La journée d'aujourd'hui avait été fastidieuse. Oh que oui. Il avait bossé comme un dératé sur l'affaire du noyé de la rivière mais les investigation menées n'avançaient pas. Il avait passé la nuit à relire le dossier de l'affaire, à décortiquer le rapport d'autopsie, à rechercher de moindre détail loupé sur les photos de la scène de crime mais rien de neuf n'en était sortit, il faisait du sur place. C'était la première grosse affaire sur laquelle il avait été mis depuis son transfert forcé et il n'était pas question d'en lâcher le moindre morceau.
Conor se passa la main sur le visage et frotta longuement sa barbe. Il allait devoir en passer par là. Son commissaire lui avait donné son accord pour faire ça mais il devait agir en toute discrétion et lui faire un rapport détaillé. Ça ne lui faisait pas peur loin de là, il l'avait déjà fait autrefois sur une affaire de tueur en série outre-atlantique, mais là il allait agir en terrain inconnu. Il soupira d'agacement. L'un de ses collègue frappa doucement à la porte de son bureau. Il grogna pour lui signaler qu'il avait la permission d'entrer.

« Sergent.. On va manquer d'effectif ce soir pour la circulation.. Le Chef voudrait que vous preniez en poste un segment de route. Hum.. Voilà.. Bonne soirée.. »

Et il s'en fut, les muscles transformés en jello tremblante. Ah... Ces jeunes recrues. Et même tout ses collègues en général. Certains le toisait avec mépris, même s'il était plus grand qu'eux, d'autres tremblaient comme des feuilles quand il leur adressait la parole, pourtant il ne parlait pas souvent. Mais la plupart d'entre eux, les moins con dirons-nous, le côtoyaient avec une indifférence polie et respectueuse. Seul son Chef se permettait parfois quelques familiarités et un laissez-allez dès plus bienvenu.
Le soleil commençait à se coucher et le commissariat se vidait de l'équipe diurne pour faire place à celle nocturne. Conor sortit de son antre et enfila son cuir. Il salua les membres nocturnes arrivants qui étaient étrangement bien plus sympathisants avec lui que pouvaient l'être les journaliers, il se prépara un café noir sucré et sortit de son lieu de travail pour un autre. Il but longuement son nectar le tout en fumant une de ses chère Philipp Morris.
Il repensa un instant à ses dernières investigations en terrain ennemi. Son excursion au Guilty Pleasures et le malaise terrifiant qu'il en avait ressentit. Il y retournerait, mieux préparé, il savait désormais à quoi il aurait à faire. Jetant le mégot brûlant et sa tasse cartonnée vide dans une poubelle, il enfourcha sa bécane aux armoiries de Shreveport et de son unité des forces de l'ordre et se rendit sur son tronc de bitume à surveiller.
La circulation.. La circulation ! Pourquoi avait-il fallu qu'il dise oui. Tout ces abrutis au volant de leur autos pourries, ignorants des limitations imposées pour la sécurité et se retrouvant soudainement bigleux ou pleurant après s'être fait mettre sur le bas-côté. Quelle bande de dégénérés consanguins dont le IQ frisait celui d'une huître cuite ! Il sentait un profond agacement monter en lui. Ils s'étaient tous donné le mot aujourd'hui. Entre les pseudos hommes d'affaires, extrêmement pressés d'arriver à leur réunion-mais surtout d'aller sauter leur maîtresse-, les jeunes conducteurs frimant devant leur camarades en se croyant au dessus des lois et en se montrant insolents avec les flics- Toi, il va t'arriver des bricoles mon p'tit...- ou alors les mères de familles névrotiques et dépressives qui perdaient le sens de la réalité et de la sécurité en laissant le môme derrière, sans ceinture et le bébé sur le siège avant alors que ce genre de voiture familiale est prévue avec des airbags aux places de devant- Nan mais ça va pas nan !
Ouh... Que c'était dur.
Après maintes contraventions collées, explications foireuses et branlantes données, pleurs chouinés, insultes crachées et sang froid gardé, la circulation se raréfia. Enfin, durant plus d'une heure, un calme serein s'était installé. Conor souffla un bon coup et se ralluma une cigarette. La tension était descendue et pour vérifier, il installa un radar sur trépied, histoire de. Mais là, non, il allait être tranquille pour quelques heures.
Il tira une bouffée de nicotine bienfaisante et un vrombissement la lui arracha de la bouche. Un coupé sport vint lui passer sous le nez, le narguant presque. Sa clope à peine allumée chuta sur le sol avec l'appel d'air. Il regarda le radar qui bipait comme un dingue. 170 Km/h..? Sur une route limité à 70..?
Alors lui il allait prendre tarif. Ramassant sa clope, il enfourcha sa moto, enclencha les gyrophares et se lança à la poursuite du chauffard. Les gens sont vraiment cinglés dans cette ville. Une chanson crissait de l'autoradio de cette voiture qui commençait à ralentir. Conor fit quelques appels de phares et la voiture s'arrêta. Il descendit de sa rugissante amie et s'approcha du conducteur. Un homme brun y était. L'air à la fois ennuyé et agacé. La chanson crissait toujours. Il décelai une présence dans cette voiture. Pas humaine. Comme les relents d'aura d'un trépassé. Y aurait t-il eu un cadavre dans cette voiture..? Ou y était-il toujours. Il allait devoir vérifier cela mais avant.

