et moi profitions de la chaleur de l'été, de notre jeunesse, de notre santé, j'étais heureuse, presque satisfaite de ma situation. On ne m'avait pas mentit, la drogue apaisait toutes les souffrances. C'était presque comme si j'avais oublié ma mère, l'enfer que j'avais vécu de sa mort à maintenant. Ils étaient loin les souvenirs de la clinique, de la semaine passée là bas à attendre que ma mère décide entre la vie ou la mort. Les souvenirs de ses médecins qui avaient préféré ne le laisser aucun espoirs durant cette attente. À l'instant où elle était arrivée à l'hôpital, elle a cessé d'être une personne pour devenir une courbe d'espérance de vie. Cette courbe avait finis par devenir une longue ligne droite. Ma mère avait finalement décidé de ne plus se battre, ni pour elle, ni même pour moi. Son petit trésor, sa Kochana, sa fille. Ce n'était pas surprenant après avoir foncé dans un camion volontairement. Je m'en étais sortie uniquement parce que, visiblement, à la dernière seconde, elle avait changé d'avis, par peur peut-être, je ne sais pas, elle s'était peut-être rendue compte à quel point elle était stupide. Quoi qu'il en soit, elle avait donné un coup de volant au dernier moment pour tenter d'éviter le choc, seule la voiture et elle en avait souffert. Puis la route s'était mystérieusement élevée. À l'époque, je pensais à un miracle, à un tremblement de terre qui m'aurait sauvé la vie. Maintenant je savais que c'était uniquement à moi que je le devais. Je ne savais pas trop comment c'était possible, mais c'était comme une sorte de pouvoir. Malheureusement, je ne le contrôlais pas, il se déclenchait uniquement lorsque j'étais en danger, lorsque mon adrénaline était assez forte pour le provoquer. Avec Iliana, on s'était amusées plusieurs fois à l'enclencher, juste pour rire, juste pour le fun, juste pour voir ce que ça faisait de maîtriser la terre, juste pour se sentir, pour une fois, capable de faire quelque chose. Ça avait bien faillit me coûter la vie plusieurs fois, à elle aussi d'ailleurs, mais j'avais à peine 15 ans, j'étais inconsciente et conne. Je me foutais éperdument de la vie, je n'avais plus rien à perdre. J'étais tellement hautaine et sûre de moi que je me croyais invincible.

Après la mort de ma mère, je suis allée vivre aux Etats-Unis, chez la dernière famille qui me restait. C'était la cousine par alliance d'une fille à une tante à ma mère … Ils sont allés les chercher loin ceux-là … Elle et son mari m'ont pris en grippe dès mon arrivée chez eux. Ils appréciaient cependant les chèques que l'administration leur versait pour m'entretenir. Cela facilité considérablement leur apprivisionnement en drogues. J'ai déménagé d'un camps de caravane à un autre jusqu'au soir où ils sont tombés sur une fête qui s'est transformée en un trip de trois ans. Le cristal meth devenait très populaire et ils étaient devenus très vite des victimes de cette nouvelle drogue à la mode. Quand il n'y avait pas de pipe à eau disponible pour la fumer, ils se servaient d'une ampoule électrique évidée, et il arrivait que nous nous retrouvions complètement dans le noir. La drogue, elle, ne manquait jamais. Mon oncle et ma tante, avec leur sourires pareil à un clavier défoncé, étaient prêts à filer tout leur argent aux dealeurs. « Maryka … » Je me retournais vers ma meilleure amie. Affalée sur le ventre, la tête relevée dans ma direction, elle riait. Pour obtenir sa dope, une de nos voisines vendait carrément sa fille. Cette fille, c'était Iliana. C'était mon rêve éveillé. C'était mon bonheur. Elle ne se souvenait même plus quand avait commencé cette … Cette quoi ? Quel nom pouvait-t-on donner à une chose aussi monstrueuse ? À chaque fois qu'elle craignait une nouvelle vente, elle venait se réfugier chez moi. C'est de cette façon qu'avait démarré notre amitié. Cela faisait trois ans qu'on ne se quittait plus, l'école, le camping, les sorties, on passait tout notre temps ensemble. Il n'y avait pas un seul instant où on ne nous voyait pas toutes les deux. On était inséparables, c'était nous contre le reste du monde. Enfin, uniquement lorsqu'elle pouvait échapper aux rapports sexuels imposés par sa droguée de mère. Elle et moi, on avait tant de preuves convaincantes des dangeserités de la drogue. On savait bien que nos familles n'étaient pas des exemples à suivre, mais ça ne nous empêchait pas d'aller piquer dans leur réserves pour tester. On voulait juste s'amuser, vivre notre jeunesse, où était le mal à ça ? Elle se redressa et se mis sur ses pieds tant bien que mal, et elle s'approcha de moi d'un pas chancelant. Elle vint s'allonger près de moi, posant son visage tout près du mien. Je pouvais sentir son souffle chaud effleurer ma peau. Je ne fis aucun mouvement de recul. [colo=Lightblue]« Je vais partir. »[/color] Quoi ? Non ! Non, non, non, non, non, non. Non, je ne voulais pas ! On ne pouvait pas m'enlever ma source de bonheur ! Elle posa un doigt sur mes lèvres pour m'empêcher de protester. « Je n'ai pas le choix. Mais, je te retrouverai, Maryka. Je te le promet. » Elle réduit encore un peu plus la distance qui nous séparaient et nos lèvres ne tardèrent plus à enfin se réunirent.

« Je suis jalouse Maryka. Jalouse à en crever. L'amour que j'ai pour toi est tellement fort. Putain, pourquoi tu ne t'en rends pas compte ? » Une dispute de plus, ça en devenait fatiguant. Elles s'enchaînaient ces derniers temps, depuis l'épisode '' Alistair '' en fait. Épisode qui s'était transformé en histoire, en une longue histoire qui ne semblait pas vouloir se terminer, que je ne souhaitais pas voir se terminer. Je la regardais faire les cents pas dans mon nouveau logement d'étudiante. J'avais enfin quitté mon oncle et ma tante et leur camps de drogués pour partir étudier dans la ville la plus proche. Comment j'en étais arrivée là ? Qui aurait cru que la petite fille sans avenir que j'étais poursuivrai aussi loin son parcours scolaire ? C'était une bonne surprise, une incroyable chance que je ne souhaitais pas gâcher. « On était pourtant d'accord ! Tu me laisses vivre ma vie si je continues à boire ton sang régulièrement. » Je ne sais pas trop comment j'avais finis par céder. Les premières fois, elle ne m'avait pas vraiment laissé le choix, me faisant boire son sang par la force. J'imagine que par la suite, la culpabilité l'avait poussé à faire un compromis. Elle tenait à moi, beaucoup trop pour renoncer à ce nouveau lien qui nous unissait. Elle m'avait proposé de continuer à me garder auprès d'elle, et de son côté, elle ne m'empêcherait pas de rencontrer d'autres personnes, jusqu'à même fréquenter '' intimement '' quelqu'un d'autre. Elle m'avait promis de se tenir à carreaux, de ne pas laisser sa jalousie l'emporter, de rester calme et d'approuver tous mes choix. J'avais difficilement accepté, mais j'avais finis par réaliser que je ne pouvais plus me passer de Iliana non plus, elle était devenue essentielle à ma vie, encore plus qu'elle ne l'avait été auparavant. Elle représentait tellement à mes yeux, cependant ma part d'humanité me hurlait d'avoir une vie normale en dehors de tout ça. C'est sûrement ça qui m'avait poussé à tant m'accrocher à Alistair. Enfin, si on pouvait qualifier notre situation de '' normale ''. Il était mon professeur, j'étais son élève. Ce qu'on faisait était illégal, coucher ensemble, s'aimer, tout ça était interdit entre nous. Pourtant, on continuait, conscients des risques que cela pouvait impliquer si quelqu'un de l'université était amené à découvrir notre relation. Et c'est certainement ça qui dérangeait Iliana, jamais elle n'avait prévu que je tombe amoureuse. Elle se doutait bien que j'allais m'attacher à d'autre gens, elle savait que ça allait arriver, mais pas avec autant de force et autant d'intensité, pas au point de mettre en danger notre relation. Iliana et Alistair étaient mes deux raisons de vivre. La jeune espagnole n'appréciait pas devoir partager ce titre avec quelqu'un d'autre. Mais à quoi s'attendait-elle ? J'étais jeune, encore mortelle pour le moment, je n'avais pas cessé de vivre quand elle était partie, je ne vois pas pourquoi cela changerait maintenant qu'elle était revenue pour de bon. « Comment j'ai pu te promettre que je resterai à l'écart ? PUTAIN ! Ca me rend folle de te savoir avec lui, de savoir que tu ais des sentiments pour ce minable petit merdeux. Il faut que tu arrêtes de le voir, Maryka … S'il te plait. » NON ! Non non non et non ! Hors de question ! Elle aurait dû y penser avant. Elle n'avait pas le droit de m'imposer ses propres désirs. Elle m'avait déjà soumis à sa volonté l'année dernière, je n'accepterai plus aucun autre de ses souhaits tordus. Je n'étais pas vraiment du genre à savoir ce que je voulais, j'étais une véritable girouette. Mais une chose était sûre, Carmen ne réussirait pas à changer les sentiments que j'avais pour Alistair. « Tu ne peux pas me demander ça … » Jamais je ne pourrai me séparer d'Alistair, jamais. « Ca me torture d'avoir accès à tes pensées et de constater à quel point il occupe ton esprit. Et ça me tue de ressentir tes émotions lorsque vous … » Sa voix se brisa dans sa gorge, elle était désespérée, ça se sentait, notre lien renforçait cette impression pour la transformer en certitude. Et la savoir anéantie à ce point là m'affectait beaucoup. Je comprenais. Je comprenais