« Papier du véhicule. »

Non, non, pas de s'il vous plaît, pas d'aimable politesse avec un timbré qui ne sais même pas lire un panneau. Sa journée avait été longue et harassante, pleine de problèmes insolubles et de prises de tête. De plus, la pleine lune approchant, il était nerveux, sur ses gardes, il avait encore lutter hier pour ne pas qu'il sorte. Pas qu'il en avait honte, loin de là, mais il ne fallait pas qu'il sorte n'importe comment, en plein jour au beau milieu de la station d'essence. Une rixe avec un énorme bonhomme, débordant de graisse et d'arrogance avait failli faire craquer toutes ses barrières.
Le stress, l'anxiété et le manque de sommeil agissaient de manière fort négative sur les barrières qui protégeaient Shreveport et ses habitants de ce que sa bête était devenue.
Il n'en montra rien au conducteur inconscient ou bien trop grisé par la vitesse. Droit, fier et imposant,il attendit les papiers.



[ Hey Nik' ! J'ai pô le permis voiture ! Ai que le permis moto ! J'ai oublié de le préciser sur ma fiche ! super désolé !]

L’inconscient de service lui tendit les papiers. Tout était en règle, ça il l’aurait parié. Il les lui rendit prestement. Nikola Benson.. Un prof de fac qui peut se payer un coupé sport.. ? Il sortit son petit calepin et rempli les cases demandées pour un excès de vitesse. Il se demandait s’il n’allait pas pousser le bouchon avec ce compère fonctionnaire. Une bonne et exorbitante petite amende. Non.. ? Non. Ah. Maudits principes. Et pourquoi ne pas envoyer sa caisse à la fourrière.. ? Vu le regard de crapaud mort d’amour qu’il jetait à sa carrosserie, il lui briserait le cœur à coup sur. Un mouvement attira son attention vers le coffre de la voiture. Il y avait quelqu’un. Cette sensation de présence ne le quittait pas.
Il laissa son remplissage se papier en règle pour se tourner vers le cul de la coupé. Il ne bougea pas, ne fit pas un pas, mais ouvrit tout ses sens à la détection. Il ferma un instant et discrètement les yeux. En lui, il s’agitait, exultant de pouvoir travailler un peu. Autour de lui ce fut le noir. Puis, il repéra la route avec cette voiture qui venait de passer, Mr Benson à son odeur et sa voiture qui sentait encore l’essence chaude et il y avait elle. Cette forme phosphorescente indistincte, assise dans le coffre de la voiture. Une âme, une morte. Elle n’avait pas de visage, pas de vrai corpulence ni de taille, impossible de savoir si elle avait des cheveux. Elle n’était qu’une masse informe aux accents humanoïdes. Conor rouvrit les yeux. Benson était en pleine réflexion et n’avait pas remarqué ce petit usage d’un de ses précieux dons gracieusement offert par Dame Nature.

La nuit commençait à tomber, et cette verbalisation à s’éterniser. Mais quelque chose n’allait pas. Conor leva les yeux au ciel pour l’observer. La lune était en gibbeuse. Presque pleine. Et en lui cela s’agitait furieusement. Il devait se dépêcher de finir ça et de rentrer au poste pointer et sortir de la ville. Le calmer avant la pleine lune. Le laisser sortir. Les phares de la voiture s’allumèrent tout seuls ce qui eut pour effet de faire revenir Conor à la réalité, de lui faire quitter ses projets de fuites et ses stratégies de conservation. L’homme au volant de sa voiture attendait toujours patiemment. Conor eut du mal à détacher les yeux du coffre du coupé et au prix d’un effort surhumain, revint vers Benson et recommença à remplir son calepin à prunes. Une lourde fatigue lui tomba sur les épaules. Il soupira, sa nuque le tiraillait et ses yeux le piquaient d’exténuement. Il finit de remplir la prune quand il sentit une odeur honnie mêlée à celle du gaz d’échappement. Un vampire passa derrière eux, en voiture, à une vitesse à n’en pas douter très réglementaire. C’est là que tout dérapa.

Benson regardait la lune et Conor sentit un filet de nervosité suer à travers ses pores. La lune se montra. La nuit venait de tomber. Une soirée claire et sans nuages. Conor se sentit mal. Ses jambes tremblaient. Il avait encore dans le nez l’immonde puanteur d’une hémoglobine pourrie. Une brusque montée de température fit apparaître à son front un film de transpiration malade. Il voulait sortir. De toutes ses forces. Benson osa jeter un coup d’œil vers lui. Conor lâcha son calepin qui tomba sourdement dans un bruit mat de papier froissé. Dans sa tête résonnait comme une ode guerrière les battements de son cœur. Et il sentit. Il le sentit. Poussant de toute sa puissance contre sa volonté. Il entendait les hurlements exultant et enivrés d’une liberté promise. Conor mis un genou à terre. Une main fermement accroché à la portière de la voiture, l’autre serrant sa chemise à niveau de son palpitant. Il sentait tout au fond de lui la bête arriver par vagues de plus en plus forte.

La présence de l’esprit se fondit entièrement dans le coffre de la voiture, comme apeurée. Conor serra les mâchoires en respirant bruyamment. Les yeux ouverts, exorbités par la douleur de l’empêchement et la pression qu’il exerçait sur lui.
L’odeur de la panique empli ses narines.
Il suait désormais à grosses gouttes et gémissait. Un son entre humanité et sauvagerie s’échappait de ses lèvres sèches. C’était dur, trop dur.
Il tourna un regard vitreux vers le conducteur et dans un nouvel effort se releva. Il faisait chaud, trop chaud.
Dans un geste désespéré de fraîcheur il ôta sa chemise, l’arrachant presque et fraisant sauter quelques boutons avec. Il révéla un torse puissant, comme bâti dans un granit lourd et noble. Les muscles roulaient sous sa peau, les nerfs éraient tendus à l’extrême et donnaient l’impression qu’ils allaient lâcher dans un claquement effroyable. Tout son corps était tendu et sa chair semblable au marbre.
Il haletait, exhalant un souffle erratique.
Il se tourna vers Benson, plié en deux, la sueur perlant à son front, la mâchoire crispée.

« Dégagez. »

Benson ne bougea pas, fasciné à l’horreur par ce spectacle incroyable. Les muscles bougeaient sous la peau de Conor, offrant un ballet de chair et de nerfs aux yeux du conducteur.

« Bordel.. Dégagez ! »

Répéta t-il plus fort. Mais rien n’y fit. L’odeur de la nuit fraîche et prometteuse continuait d’achever les barrières de Conor et l’excitation de sa bête.

Conor n'en pouvait plus.. La lutte était trop douloureuse. Cette pression sur son être était vraiment insupportable. Il entendit vaguement une potière claquer.

« Vous..ait.. Calme..ou.. »

C'était ce qu'il avait réussi à décrypter de ce que Benson pouvait bien lui raconter. Il leva vers lui un regard vitreux et fiévreux qui se piquetait d'un or lumineux. Il ne fallait pas que cet homme reste là. Au vampire la contravention ! Il grogna. Le film de sueur visqueuse se transforma en gouttes abondantes et poisseuses qui coulaient jusque dans ses yeux rendant encore plus trouble sa vision.
Benson se rapprocha de lui. La distance qui les séparait s'effaça et cela rendit Conor encore plus nerveux.

« Ou..ait.. Restez pas... la... Dangereux.. »

Ces mots sonnaient en lui comme des insultes et révulsèrent la bête en lui. Conor savait que Benson voulait certainement dire autre chose. Il l'espérait mais il était dans l'incapacité d'en comprendre un traitre mot de plus. Tout les poils de son corps se hérissèrent à la sensation des mains proches de lui et il se retint de justesse de mordre les doigts tendus vers lui. Par Brigid, il fallait qu'il reprenne le contrôle ou les choses allaient mal tourner pour le conducteur.