tout à fait, je serai aussi dévastée qu'elle si j'étais à sa place. Je m'en voulais de lui faire autant de mal, sincèrement. Mais je ne pouvais pas renoncer à Alistair, à elle non plus, je voulais les garder tous les deux. Plus égoïstement, le sang de Iliana soignait en partie ma maladie, on en avait tous les trois consciences. Ma santé ne tenait plus qu'à Carmen, si j'arrêtais mon régime, j'allais revivre un enfer, mes poumons finiraient par lâcher rapidement. « Ce que je vais te dire va sûrement te brusquer. Mais Maryka … Tu es tellement naïve, c'est trop facile de t'avoir. Pas que tu sois faible d'esprit, mais je pense que ton passé et toutes ces drogues t'ont un peu déconnecté des sens de la réalité. Tu es complètement bernée par ce … Enfin Maryka, à t'entendre on dirait que ta vie est un compte de fée. Je ne sais pas ce qu'il t'as fait, il a dû t'ensorceler ou je sais pas … Mais, arrête ça, pour moi. Pitié. Sinon j'irai le voir moi-même pour régler tout ça ... » Elle m'avait promis de ne jamais le rencontrer, de ne jamais chercher à savoir qui il était exactement. Elle m'avait promis de rester loin de lui, de ne jamais l'approcher. Etait-elle vraiment prête à briser une promesse ? Une promesse qu'elle m'avait faite à moi ? Sa marquée ? Son trésor ? Sa vie ? Je baissais les yeux, fatiguée, lasse de reprendre une dispute qui avait déjà éclatée plusieurs fois. « On tourne en rond. » Je lâchais un soupire. Pourtant, il fallait bien qu'on se sorte de ce merdier. On ne pouvait pas continuer à s'engueuler pour la même raison jusqu'à la fin des temps. On était tous les trois immortels maintenant, enfin Alistair et moi, on cessait uniquement de vieillir. Ça pouvait encore durer longtemps. Il fallait qu'elle fasse un choix, et je craignais sa décision. C'est elle qui menait le jeu, elle qui avait les reines. J'étais soumise à sa volonté. « Il n'y a que deux solutions. Soit tu continues à accepter ma relation avec Alistair. Soit tu m'ordonnes de ne plus le revoir, avec ton pouvoir, je m'en rendrais sûrement jamais compte. Il te faudra juste prier pour que ta culpabilité ne te pourrisse pas trop l'existence. » Je relevais les yeux vers mon vampire. Elle était appuyée contre la table, perdue dans ses pensées. Elle semblait partagée, je pouvais sentir ses doutes et son déchirement. Je perçus même des pensées de suicide. Mon coeur s'arrêta lorsque je compris ses intentions. Le silence s'installa tandis que nos regards étaient plongés dans celui de l'autre. Elle tentait de bloquer ses pensées ou quoi ? Je perdis pieds l'espace d'un instant, comprenant trop tard que j'avais été contrôlée. Je repris possession de mon corps et de mon esprit lorsque le rideau s'ouvrit, illuminant brusquement la pièce. Les rayons de soleil inondaient à présent mon appartement, m'aveuglant au passage. Le cri d'Iliana me reconnecta à la réalité. Je me précipitais pour l'écarter des rayons, mais au lieu de ça, je ne réussis qu'à la plaquer au sol. Je me relevais rapidement, guidée par la panique. Je me ruais pour fermer le rideau, et repris uniquement mon souffle lorsque seules les lumières des lampes éclairaient la pièce. Je me laissais tomber par terre, partagée entre le soulagement et le déboussolement. Je rejoignis, à quatre pattes, mon vampire qui gisait sur ma moquette, à moitié cramée par le soleil. Elle commençait à peine à s'auto-guérir. Je m'assis près d'elle, plaçant sa tête sur mes cuisses. Je me mis à lui caresser les cheveux machinalement. Ce n'était peut-être pas elle qui devait prendre une décision, mais moi qui allait devoir faire un choix entre mes deux amours. Pourtant, il était pour moi impossible de me séparer de l'un d'eux. J'allais devoir retarder l'heure de ma décision le plus loin possible, quitte à blesser Iliana chaque jour un peu plus. Je m'en voulais tellement d'être égoïste à ce point là. Mais j'allais devoir attendre que quelqu'un fasse ce choix à ma place car j'en était tout bonnement incapable. Elle allait continuer à me donner son sang, continuer à accepter ma relation avec Alan, continuer à m'aimer malgré ça. Jusqu'au jour, ou un nouveau drame de ce genre se reproduira ...