« Vous.. Dégage..Ou..Mettre.. Moins..Sécur..Rass... »

C'en était trop pour sa bête... Tout les muscles de son corps se mirent en action sans qu'il ne puisse les contrôler. Dans un grognement bestial il se mit sur ses jambes comme si aucune douleur ne paralysait ses membres et chopa la gorge du frêle brun. Il le colla contre la portière se sa voiture d'une seule main. Il sentait que les pieds de l'homme frôlaient à peine le bitume tiédit par la chaleur de la journée plus qu'il ne le vit. Il ne pu s'empêcher d'avoir un sourire malsain et plein de supériorité. Ses doigts se crispèrent instinctivement autour de la trachée de l'homme. Il sentit une bouffée d'adrénaline courir dans tout son corps.. Encore meilleure qu'une bonne cigarette après une filature risquée. Cette sensation de pouvoir sur l'autre il l'avait déjà ressentit auparavant mais jamais aussi puissante.
Ses yeux bleus avaient virés au doré caractéristique des yeux lupins et une paire de crocs luisant de salive apparaissaient des bords de sa bouche qui se tordait en un sourire fou.

Il sentait l'homme suffoquer et une brusque baffe de conscience lui fit desserrer sa prise mais pas assez pour lâcher Benson.
Il respirait fort, un râle rauque et roulant sortait du fond de ses tripes. Quelle merveilleuse sensation. Il se sentait investit d'une puissance divine. Il savait qu'un simple mouvement suffirait pour écraser nonchalamment la gorge de cet inconnu. Lui broyer la nuque et la trachée dans le même mouvement et une fois ce corps pétrifié de peur ôté de tout battement cardiaque il pourrait se repaître de cette chair juteuse et vivifiante.
N'est ce pas ?
Les poils se sont corps se décuplèrent en quelques secondes. Les barrières s'effondraient petit à petit laissant le total contrôle à son double frustré d'avoir été si longtemps comprimé.
Il avait perdu tout les siens à cause de simples humains comme lui, quelle douce vengeance que se remplir d'énergie par cette chair faible et tendre.

Il commencerait par les fesses, le plus tendre puis les cuisses et les mollets. Il continuerait par l'abdomen et les tripes, son cœur et ses bras. Il se garderait les yeux et la cervelle en dessert. Quel festin de roi.. Oui un Roi... N'était-il pas un Alpha ? L'un des plus puissant de toute l'Irlande ? Le fédérateur des clans ?
Il lorgna de son regard de boucher le corps de Benson, léchant ses lèvres avec appétit. Sa prise se resserra. Oh oui. Il allait festoyer comme un démon sur cette dépouille encore chaude.. Peut être même allait-il le dévorer vivant ? Sentir le sang pulser dans sa gueule ? Oh Oui.. Ses jambes craquèrent sous la métamorphose et changèrent se forme pour des pattes. Son pantalon se tendit et craqua sous la pression. Il était encore plus grand. Un queue apparue et se couvrit de poil au niveau de son coccyx. Sa jugulaire tripla de volume sous le regard paniqué de Benson qui baragouinait quelques paroles.
Le regard de Conor croisa le sien plein de supplications et là...

« Vous avez des envies de suicides ?! »

Il lui hurla dessus comme au dernier des gamins qui vous casse les pieds -pour rester poli- son visage proche de celui de Benson.

« Quand je vous dit de dégager, vous DEGAGEZ ! »

Conor mit sa tête en arrière et fit craquer sa nuque. Il lâcha la gorge de Benson qui allait porter des beaux hématomes pendant plusieurs semaines et l'homme tomba à terre dans un bruit mat.
Conor prit une grande respiration et vérifia les dégâts de sa perte de contrôle. Elle avait été grandiose celle-là. Il remarqua l'état de ses jambes. Un tronc humain juché sur une paire de jambes lupines agrémentées d'une queue touffue. Et merde. Il ne pouvait pas reprendre la moto comme ça. Sa chemise déchirée ne pouvait même plus couvrir son torse. Il soupira de plus belle en sentant les crocs et son abondante pilosité. Il alla chercher son paquet de Phillip Morris et s'en grilla une. Il s'assit en face de Benson qui n'avait pas bougé. En tailleur, il leva une de ses patte et se gratta derrière l'oreille, tel un chien, faisant cliqueter sa chaine et la bague en pendant.

« Désolé que vous ailliez assisté à tout ça. J'ai bien cru que cette fois j'reprendrais pas les rennes..! »

Et il eu un rire tonitruant, grave et rauque qui résonna dans la nuit vide et étoilé. Une voiture passa discrètement non loin d'eux.